Elle s’est imposée en quelques années dans le monde du cinéma et celui de la mode, où elle est l’égérie de Chanel. Aujourd’hui, on la retrouve à l’affiche de J’ai toujours rêvé d’être un gangster, réalisé par son compagnon, Samuel Benchetrit. Anna se raconte à Weekend… Telle qu’elle est, vive et inspirée.

Dans J’ai toujours rêvé d’être un gangster, Anna Mouglalis interprète la serveuse d’une cafétéria de banlieue où vont se croiser Edouard Baer, Alain Bashung, Jean Rochefort et aussi les Belges Arno, Bouli Lanners, Serge Larivière… Du coup, elle est le fil rouge qui court de sketch en sketch.  » Le film vous a plu ? Il est beau, non ?  » s’enthousiasme-t-elle… Avant de se confier de sa voix envoûtante, celle-là même qui a inspiré à Chanel le parfum Allure sensuelle.

Weekend Le Vif/L’Express : J’ai toujours rêvé d’être un gangster est un film atypique…

Anna Mouglalis : C’est un film amoureux du cinéma, fidèle aux divers genres cinématographiques qu’il célèbre – le burlesque, le néoréalisme italien, etc. – et en même temps cela reste une £uvre populaire et drôle autour des laissés-pour-compte. Cela me change d’un certain cinéma d’auteur qui privilégiait le souci esthétique au détriment total de l’histoire. De films davantage destinés aux galeries d’art. Je n’avais pas tourné en France depuis longtemps – j’ai ouvert une longue parenthèse italienne après Romanzo criminale (Michele Placido, 2005) – et je reviens avec ce rôle différent, dont je suis fière et qui me dédouane des sortes de projections bizarres…

Vous voulez dire des personnages de femme fatale dans lesquels on vous a beaucoup vue ?

Fatale, mystérieuse, lointaine… Cela vient de mon premier rôle marquant : Merci pour le chocolat (Chabrol, 2000) où je n’interprétais pourtant qu’une petite-bourgeoise suisse qui prenait des cours de piano… Les actrices paraissent souvent mystérieuses quand elles n’ont pas suffisamment de scènes pour développer leur caractère. La présence dépasse ce que vous avez à raconter.

Ce film de Samuel Benchetrit est aussi l’une de vos premières comédies ?

Jusque-là, toutes celles que l’on me proposait étaient grasses et grossières. Pour peu que vous soyez plutôt grande et que l’on vous trouve un peu jolie, on vous distribue dans des emplois consternants de maîtresses, de putes, de bobonnes et je ne veux pas cautionner cette image de la femme. Ça peut être tellement autre chose une femme ! Je suis éc£urée par des personnages que certaines actrices acceptent d’interpréter, surtout dans le domaine de la comédie, le plus dangereux, car le plus populaire. Etre acteur, c’est aussi un acte politique.

Avez-vous été convaincue tout de suite par ce rôle de serveuse un peu gangster ?

Oui. C’était une respiration, une fenêtre qui s’ouvrait. J’avais rencontré Samuel trois ans avant le tournage pour ce même film, mais avec tout ce qu’il a traversé (le décès de Marie Trintignant avec laquelle il a eu un petit garçon), il avait laissé le projet de côté. Plus tard, il m’a rappelée… J’ai toujours rêvé d’être un gangster m’a permis de rencontrer l’homme de ma vie – lui – et a rendu possible pour moi un rêve de cinéma : sur le plateau, j’ai cadré des plans ; ensuite, j’ai suivi toute la postproduction. Maintenant, j’espère réaliser mon premier long- métrage, Vampire, l’adaptation d’un conte populaire russe, celui qui fait le plus peur aux enfants.

Que pensez-vous de ce début de polémique autour de l’affiche du film ?

L’image est très pudique : j’ai les cheveux sur le visage, j’allaite notre petite fille (Saül), le flingue dans le jean est un jouet. C’est une photo très moderne et à la fois elle représente  » la Mère à l’Enfant « . C’est libre, pudique, ludique et malgré tout je me suis fait agresser verbalement. On m’a posé des mots d’insulte sur mon scooter. Aujourd’hui, la pensée n’est pas très libre.

Vous avez incarné Simone de Beauvoir dans Les Amants du Flore pour France 3 en 2006 ? C’est un rôle qui vous poursuit encore ?

Bien sûr, car rien n’est acquis pour les femmes. A travail égal, le salaire ne l’est pas. Pourquoi ? Franchement ! pourquoi ? Et puis cette société veut bien consommer du mannequin, de la petite chanteuse, mais elle critique les femmes libres, intelligentes, qui font bouger les mentalités comme Simone de Beauvoir. On dit :  » C’est des emmerdeuses. » Je ne suis pas du tout une chienne de garde, mais je reste vigilante. Il y a une régression.

En 2002, Karl Lagerfeld vous a demandé d’incarner l’esprit de Chanel ?

Le fait d’avoir pu attirer son attention et de continuer à l’attirer après ces quelques années est un cadeau précieux. Au départ, j’avais des idées préconçues sur la mode, mais mon rapport avec Karl dans cette maison est tout sauf superficiel. C’est peut-être la personne la plus curieuse que j’aie jamais rencontrée. Il s’inspire de tout pour ses collections : musique, cinéma, peinture… C’est quelqu’un d’à part qui réinvente continuellement la mode en respectant l’image de la femme. Elle n’est jamais objet du désir. En tant qu’actrice, cette expérience m’a apporté énormément. Elle m’a appris à caresser mes contours au moment où j’étais une toute jeune femme et à continuer à les asseoir.

Finalement, vous, la Nantaise, vous symbolisez la Parisienne type ?

Gabrielle Chanel était une femme d’esprit et une businesswoman en avance sur son temps… D’un autre côté, je n’ai pas la nostalgie de Nantes, une ville très chouette. J’ai quitté ma famille à 15 ans pour habiter Paris, j’étais très amoureuse de la capitale. J’ai l’impression que mon histoire a commencé avec mon autonomie de jeune fille. Après, une série de hasards m’a amenée au cinéma. Mes parents (père médecin acupuncteur d’origine grecque ; mère masseuse et bretonne) viennent d’un milieu très prolétaire et il était hyperimportant pour eux que l’on ait accès à la culture. J’étais partie pour faire des études supérieures, hypokhâgne ( NDLR : en France, année préparatoire à l’entrée à l’Ecole normale supérieure)… Je n’avais pas pensé devenir actrice. Je n’avais pas la vocation. Ce n’était pas un désir d’adolescente. En montant sur les planches, je me suis prise au jeu.

Que gardez-vous des années de plongeon acrobatique pratiqué à haut niveau quand vous étiez toute jeune ?

Cela me sert à épater la galerie sur les plages d’été en sautant des rochers, surtout en Méditerranée où les types se prennent un peu pour Aldo Maccione… Plus sérieusement, il me reste de la compétition sportive le plaisir du jeu – je suis joueuse et j’aime gagner – et aussi d’absolu. Mais je trouve qu’il est beaucoup plus intéressant de se dépasser dans l’art. Moi, la démesure me plaît. Je n’aime pas la pose et puis le goût de chacun change. Passer d’une chose à l’autre, c’est formidable. En ça la vie est magnifique. D’après moi, la déconfiture physique inévitable qui arrive avec l’âge permet d’accéder à autre chose que la tyrannie du désir. Je trouve très bien de savoir qu’il y a un temps pour tout.

Propos recueillis par Gilles Médioni

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