Le 49e Salon international du meuble de Milan a confirmé le triomphe du bois, sur fond de discours durable. Le design se veut économe. Dans tous les sens du terme.

Inévitablement, à force d’user ses semelles sur le béton de moins en moins underground des studios de Zona Tortona et de jouer des coudes dans les allées bondées de la Fiera, la même petite question insidieuse finit toujours par vous traverser l’esprit. Le monde a-t-il vraiment besoin de cette énième chaise en bois prétendument durable ? Cette année, c’est un volcan islandais au nom imprononçable qui s’est chargé de rappeler à la communauté du design, réunie du 14 au 19 avril à Milan pour la 49e édition du Salon du meuble, la finitude de notre belle planète. Soudain, ce n’était plus tant ce que l’on avait vu – de beau, de laid, d’inutileà – qui importait aux quelque 350 000 visiteurs et exposants, mais comment s’échapper de la souricière. Pour les gens forcés d’attendre des heures, devant la gare centrale, dans l’espoir de décrocher un ticket de sortie, Chairless, l’étonnant projet d’Alejandro Aravena pour Vitra, prenait un sens particulier. Le Chilien avait choisi de réduire la notion même de siège à sa plus simple expression. Soit une bande de tissu de 85 cm de longueur et 5 cm de largeur formant une boucle qui, passée autour du dos et des genoux, offre une assise confortable et stable. Ce design étonnant, l’architecte au look de rock star l’a découvert chez les Indiens Ayoreo du Paraguay. Nomades par choix et non par la force des choses, comme tous ces voyageurs incapables de rentrer chez euxà Le salon, pourtant, avait plutôt bien commencé, réservant son lot de surprises intéressantes, dans les limites du raisonnable, toujours, crise économique oblige. Partout, du bois, du durable, du recyclé. Du classique revisité. Et quelques belles tentatives de créer l’événement. Best of.

Trop plein de bois

La vague est devenue tsunami. Même les marques historiquement réputées pour leur maîtrise du plastique ou du métal s’y sont mises. En frêne naturel, la collection TWB (pour tailored wood bench) de Raw-Edges (3.) pour Cappellini semble réalisée dans du papier froissé. Pour Quinze & Milan, Søren Rose, qui avoue s’être laissé inspirer par les planches à découper des cuisiniers, travaille le pin danois ceinturé d’une bande de Corian® pour créer les poufs et les tables basses de la série One Leg Down (1.). Pour Skitsch, le collectif 5.5 Designers, avec son Fire Kit, propose un drôle de feu de camp urbain. Bernhardt Design, à travers le travail du Français Noé Duchaufour-Lawrance, créateur de la chaise Corvo (2.), met l’artisanat à l’honneur, tout comme les Belges de When Objects Work qui éditent cette année les premiers objets du styliste Michaël Verheyden. Quant à la Wood Chair de Front chez Moroso (4.), elle faisait sacrément penser à ces billes de massage qui recouvrent les sièges des chauffeurs de taxi.

écologiquement correct

Parce que la durabilité des produits est devenue l’argument de vente par excellence, c’est encore mieux si ce que l’on vous propose peut afficher un bilan carbone optimal. En acceptant la direction artistique des collections de l’Américain Environment, Jean-Marie Massaud (6.) a eu à c£ur d’imaginer des objets légers, compacts – et donc moins coûteux à stocker et à transporter – toujours fabriqués à partir de bois  » traçable « . Emeco et Coca-Cola ont également uni leurs forces pour créer une chaise (7.) à partir de 111 bouteilles de plastique, de pigments et de fibre de verre (pour assurer la résistance de l’assise). C’est aussi en travaillant de l’aluminium recyclé que Tokujin Yoshioka a obtenu le tissu de la chaise Memory pour Moroso (5.) dont la forme change au gré des envies de son utilisateur.

