La Nuit des Choeurs et le spectacle théâtral de l’été – Pinocchio – ne sont pas les seules raisons de pousser les portes de la célèbre abbaye cistercienne. Suivez le guide…

Fondée en 1146, l’abbaye de Villers-la-Ville s’en va tout doucement vers ses neuf siècles d’histoire. Autant dire que ses murs renferment de nombreux chapitres passionnants, à découvrir tout au long d’une visite guidée qui attire aujourd’hui des milliers d’yeux et d’oreilles à l’arrivée des beaux jours. Mystérieux, silencieux, majestueux… Le lieu donne des frissons dès le premier regard. Difficile de croire qu’au XIIe siècle, ce sont à peine douze moines, cinq convers et un abbé qui en ont posé les premières pierres, dans une vallée de la Thyle qui leur offrait à la fois la discrétion, de l’eau en suffisance et des matériaux de construction à portée de bras. Encore plus difficile d’imaginer le décor de l’époque, puisque les bâtiments ont connu des métamorphoses incessantes, des périodes agitées (notamment à la fin du Moyen Age), un pillage sans vergogne (juste après la révolution française), des écroulements et des restaurations. Il est beaucoup plus simple, par contre, de comprendre pourquoi le site fut classé en 1992 comme  » patrimoine exceptionnel de Wallonie « . Quand on y pénètre, on entend le murmure des moines d’antan, on traverse les couloirs du temps avec l’esprit curieux et on s’abandonne littéralement à ses ruines. Une manière parmi d’autres d’apprécier une abbaye qui brasse son passé sans oublier le présent, s’habillant désormais de mille raisons d’y faire voeu d’excursion.

SACRÉS CHoeURS

Pour apprivoiser l’abbaye, la Nuit des Choeurs constitue une formule à la fois originale et onirique. Si l’événement avait quitté Villers-la-Ville en 2008 le temps de cinq étés, il a fait son retour en grâce l’année dernière avec une édition exceptionnelle, en recevant notamment les voix corses d’I Muvrini. Aujourd’hui, la Nuit souffle ses 15 bougies en promettant aux visiteurs des moments de pure beauté. Le concept ne change pas : six choeurs à la renommée internationale se posent dans les endroits les plus remarquables des ruines pour y donner des concerts uniques. Sous une voûte, au détour d’une muraille ou dans un coin de cloître, les voix résonnent et invitent les spectateurs à se promener pour découvrir leur provenance. Bien sûr, les horaires sont conçus pour que le public n’en rate pas un écho. Et en fin de soirée, toutes les formations musicales se retrouvent sur une même scène pour entonner l’apothéose, avant qu’un feu d’artifice ne vienne définitivement illuminer les esprits… et les coeurs.  » C’est toujours un grand moment, mais aussi un très gros succès depuis la création de l’événement en 2000, explique Geneviève Claes, responsable de la promotion de l’abbaye. Avec 6 000 spectateurs par soir, on peut dire que c’est une très belle vitrine. Et clairement, avec la pièce de théâtre (lire par ailleurs), ça reste le gros morceau de notre agenda estival.  » Notons que parmi les invités de cette 15e édition, qui se déroulera les 29 et 30 août prochain, on croisera notamment les Choeurs de Saint-Pétersbourg (opéra de haut vol), The London Quartet (humour a cappella), les choristes originales de James Brown (funk acoustique) et même la chanteuse israélienne Yael Naim. En cinq mots : rien que du beau monde…

THÉÂTRE (TRÈS) VIVANT

Tout aussi attendu que la Nuit des Choeurs, le spectacle de théâtre organisé chaque été à l’abbaye mérite également la mention  » féerique « . On le doit à la société de production Del Diffusion qui, depuis 1987, met un point d’honneur à créer des pièces aussi riches que grandioses, mises en scène pour sublimer le décor originel et profiter de sa solennité naturelle. En plus d’un quart de siècle, ce sont quelque 500 000 spectateurs qui ont assisté à ces spectacles monumentaux. Les bonnes mémoires se souviennent peut-être de Barabbas (première pièce conçue pour l’abbaye), de Roméo & Juliette ou de Faust. Ceux qui ont attendu les années 2000 pour découvrir ce théâtre à ciel ouvert ont probablement croisé la route de personnages nommés Macbeth, Dracula, Don Camillo ou Frankenstein.  » On est très fiers de travailler avec ces organisateurs-là, car non seulement ils sont fidèles à l’abbaye depuis le début, mais en plus, ce sont toujours des créations originales et variées « , se réjouit notre interlocutrice. Nouvelle preuve de cette diversité revendiquée : Pinocchio, qui posera ses valises à Villers-la-Ville du 15 juillet au 9 août. Une pièce qui, pour la première fois, s’adressera à des spectateurs de tous âges, mêlant à la fois la poésie, le sourire et l’émotion tout au long d’une histoire que l’on croit – à tort – connaître par coeur. Respectant la trame originale de son créateur Carlo Collodi, les tribulations du petit bonhomme en bois s’écarteront volontairement des versions édulcorées signées Disney et consorts, au profit d’une vraie réflexion sur le parcours initiatique, semé d’embûches et de mensonges, d’un pantin qui apprend à devenir un jeune garçon. Geppetto, le Grillon, la Fée Bleue, Lumignon ou l’incontournable baleine seront évidemment de sortie, dans une production qui invitera le spectateur à suivre les rencontres du héros en marchant d’un tableau à un autre. Du grand art, pour une pièce qui nous rappelle avec une folle fantaisie que le mot spectacle a enfanté l’adjectif spectaculaire…

