Il n’y manque rien. Pas même le balancier, ni le feuillage tout en arabesque, ni l’animal bien sûr. Rose vif et sagement perché dans ce qui lui sert de nichoir, il pointe le bout de son bec en chantant, à heures fixes, comme le veut la tradition. Hors du chalet alpin ou du relais de chasse, on osera donc cet hiver le bon vieux coucou suisse, mais détourné de façon ludique, comme chez Serge Bensimon. Aux côtés de ce classique, médaillé olympique du kitsch il n’y a pas si longtemps encore, on trouve aussi dans la nouvelle collection du créateur des coussins loups et des têtes de cerfs, version stickers (évidemment) ou carrément trophées en trois dimensions. Certes, on avait bien aperçu quelques peaux de moutons jetées sur les canapés du château de la  » Star Ac’5 « , ou sur les chaises de la nouvelle cantine Welcome to Youssef de Fred Nicolay, le  » shakeur  » de l’horeca bruxelloise (on lui doit, en effet, la création de plusieurs restaurants dont la Kasbah, Bonsoir Clara, Mappa Mundo, PP Café, Delecta, Café Belga, Walvis…). Mais cette fois, il ne s’agit plus de cheptel anonyme. L’animal sauvage, après s’être taillé la part du lion lors des défilés, entre, de face, dans le salon.  » L’homme industriel occidental est de plus en plus fasciné par les animaux sauvages, analyse l’éthologue René Zayan. Il en recherche la présence, l’illustration analogique. En accrochant un trophée au mur, il l’a symboliquement domestiqué. Mais dans ce cas-ci d’une façon complètement métaphorique.  » Baigné dès l’enfance dans la ménagerie de Disney où chaque bête à poils ou à plumes est capable d’émotions et de sentiments, l’humain urbain d’aujourd’hui serait donc prédisposé à adorer la nature. Il ressentirait ainsi l’envie aussi pressante de s’en entourer. D’où le retour du trophée.  » On peut s’attacher esthétiquement à la face d’un animal, poursuit le professeur de l’UCL. Mais il est politiquement incorrect de chasser un cerf, écologiquement répréhensible de se livrer à l’acte violent de lui trancher la tête.  » Parce qu’il n’est plus pensable d’empailler Bambi, les néotrophées sont donc en bois, métal ou synthétique. L’objet n’est plus barbare, car au lieu de tuer, on crée. Avec humour et légèreté, comme les membres du trio  » Big-Game  » à qui l’on doit ces cervidés muraux apprivoisés, chouchous du dernier Salon international du Meuble de Milan. Mais au contraire du coucou que le designer Thorsten Van Elten a ressuscité en version digitale, ces  » nac  » (pour nouveaux animaux de compagnie) sont encore muets. Il ne reste plus, pour leur rendre vie, qu’à se brancher sur le Net et écouter le brame du cerf en direct. L’appel de la forêt reloaded.

Isabelle Willot

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