Avocat dans le civil, cet artiste dans l’âme a découvert la photographie à 6 ans et le continent noir à 40. Son oeuvre est au croisement de ses deux passions. Un hommage à la beauté de la nature et des peuples, là où ceux-ci cultivent encore une certaine authenticité.

Ce n’était pas la première expo de Benoît Feron. Mais ses Portraits du Rift, présentés en novembre dernier au Hangar H18, à Bruxelles, ont déplacé les foules : plus de 3 000 visiteurs en trois semaines, rares sont les créateurs inconnus du grand public qui peuvent se flatter d’un tel succès. Pas seulement d’estime, de connaisseurs également. Il faut dire que ses visages d’individus, jeunes ou plus âgés, issus d’une quinzaine de tribus de la vallée du Rift, cette faille de l’Est africain considérée comme le berceau de l’humanité, dégagent une force et une pureté saluées par de nombreux observateurs. De l’art brut fixé sur papier baryté. Si à 50 ans passés, le talent de notre compatriote ne lui a pas (encore ?) ouvert les portes de la notoriété, c’est qu’il n’est pas professionnel de la discipline mais avocat, spécialiste du droit des affaires. La photo est son hobby. Les voyages son plaisir. Et l’Afrique sa passion. Celle de l’Est, où les terres sauvages s’étendent encore à l’infini.  » C’est en feuilletant l’ouvrage Mon rêve d’Afrique de Carlo Mari, alors que j’étais coincé dans un brouillard épais aux sports d’hiver, que j’ai eu cette révélation. Trois semaines plus tard, je m’envolais en Tanzanie pour prendre des clichés d’animaux dans le Serengeti. L’image d’un guépard dans la lumière dorée du couchant ne m’a jamais quitté. Un choc de beauté.  »

C’était il y a une grosse dizaine d’années. Depuis, l’homme est retourné plus de quinze fois dans la région, en solo ou en famille, pour imprimer dans son viseur la nature d’abord puis, très vite, les êtres qui communient avec elle. En 2007, il se distingue lors d’un premier accrochage collectif en recevant le prix spécial du jury. Un an plus tard, il remet le couvert, à Bruxelles, seul cette fois, et publie un bouquin sur le même thème : Surma, Faces and Bodies, hommage à ce peuple d’Ethiopie connu pour son culte de la beauté physique et ses peintures corporelles. Son amour pour la perfection graphique l’amène à shooter à la fois les curiosités du paysage, de très haut (d’avion) ou de très près (en macro), et des détails de corps magnifiés par les ornements, bijoux et scarifications dont se parent ceux qu’il rencontre – parfois au terme d’épuisants périples à travers la brousse ou la savane. D’autres expos et livres consacrent cette quête de l’African Skin.

Puis, il y a trois ans, Benoît Feron décide de systématiser sa démarche en tentant d’approcher tous les peuples qui vivent encore de façon traditionnelle dans cette vallée du Rift, qui court de Djibouti, au nord, à la Tanzanie, au sud, en passant par l’Ethiopie et le Kenya. Il s’y rend juste avec son guide, son matériel et une grande bâche noire pour toile de fond, pour portraiturer ceux et celles qui acceptent de se prêter au jeu. Avec un grand sens de l’esthétique et une attention particulière pour les regards et le grain de la peau, qui ne reflètent que la lumière du jour, jamais de flash. Massaï, Turkana, Samburu, Omo, Karo et tant d’autres, vingt-cinq ethnies au total, qu’un dénominateur commun relie : toutes vivent encore dans le respect de leurs coutumes ancestrales. Et si la plupart se sont sédentarisées, elles ont gardé de leur passé nomade l’habitude de ne posséder que les richesses qu’elles peuvent porter sur elles : bijoux, vêtements, plateaux… Quand le corps s’affiche comme principal vecteur de l’expression artistique, le photographe qui peut s’en saisir n’est pas loin d’avoir atteint son Graal.

PAR PHILIPPE CAMILLARA

 » L’image d’un guépard dans la lumière dorée du couchant ne m’a jamais quitté.  »

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