POUR ADULTES ET POUR ADOS

Pinocchio n’est pas seul pour attirer les mômes à l’abbaye. On parlait plus haut de la visite guidée, qui éblouit chaque année des visiteurs par milliers. Bonne nouvelle : cet été, le parcours sera également accessible aux plus jeunes, avec la mise à disposition d’un audio-guide  » enfants « . Au programme ? Un voyage dans le temps à la fois moderne et ludique, qui permet de cerner un peu mieux le quotidien des moines ou quelques époques clés de l’histoire du lieu.  » Ils sont emmenés dans le passé pendant une petite demi-heure, en compagnie de la voix d’un moine novice, bavard, un peu maladroit et plein d’humour. Cet audio-guide a été conçu en collaboration avec les ados d’une école bruxelloise et leur professeur, qui ont cherché la meilleure manière de sensibiliser les jeunes au patrimoine. Ils devraient adorer, puisqu’ils doivent utiliser un smartphone ou un lecteur MP3, via une application téléchargeable sur notre site.  » Autre possibilité pour les enfants, imaginée l’année dernière et qui, vu le succès, s’offre une deuxième saison : le jeu de piste QR-Code, qui fonctionne également via smartphone.  » On peut y jouer seul ou en groupe. Pour ceux qui le connaissent déjà, pas de panique : on a imaginé un nouveau scénario, qui est toujours basé sur l’observation des lieux. Cet été, il s’agit d’une série d’énigmes qui ont un rapport avec les chiffres, et qui concernent aussi bien l’histoire que les bâtiments…  »

DES ESPACES RÉOUVERTS

Depuis l’été 2013, l’abbaye a entrepris d’importants travaux de rénovation. Objectif : rendre à nouveau accessibles des espaces fermés depuis plusieurs années. Un travail d’envergure, mais  » nécessaire et passionnant, réalisé par la Régie des Bâtiments qui a travaillé d’arrache-pied pour que, dès aujourd’hui, de nouvelles portes s’ouvrent « . Quelques exemples ? Les prisons médiévales, entièrement nettoyées de leur boue. Le long escalier de Montaigu, qui donne accès à la colline du même nom et qui a été consolidé pour permettre aux visiteurs d’accéder à une vaste zone de l’abbaye. Le bâtiment des moines et le dortoir qui le surplombe, restaurés pour une meilleure plongée dans la vie monastique d’hier. Le cimetière, où un sentier piétonnier en dolomie a été aménagé… On en passe, et ce pour une raison simple : il faut se rendre sur place pour apprécier ce vent de fraîcheur qui enveloppe l’abbaye d’une atmosphère toujours plus authentique et plus mystique.

ON PASSE AU JARDIN ?

Les moines étaient en avance sur leur temps, se soignant avec des plantes et des remèdes tout droits issus de leur environnement. Pour découvrir quelques-unes de leurs mixtures, un détour par le magnifique jardin médiéval s’impose. Pour une simple balade, d’abord. Mais aussi pour recueillir les précieux mots de l’herboriste Marie Fripiat, qui connaît le pouvoir des plantes et peut vous livrer de nombreux conseils pour guérir vos petits bobos du quotidien. Instructif, bien sûr. Surtout quand la visite se termine par la dégustation d’un gâteau ou d’une tisane, élaborés selon des recettes d’un siècle lointain.  » On peut même repartir avec trois préparations différentes : une infusion énergisante, digestive ou relaxante. Ce jardin, inauguré en 2013, est une vraie réussite. Et pour les gens qui veulent aller plus loin, désormais, on propose aussi des promenades en compagnie d’un guide nature, des conférences ou un atelier d’herboristerie. Nous avons également un vignoble, où l’on peut cueillir des raisins et déguster le vin local. C’est une véritable plus-value pour l’abbaye, et une manière de convaincre un public qui connaissait déjà le lieu et qui hésitait peut-être à revenir. On se démène pour que les ruines soient toujours en mouvement et se développent, car on veut que cela demeure un endroit d’exception.  » Il ne reste plus qu’à signaler que, cet été, les visiteurs pourront même aller voir ce qui se passe en-dehors des murs, avec la mise à disposition de vélos électriques qui emportent les yeux à travers la campagne, les bois, les fermes ou les chapelles d’une région où règne le silence, toujours le silence… Les bâtisseurs de 1146 peuvent décidément être fiers de ce que le temps a fait de leur oeuvre.

Site de l’abbaye : www.villers.be

Infos et réservations pour la Nuit des Choeurs : www.nuitdeschoeurs.be

Infos et réservations pour le spectacle Pinocchio : www.deldiffusion.be

PAR NICOLAS BALMET / PHOTOS : FRÉDÉRIC RAEVENS

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