Nation mystérieuse sertie au cour de la péninsule indochinoise, le Laos fascine les amoureux d’Asie authentique. La vie s’écoule ici, entre passé et présent, bercée par une sérénité à nulle autre pareille.

Guide pratique en page 78.

E nclavé entre Chine, Myanmar (Birmanie), Vietnam, Thaïlande et Cambodge, le Laos se déploie le long du fleuve Mékong, véritable épine dorsale et vitale d’un pays qui n’a pas d’accès à la mer. Encore préservé des atteintes du grand tourisme, le pays s’ouvre et s’extirpe d’un long sommeil lié à pas moins de trois siècles de guerres et de répressions. Six heures du matin. La nuit s’efface peu à peu dans les rues de Luang Prabang, minuscule péninsule de 1 km de longueur et de 250 m de largeur parsemée de 32 temples, sur le haut Mékong. Un étrange manège se prépare. Hommes et femmes se glissent silencieusement hors de leur demeure et s’installent avec une marmite de riz à leurs pieds. Nul bruit, hormis le passage éclair et bruyant d’un speed boat, hors-bord parcourant le Mékong. L’air semble ensuite se figer dans la dislocation rosée des nuages matinaux. L’attente s’installe. Tout à coup,  » ils  » surgissent… Se déroule alors un interminable ruban couleur safran composé de centaines de moines et moinillons venant faire la quête de leur riz quotidien. Pas un mot. Seul se perçoit, dans le calme ambiant, le frottement des pieds nus sur le sol. Près d’une heure durant, les moines défilent, s’arrêtant à peine le temps de soulever le couvercle de leur bol à offrande, et de recevoir leur aumône alimentaire. Cette cérémonie, qui marque le point du jour, révèle les valeurs essentielles des Laotiens : la spiritualité (90 % de la population est bouddhiste. Mais pratique un bouddhisme subtilement mêlé à l’animisme), la sérénité et la discrétion. Vertus auxquelles on peut ajouter un sourire qui éclaire chaque visage et un grand sens de l’hospitalité.

Inscrite désormais au patrimoine de l’Unesco, Luang Prabang est la deuxième ville du pays. Cette langoureuse, où il fait bon flâner, a le charme tranquille des petites villes de province. Ici, point d’immeubles gigantesques, ni de circulation infernale, tout au contraire des autres cités asiatiques. Pourtant, on ressent, en déambulant dans les rues, les frémissements d’un bouleversement profond. Un touk-touk (taxi à trois roues appelé thaek-sii ou saam-lâw) se fait violemment doubler par un 4 x 4 rutilant dont le conducteur est scotché à son téléphone portable. Ailleurs, entre deux épiceries traditionnelles, surgit tout à coup le panneau d’un  » Cybercafé « . En un an, ces points d’accès à la galaxie Internet ont poussé comme des champignons dans Luang Prabang. On y surfe à côté de moines en robe safran. Alors qu’à quelques heures de là, certaines ethnies ne possèdent toujours ni eau, ni électricité, ni télévision, ni téléphone ! En 1991, ils étaient 14 000 visiteurs à avoir succombé au charme laotien. En 1999, 600 000. Aujourd’hui, on en prévoit près de 800 000. De quoi faire basculer le pays vers d’autres horizons.