Style de brutes

En recouvrant leur nouvelle étagère métallique Cabana (4.) d’une étrange chevelure en raphia, Fernando et Humberto Campana continuent à explorer les matières brutes et les couleurs naturelles de manière détournée et contemporaine. Chez Edra toujours, la table Cotto en terre cuite rugueuse – le matériau préféré des Étrusques – est façonnée à la main en Toscane selon des techniques artisanales ancestrales.

Forêt enchantée

Cette année encore, les installations du Swarovski Crystal Palace, plus poétiques que show-off, ont démontré que le cristal, matière réputée bling-bling, pouvait encore faire rêver. Alors qu’Yves Béhar présentait des lanternes de papier sur lesquelles se réfléchissaient de véritables cristaux (5.) dessinant leur ombre en surface, le Belge Vincent Van Duysen avait imaginé une forêt lumineuse (6.) dont les troncs incrustés de cristaux de toutes tailles, évoquant la texture d’une écorce brute, se reflétaient à l’infini sur des murs habillés de miroirs.

La vie en noir

Kartell, connu pour les tonalités vives de ses gammes, en avait fait un design statement digne de la créatrice de mode Miuccia Prada : 2010 serait l’année du noir ou ne serait pas. Pour les nouveautés bien sûr, signées Philippe Starck avec Eugeni Quittlet pour la plupart – les fauteuils et canapés Magic Hole (1.) s’y prêtaient particulièrement bien -, mais aussi pour les classiques de l’éditeur revisités en version sombre. Noirs aussi l’étrange toupie Spun (2.) de Thomas Heatherwick et les chaises Cyborg (3.) de Marcel Wanders pour Magis. Tout comme les accessoires de bureau et les vases de la collection Estd by Established & Sons, non signés par les designers qui les ont pensés anonymement pour mieux – dit-on officiellement – refléter l’ADN de la marque fondée il y a six ans par Alasdhair Willis.

Pesce mignon

C’est à une leçon d’histoire et de géographie que nous conviait l’ambitieux projet Sessantuna (2.) de Gaetano Pesce pour Cassina. Soit 61 tables, toutes ressemblantes mais toutes rigoureusement différentes, qui, mises côte à côte, reconstitueront la silhouette de l’Italie. L’occasion pour l’éditeur d’anticiper les festivités des 150 ans de l’Unité italienne qui seront célébrés l’an prochain. Ces pièces uniques font l’objet d’enchères courant jusqu’au 2 juin 2011 à 20 heures. Seul moyen de sécuriser son investissement ? S’engager dès maintenant à débourser 21 500 euros, hors TVA bien sûrà

Lumineuses idées

On le sait, l’ampoule à incandescence de Thomas Edison a vécu. L’héritière qui répond au doux nom de OLED est aussi plate que son ancêtre était ronde. Et permet de nouvelles typologies de luminaires. Comme la Flat Lamp de Tom Dixon ou encore l’étonnant Mimosa (1.) de Jason Bruges dont les pétales délicats détectent les mouvements et répondent à la présence de visiteurs.

Le buzz

Sans conteste, le titre du buzz le plus réussi revient à Maarten Baas et son application iPhone basée sur son projet Real Time : un acteur, filmé pendant 12 heures,  » peint  » le temps qui passe sur votre écran pour 99 cents – à se demander si Frédéric Beigbeder a inspiré sa comà Chez Dedon pourtant, on avait tout fait pour décrocher la palme en jouant à fond la carte du star-système : un photographe – Bruce Weber – pour la campagne, un designer – Philippe Starck – pour une nouvelle chaise (3.) et une rumeur people – à savoir la présence supposée de Brad Pitt au dîner très exclusif dont tout le monde voulait être. Au final, si le beau gosse de Hollywood était là, il s’est montré très discret. Par contre, Colin Firth aurait été spotté le 16 avril au Nhow Hotel. Désespérément pressé, comme tout le monde, de se tirer de là, par tous les moyensà

Par Isabelle Willot

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