Formé auprès du mouvement Memphis, en Italie, puis chez Philippe Starck, ce designer multifonctions signe la toute première collection de bijoux de Lacoste. Rencontre sur un divan, à New York.

l’interview a lieu au 18e étage de l’hôtel Thompson, au c£ur de SoHo. Mais elle aurait aussi bien pu se passer à Milan, camp de base des Cappellini, Moroso et autres grands noms qui éditent ses meubles. Ou à Tokyo, puisque E&Y comptent aussi parmi les fabricants qui l’ont à la bonne. Ou encore à Paris, Saint-Trop’, Las Vegas, où Christophe Pillet multiplie les projets, d’une scénographie d’expo à l’aménagement intérieur d’un hôtel ou d’une voiture, du dessin d’un verre pour Badoit à celui d’un flacon pour Shiseido. On l’aura compris, le designer français voyage au long cours – celui de ses projets. S’il est à New York ce jour-là, c’est pour présenter la toute nouvelle ligne de bijoux de Lacoste, qui fait ainsi un pas de plus dans le monde des accessoires. Pour Pillet, cette collaboration n’est ni un ballon d’essai – il a signé des lunettes et des boutiques pour la marque au croco -, ni une première incursion dans le monde de la parure – il avait déjà tâté de la haute joaillerie il y a quelques années  » mais à titre anonyme, pour une maison qui préférait ne pas communiquer sur ce point « . Des pièces en métal précieux, par principe très différentes de celles, colorées et ludiques, imaginées aujourd’hui pour Lacoste. Ici, place au bois, à l’acier ou à la résine et, surtout, aux références à la marque : le pendentif boule rappelle la balle de tennis, les chiffres repris sur les bracelets-manchettes évoquent l’iconique polo L. 12.12à

Si la variété des projets qu’on lui confie le passionne, l’épithète  » éclectique  » souvent juxtaposé à son nom irrite un peu Christophe Pillet :  » Toucher à tout ne m’est pas réservé, cela fait partie de la définition même du métier, rappelle-t-il. Les marques recourent à nous aussi pour notre non-expertise et nos profils multitâches. On se situe en dehors des routines des industriels, et c’est en cela qu’on peut apporter un regard intéressant.  » Plutôt que de chercher à affirmer un style –  » quand on fait des choses aussi différentes qu’un fauteuil, une bagnole ou dans ce cas-ci des bijoux, cela n’a pas de sens  » -,le designer préfère repartir de zéro à chaque nouvelle commande. Avec une constante, malgré tout : le goût pour la simplicité, qui se traduit par une certaine économie dans le trait, un lexique restreint et un phrasé limpide.

Un modus operandi qui s’est construit en réaction à la tendance française du design baroque,  » très Walt Disney, en porte-à-faux total avec la réalité des gens  » qui prévalait au milieu des années 80, ère du designer-artiste qui s’exposait dans des galeries. Pillet, comme ses potes britanniques Jasper Morrison ou Tom Dixon, a alors voulu remettre la personne au c£ur du processus créatif, et les objets à son service. Fraîchement diplômé des Arts déco de Nice, où il s’était inscrit sans grande conviction et plutôt pour rassurer ses parents pas trop à l’aise de le voir entamer une carrière dans la musique –  » on avait même enregistré des disques « , se souvient-il, amusé -, Pillet part pour l’Italie.  » J’avais envie de me rapprocher du mouvement Memphis, sorte de pied de nez au design devenu scientifique, cérébral et chiant, explique-t-il. Et puis Milan était à la profession ce que Hollywood est au ciné. C’était le creuset où s’échangeaient toutes les idées, où se retrouvaient toutes les nationalités, on pouvait délirerà D’un seul coup, ce métier, jusqu’alors très lié à l’industrie, est devenu rock’n’roll, sexy et drôle. « 

Après avoir obtenu un master à la Domus Academy de Milan, Christophe Pillet intègre l’écurie de Philippe Starck en 1988, tout en poursuivant un travail personnel, dont ses premiers guéridons et chaises, édités chez XO. Cinq ans plus tard, il décide de galoper seul. L’année suivante, en 1994, il est élu Designer de l’année au Salon du meuble de Paris et fonde son agence. De son passage chez Starck, il garde le souvenir d’une expérience  » de très haut vol, extrêmement variée « . Et une brosse à dents  » mascotte  » : c’est le premier projet que lui a confié le maître. Christophe Pillet, voyageur mais tout sauf touriste, ne nous a pas dit s’il l’emporte dans ses bagages, à New York, Las Vegas, Paris, Tokyo, Milan ou Saint-Tropez.

Delphine Kindermans

Ce métier, jusqu’alors très lié à l’industrie, est devenu rock’n’roll, sexy et drôle.

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