De boisson pour vieux Chinois, le thé est devenu un » nectar » tendancissime. Il a généré un art de vivre élégant et délicat, s’inscrivant parfaitement dans l’air du temps empreint de recherche de bien-être et de sérénité.
Avec deux milliards de tasses bues dans le monde chaque jour, le thé est la boisson la plus consommée, après l’eau. En quelques années, ses ventes ont littéralement explosé. Désormais, jeunes et moins jeunes se délectent de ce nectar, considéré il y a peu de temps encore comme un » breuvage de dame « . Alors, pourquoi cet engouement soudain ? Pourquoi les salons de thé que l’on croyait obsolètes reviennent-ils à la mode ? Tout comme les maisons spécialisées (Mariage Frères, le Palais des Thés), dédiées entièrement à l’art du thé ? » Les raisons en sont multiple « , explique Thierry Fauvarque, l’un des trois associés du Palais des Thés à Bruxelles, une » antenne » flambant neuve de la maison parisienne. » Les gens ont plus de loisirs donc plus de temps. Ils redécouvrent l’art de vivre, ont envie de se faire plaisir. D’où le succès des boutiques ou d’endroits originaux où l’on se sent bien. Les voyages et, plus particulièrement, l’attrait pour l’Asie et pour le bouddhisme, contribuent à l’amplification de l’intérêt pour le thé. Enfin, la passion pour la décoration d’intérieur et l’art de la table vont de pair avec le rituel du thé, accompagné d’objets très raffinés, tels les théières, les tasses, les bols, les boîtes ou les plateaux. » C’est donc dans un décor paisible et très » zen » que l’amateur de thé belge peut découvrir au Palais des Thés, situé dans un quartier historique de Bruxelles en pleine expansion, plus de 250 variétés de thés différents, savourer des gourmandises à base de thé ou se laisser tenter par de jolis objets, coffrets ou accessoires.
Mariage Frères, la pionnière
Cette maison française plus que centenaire, installée à Paris (et fréquentée assidûment par les amateurs de thé belges), a compris, la première, le raffinement, l’esthétisme et la recherche de la perfection, liés à l’art du thé et l’art de vivre tout court. Fondée en 1854, inconnue à l’époque du grand public, la maison Mariage Frères importe du thé et assure la vente en gros aux grands hôtels parisiens. En 1985, le Thaïlandais Kitti Cha Sangmanee, grand connaisseur et amateur du thé, rachète la marque et ouvre dans le quartier du Marais, rue du Bourg Tibourg, une ravissante boutique, orientée vers le grand public et le commerce de détail.
» L’objectif de notre PDG a consisté à mettre sur pied un triple concept, réunissant un comptoir de thés, un musée dédié au thé et un restaurant-salon de thé », explique Laurent Sonnino, directeur des magasins Mariage Frères. A son début, le comptoir de thés proposait environ 350 variétés, adaptées au goût français. Aujourd’hui, le choix s’élève à environ 500 variétés. Mariage Frères travaille avec 33 pays producteurs et possède, en Thaïlande, une production exclusive. » Tout en restant ancrés dans la tradition, nous nous voulons très créatifs, en développant de nouveaux mélanges et en présentant de nouveaux crus, souligne Laurent Sonnino. Le musée que nous avons créé, juste au-dessus de la boutique, propose au visiteur de découvrir, à travers objets et documents rares, toute l’histoire de l’art du thé. Le troisième volet du concept a consisté dans la création de la gastronomie au thé, une première. Au fil des ans, notre « chef » a imaginé des mets savoureux et délicats où les arômes subtils du thé s’allient aussi bien aux plats sucrés que salés, servent à parfumer des glaces, des gelées, une crème brûlée au thé Marco Polo, des chocolats au thé et même du pain au thé Matcha « .