Terre multiethnique

Le sentier s’élève à travers le paysage escarpé et montagneux du nord du Laos, non loin de la frontière chinoise et du mystérieux Triangle d’Or. Après quelques minutes de progression pénible, l’humidité ambiante transperce les vêtements. Mais seule la marche permet d’aller à la rencontre des peuples qui vivent loin de toute piste. En l’espace d’une semaine, on peut croiser, dialoguer, rire, faire la fête, manger (beaucoup !), boire et vivre avec pas moins de quatre ethnies (parmi les 68 présentes sur le territoire), toutes extrêmement différentes par leur physique, leurs origines et leurs coutumes. Les Khamu (groupe ethnique des Lao Theung, ou  » Lao d’en haut « , par opposition aux Lao Loum,  » Lao d’en bas  » (groupe majoritaire qui peuple les plaines), les Hmong (tribus des montagnes, originaires principalement du sud de la Chine, mais aussi du Tibet et du Myanmar dont le revenu principal est l’opium), les Akha (tibéto-birman), et enfin les Thaï Dam (ou Thaï noirs d’origine lao-thaï qui ont conservé intactes leurs traditions). Toutes ces ethnies cohabitent pacifiquement. Dans certains villages, situés loin de toute  » route « , les  » longs nez  » (les Européens) sont rares. Ceux qui débarquent dans les villages suscitent toujours curiosité et intérêt. Le soir, au coucher, des dizaines de paires d’yeux (souvent des enfants) continuent à scruter et à attendre que le sommeil gagne les visiteurs. On n’oublie pas la timidité, mêlée de fierté, des Akha, dont les femmes sont couvertes de piastres indochinoises, ni le visage plus dur des Khamu à l’accueil si chaleureux et encore moins la musique des Hmong, ou les Thaï noirs et leur sens de la fête.

Cérémonies et festivités

Les Lao ont le même mot pour exprimer  » fête et travail « … La fête se veut le pivot central de la vie de ces ethnies. Mais aussi le ciment d’un tissu social extrêmement fort. Tout est prétexte à se réunir. Pas un jour ne s’écoule sans qu’une fête, à laquelle les étrangers sont conviés, ne se célèbre. Construction de maison, fête en l’honneur des esprits, réfection d’un toit, préparation d’un voyage, inauguration d’un commerce, maladie (afin de l’éloigner) et funérailles, toutes ces cérémonies donnent lieu à des offrandes (basi) afin de s’attirer les bonnes grâces du ciel. Très souvent, surtout dans les vallées, les moines d’un temple voisin sont invités. A cette occasion, les participants nouent des fils de coton blanc au poignet des visiteurs en prononçant des v£ux très personnalisés. Ce bracelet doit se garder au moins trois jours et ne doit surtout pas se couper avec un objet contondant. Chants, danses et repas ponctuent ces festivités où l’alcool coule à flots. Nul ne peut refuser un  » lao-lao « , alcool de riz local, résultant de recettes très personnelles. Ainsi, il y a la cuvée  » cornes de bouquetins  » et son goût atrocement boucané, le cru  » sac de jute moisi « , ou encore le tord-boyaux mémorable du genre alcool à brûler. Toujours servi par deux, les petits verres circulent allègrement et sont bus cul sec ! Boire moins de dix verres est exclu. On déguste aussi l’alcool de jarre dans lequel flottent fruits et épices et que l’on sirote à tour de rôle avec d’énormes chalumeaux.

Odeurs et senteurs

Cultivant la citronnelle, la coriandre, le citron vert, l’aneth, et un nombre impressionnant de fruits, les Lao réalisent une cuisine harmonieuse où se marient senteurs, saveurs et couleurs. Une véritable fête pour les sens. Les marchés embaument d’herbes aromatiques, omniprésentes dans cet art de manger raffiné, tout en subtilité et nuances. Parmi les incontournables qui réveillent les papilles, quelques spécialités locales comme la Tam makhoung ou salade de papaye verte, mêlées à de l’ail pilé, du citron vert et des piments. Une véritable institution culinaire laotienne. Estomac sensible s’abstenir ! Plat traditionnel par excellence, le lap est composé de viande ou de poisson haché menu, rehaussé d’un filet de citron vert et de piments et accompagné de salade et parfois de riz. Tout peut se préparer en lap. On ne manquera pas les plats à base de faisan (en montagne il est courant de manger du gibier). Et tout aussi connu au Vietnam, le phó, un potage de nouilles extrêmement populaire que l’on retrouve dans les moindres gargotes. Auquel on ajoute, à volonté et selon les goûts, viande en lamelles, boulettes, menthe, épices, coriandre, basilic, petits piments et soja… Servi dans des petits paniers en raphia, le riz gluant (Khao Niao) est lui aussi très prisé. Il se malaxe en boulettes et se mange à la main.

Reportage : Carine Anselme

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Partner Content