Totems pailletés, plumes et dentelles illuminées ou de la toile de Jouy fluorescente… L’univers d’Hervé Matejewski, pétillant d’humour et de poésie, distille délicatement les courants du moment.

De toutes les matières, c’est la plume qu’il préfère. Légère, soyeuse, mouvante même, sous l’effet du moindre courant d’air. Incroyablement chic et rétro, comme une danseuse du Lido. C’est d’ailleurs en croisant la route d’un fabricant de costumes de revues qu’Hervé Matejewski s’est pris de l’envie de travailler la plume à sa manière. Aujourd’hui, ses lampes élégantes et floconneuses, porteuses de la marque clin d’£il Mat & Jewski, illuminent les chambres et le lobby de l’hôtel Standard, à Paris.  » Mais les chapeaux que portaient les femmes lors du remariage du prince Charles m’ont aussi beaucoup inspiré pour créer mes luminaires « , confesse-t-il avec un brin d’ironie. Car chez ce Français de 41 ans, élu créateur de l’année en 2005 au salon Maison et Objets, l’humour et la fantaisie ne sont jamais bien loin.

Weekend Le Vif/L’Express : Dans le monde d’aujourd’hui, saturé de produits, comment rendre exceptionnel  » un objet de plus  » ?

Hervé Matejewski : Je ne cherche pas à faire quelque chose d’extraordinaire. Ce que j’aime par-dessus tout, c’est moderniser le rétro. Redonner une âme à une matière qui, jusqu’il y a peu encore, paraissait ringarde, en proposant des formes simples. S’il fallait me rapprocher d’un courant, ce serait sûrement davantage celui des arts décoratifs que du design que je trouve souvent trop froid à mon goût. Les paillettes, les plumes, le velours, la dentelle, ce n’est pas design…

Vous chinez beaucoup pour vous inspirer. Recyclez-vous aussi ce que vous trouvez ?

Beaucoup. J’adore redonner vie à des produits d’autrefois. Mes lampes ont des pieds des années 1950, à l’origine du laiton doré que je fais laquer en époxy de couleur ce qui leur donne tout de suite un aspect plus contemporain.

Vous avez choisi d’être votre propre éditeur, est-ce pour conserver un petit côté artisanal à votre production ?

Mes créations sont toujours éditées en séries limitées. Les abat-jour en plumes que l’on colle une par une sont fabriqués à la main, dans mon atelier de Belleville. Chaque pièce est unique car la plume est une matière naturelle. Les lots ne sont jamais les mêmes. Et en ce moment, pour cause de grippe aviaire, les approvisionnements sont perturbés. Je chine surtout dans les vieux stocks où l’on peut trouver, par exemple, des plumes argentées que l’on ne teinterait plus jamais de cette manière aujourd’hui. J’aime beaucoup les plumes d’oie, de coq noir. Mais celles du paon sont les plus majestueuses. Prada en a couvert ses jupes et ses chapeaux, au moment où moi, j’en habillais des fauteuils ! J’avais bien senti l’air du temps…

On assiste aussi à un grand retour de la fourrure, en mode comme en déco. Cette matière ne vous a-t-elle jamais tenté ?

C’est tout à fait en phase avec mes envies de douceur, mais travailler la fourrure naturelle – la fausse devient vite moche – c’est quasiment impossible à faire sans se prendre la tête en permanence pour répondre aux gens qui combattent son usage.

Tout ce qui brille séduit aujourd’hui et votre totem doré, en alu brossé perforé, s’inscrit en plein dans cette tendance. Après des années de minimalisme, comment expliquer ce retour en grâce du clinquant ?

Nous entrons dans un nouveau millénaire, les gens ont besoin de se rassurer, de s’entourer de produits de qualité qui leur soient familiers, ils reviennent à des choses qu’ils ont vues, par exemple, chez les grands-parents. C’est dans cet esprit aussi que j’ai revisité le velours de Gênes.

Et la toile de Jouy que vous vous amusez à taguer au marqueur fluo !

Là aussi, tout part d’un souvenir d’enfance. Ma s£ur avait dans sa chambre un papier plutôt moche qu’elle avait colorié pour lui redonner un peu de personnalité. Je fais pareil avec des coupons de toile de Jouy que je colore au marqueur fluo : les personnages s’illuminent. Pour l’exposition qui se tient en ce moment à Jouy-en-Josas, j’ai poussé l’expérience jusqu’à imaginer une chambre d’ado – il s’appelle Gérard – en total look Jouy (meubles, papier peint, lampes…). Lui aussi se l’est réappropriée. Et les visiteurs peuvent colorier les murs dans une ambiance fluorescente.

Vous êtes l’un des premiers à avoir employé la photo comme élément décoratif. Votre housse de couette  » Prends-moi dans tes bras « , par exemple, affiche un bel homme nu, à destination des célibataires en mal de compagnie. L’humour vous est-il essentiel ?

Complètement. J’adore m’amuser. Quand je crée, il faut avant tout que ça me plaise. Cette couette, c’était un clin d’£il à tout ceux qui ne veulent pas dormir seuls, sans pour autant partager leur lit avec un dauphin, l’un des best of des catalogues de vente par correspondance.

Carnet d’adresses en page 69.

Isabelle Willot

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