Personne ne lui résiste. Pas même la reine d’Angleterre. Au centre d’une exposition itinérante et d’un documentaire déjà culte, la photographe américaine fait définitivement partie du clan de ses sujets favoris : les célébrités. Les raisons d’un succès fou.

C’est une touche-à-tout de génie

Elle débute sa carrière en 1970 dans les pages de Rolling Stone, canard des subcultures par excellence. Du coup, elle s’achète une identité pointue qui la crédibilise dans le milieu underground. Son approche de la photographie tient alors du reportage journalistique pur jus. En 1975, elle suit la bande à Jagger en tournée à la manière d’un reporter  » embedded «  sur le front. Elle se fond dans la réalité, la gobe, pour la dévoiler dans sa lumière la plus crue. En 1983, elle passe à Vanity Fair. Loin des errances sex, drugs and rock’n’roll, elle devient la Gainsborough des temps modernes. Photographe pour Vogue, signataire de campagnes de pub pour American Express, Disney, Gap, Givenchy, Les Soprano, Louis Vuitton, en 1993 elle couvrira aussi la guerre des Balkans, à Sarajevo au c£ur du conflit.

Elle crée des icônes

Le 8 novembre 1980, Annie Leibovitz photographie John Lennon, dans son appartement à New York, nu, recroquevillé contre Yoko Ono. Vulnérable, tel un f£tus. Quelques heures plus tard, le Beatle est assassiné devant chez lui. Le cliché fait la couverture de Rolling Stone. Sans aucun titre. En 1991, pour Vanity Fair, Leibovitz met littéralement Demi Moore à nu. A peine vêtue d’une bague sertie d’un gros diamant, l’actrice hollywoodienne pose enceinte de huit mois pour la cover du magazine glamour. Explosif. La photo fait sensation. Jusqu’à raviver le débat sur l’imagerie de la femme. Sa toute récente campagne de pub réalisée pour le compte de Louis Vuitton où l’on croise Andre Agassi et Steffi Graf, Catherine Deneuve, Mikhaïl Gorbatchev, Keith Richards, les Copolla père et fille, et dernièrement Sean Connery achève d’hisser Leibovitz au rang de portraitiste attitrée des icônes de notre temps.

Elle a un sens aigu du spectacle

Elle ose tout. Plonger Whoopi Golderg dans un bain de lait, peindre la face des Blues Brothers en… bleu, ligoter Clint Eastwood avec un lasso, shooter l’épouse de Donald Trump enceinte et en bikini au pied d’un jet…  » Les gens disent que j’ai du génie. En fait, c’est parce qu’eux-mêmes n’osent pas, de peur d’être ridicules, confie-t-elle au journal Le Monde. J’ai appris très vite qu’une idée ringarde peut devenir très forte une fois traduite visuellement.  » Son audace n’a pas de prix. Entourée d’une nuée impressionnante d’assistants, elle peut se faire livrer, dans l’heure, chevaux, fanfare ou pluie. Un don pour l’hyperbole, mais distancée. Pour l’extravagance, mais drôle. Baroque, d’accord, mais subtilement anti-bling-bling.

Elle est incarnée

Grâce à l’exposition A Photographer’s Life (1990-2005) ( à voir actuellement à Londres) et à Life Through a Lens, le documentaire signé par sa s£ur, Barbara Leibovitz, (sorti chez nous au début de ce mois), la plus célèbre des photographes américaines lève le voile. A côté de son travail pro, tant l’expo que le film nous invitent à pousser la porte de sa vie privée. Sur son double deuil : celui de Susan Sontag, la célèbre essayiste américaine qui était aussi sa compagne, et celui de son père. On y voit aussi ses filles Sarah, Susan et Samuelle, qu’elle eut après 50 ans. Sa mère. Sa famille. Un clan qu’elle regarde vivre et mourir à travers son objectif. Naissent de cette intimité, des clichés noir et blanc, simples et puissants, loin, très loin des scénographies rutilantes qui ont fait sa notoriété.

À VOIR

L’exposition A Photographer’s Life (1990-2005),

à la National Portrait Gallery, à Londres.

Jusqu’au 1er février prochain. Internet : www.npg.org.uk

Cette exposition est basée sur le livre éponyme paru en français aux éditions La Martinière.

Baudouin Galler

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