L’été dernier, le talentueux chef Gert De Mangeleer a rouvert les portes de son restaurant, dans un nouvel écrin aux lignes épurées mettant en avant la nature environnante. Trait particulier : ses légumes et herbes proviennent presque exclusivement de sa propriété. Rencontre.

Voici quelques mois, le restaurant triplement étoilé Hertog Jan, autrefois situé à Sint-Michiels, prenait ses quartiers à Zedelgem, non loin de Bruges, dans une ferme bâtie il y a 180 ans mais complètement réaménagée pour en faire un atelier culinaire futuriste. Pincette à la main, un bataillon de cuisiniers y travaille désormais pour élaborer les mets artistiques qui font la réputation de l’établissement. Dans ce véritable laboratoire, même les portes et les tiroirs sont à commande électrique. La vaste salle à manger, quant à elle, bénéficie d’une vue imprenable sur le grand potager et le jardin aromatique où sont prélevés les produits de base des créations de haut vol du chef cuisinier Gert De Mangeleer (37 ans). Celui-ci lève, pour nous, un coin du voile sur ce temple de notre gastronomie nationale.

Comment vous sentez-vous aujourd’hui ?

Soulagé et heureux ! Il y a enfin un peu de structure dans ma vie et dans mon travail. Je passe maintenant le dimanche en famille alors que pendant longtemps, je n’en avais plus le temps. Les préparatifs pour l’ouverture de cette adresse ont été très prenants, ils ont accaparé toute mon énergie. Je sais qu’il reste certains détails à peaufiner ; nous n’atteindrons notre apogée que dans deux ans. Mais on peut dire que les choses sérieuses ont déjà commencé car pour la première fois, je peux déployer mon style culinaire dans un environnement adapté. Tout se met en place et les premières critiques sont bonnes. Ce qui est assez étrange, c’est que je trouve une certaine sérénité dans cette agitation quotidienne.

Vous paraissez très zen. Comment faites-vous ?

Le jardin a sur moi un effet apaisant. Le simple fait de le regarder ou de m’y promener m’offre une bouffée d’oxygène. J’essaye également de vivre de manière équilibrée. Je fais du sport, je bois peu d’alcool, je mange beaucoup de légumes et peu d’hydrates de carbone. Je suis par ailleurs encadré par des coachs – un sportif et un mental – car je suis arrivé à un point où j’ai besoin de réponses à toutes mes questions. Cet accompagnement va de pair avec la mise en pratique de techniques de respiration et de relaxation. La contraction et le relâchement des muscles et de l’esprit se font en parallèle. Ce mode de vie sain m’a fait perdre 17 kg et je maîtrise également mieux mon stress. J’en suis fier, d’autant que l’énervement ne colle pas avec ma vision de la cuisine, basée sur la simplicité. Chez moi, avec mes enfants, je suis aussi beaucoup plus tempéré. J’ai pris de l’âge et j’ai le sentiment qu’à présent, tout forme un ensemble harmonieux.

Cette ouverture vous a aussi poussé à remettre votre style en question…

Ça nous a en effet permis de mettre les choses à plat pour nous inscrire dans la lignée d’une nouvelle génération de la haute gastronomie. Nous avons passé cinq mois à ajuster le concept. Notre objectif était de ramener de la quiétude en salle en nous détachant du système de menus habituels composés d’une multitude de petits mets. A présent, nous servons moins d’assiettes de format réduit mais plus de préparations à part entière. Notre but est de submerger le client avec la pureté des produits et non plus avec la quantité des plats. Autrefois, au bout du vingtième service, les gens ne savaient plus ce qu’ils avaient mangé !

Plus que jamais vos plats se basent sur les légumes…

Sur ceux-ci mais aussi sur les plantes aromatiques et les fleurs. Tout cela représente trois quarts des ingrédients utilisés chez nous et est issu à 95 % de notre production propre, autour de la ferme mais aussi au château Peereboomveld, à Sint-Andries.

Cette façon faire n’est-elle pas trop contraignante en cuisine ?

Non. Ce n’est pas parce qu’un jour, la récolte des courgettes s’avère abondante que nous allons en gaver les clients. Les semences ne sont pas chères et on se débarrasse des denrées nos utilisées. Notre apport de légumes est relativement constant et nos cuisiniers peuvent ajuster les recettes lorsqu’il manque un ingrédient en raison de la météo. Depuis cinq ans, nous travaillons en lien avec le potager et nous jouons véritablement avec la production. Nous plantons soixante-neuf variétés de tomates et lorsqu’il en manque une pour notre plat intitulé Collection de tomates, ce n’est pas une catastrophe. Je ne laisse pas la nature cuisiner à ma place mais j’estime par contre que mon devoir est de mettre en avant tout ce qu’elle nous donne, de la manière la plus reconnaissable possible. C’est pourquoi nous misons sur une certaine simplicité. Le résultat doit être honnête et savoureux pour susciter des émotions.

D’où vous est venue l’idée du Less, installé à Sint-Michiels, à l’emplacement de l’ancien Hertog Jan ?

Nous avons opté pour une formule bistrot qui pouvait être rapidement mise en oeuvre. Comme nous aimons l’Espagne, nous avons eu l’idée de servir de petits plats simples.  » Less : love eat, share, smile  » est un concept axé sur le partage de produits ensoleillés dans une atmosphère qui l’est tout autant.

En plus d’être l’un des meilleurs restaurants de Belgique, Hertog Jan est-il aussi l’un des plus chers…

A l’ancienne adresse, on payait en moyenne 240 euros par couvert, boissons comprises. Ici, la dépense tourne autour des 300 euros. Mais je considère que les clients font une bonne affaire quand on voit où ils sont reçus et quand on se rend compte de la  » machine  » qui se cache derrière le concept.

Hertog Jan, 52, Loppemsestraat, à 8210 Zedelgem. www.hertog-jan.com

PAR PIETER VAN DOVEREN / PHOTOS : KRIS VLEGELS

 » Notre but est de submerger les clients avec la pureté des produits et non plus avec la quantité des plats.  »

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