La créativité de Mariage Frères s’épanouit également dans le monde de la décoration et de l’art de la table. Les bols à thé et théières japonaises en fonte de la collection Cha Do, connus à l’époque de quelques initiés, sont devenus de véritables classiques. Les accessoires déclinent aujourd’hui d’autres matières (craquelé, biscuit, verre), des coloris poudrés et des formes innovantes, alliant tradition française et inspiration orientale. Mariage Frères innove toujours en lançant des bougies d’ambiance parfumées au thé et, dernièrement, trois produits qui parfument les mets salés ou sucrés : le Sel Matcha, sel de table au thé vert, le Sésame au thé vert pour relever soupes, pâtes et purées et la Poudre de Jade qui ajoute une note inédite aux pâtisseries, crêpes, yaourts et salades de fruits.
Que de varié-thés !
Découvert au XVIIe siècle, le thé est resté pendant longtemps l’apanage quasi exclusif de la Chine. Aujourd’hui, 40 pays cultivent le thé, de l’Argentine au Zimbabwe. Le précieux breuvage est fourni par Camellia Sinensis, la seule espèce de théier cultivée. Cela dit, chaque » jardin » donne un » thé d’origine « , une variété aux caractéristiques différentes en fonction de la provenance, du type de la cueillette (bourgeons, récolte des premières feuilles, des deuxièmes feuilles, etc.), de la façon de travailler la feuille (on peut la rouler, la plier, la concasser, etc.) et, enfin, de la fermentation. La fermentation consiste à humidifier les feuilles dans des bains de vapeur et à développer des caractéristiques particulières. Précisons que seuls les thés noirs subissent ce procédé, les thés verts et blancs ne sont pas fermentés.
Au fil des ans, à côté de ces thés d’origine, s’est développé un art des mélanges qui a donné naissance à des produits pleins de saveurs. Parmi les mélanges traditionnels, citons le thé parfumé à la bergamote, baptisé » Earl Grey « , lancé en Angleterre d’après la recette ancienne d’un mandarin chinois par Earl Grey (comte Charles Grey, 1764-1845), alors Premier ministre de la couronne britannique. Dans les années 1950, la gamme des thés parfumés s’est élargie avec, tout d’abord, l’utilisation des fruits de nos contrées, tels l’abricot, la framboise ou le cassis, puis en faisant appel à des fruits exotiques, la vanille, la mangue, le pamplemousse ou encore les épices.
Aujourd’hui, tout le monde s’est mis au thé et dans les magasins spécialisés, on croise une clientèle très éclectique. » De tous âges et de tous styles, aussi bien des jeunes avec des roller blades ( NDLR : patins en ligne) que des dames en vison « , note Laurent Sonnino. Les néophytes commencent en général par les mélanges, ou des thés parfumés. » C’est un élan naturel, enchaîne Agnès Gatt, l’une des associées au Palais des Thés, à Bruxelles. Les gens préfèrent le goût de ce qu’ils connaissent, à savoir les saveurs sucrées. On commence donc par les mélanges pour arriver, petit à petit, aux thés des origines. Nos clients ont à leur disposition deux testeurs avec des thés différents chaque jour, un thé d’origine et un thé parfumé. Nous sommes là pour les conseiller. Cela dit, chacun peut faire son chemin lui-même « . Si le thé est apprécié, aujourd’hui, aussi bien par les hommes que par les femmes, les grands crus, les goûts rares et très onéreux, dont le thé blanc » aiguilles d’argent » (le thé le plus réputé et le plus rare des thés de Chine), sont plutôt la chasse gardée des hommes. Les grands connaisseurs parlent d’un thé comme ils le feraient d’un vin.
Thé et santé
Synonyme d’art de vivre et de sérénité, le thé est également de plus en plus apprécié pour ses bénéfices pour la santé. Les chercheurs du monde entier lui découvrent chaque semaine de nouvelles vertus. Il serait tout d’abord bon pour le coeur. Le thé (le vert un peu plus que le noir) est riche en flavonoïdes, molécules antioxydantes capables de piéger les radicaux libres. Ces derniers participent au développement d’un certain nombre de maladies chroniques, dont les maladies cardio-vasculaires. Les flavonoïdes du thé seraient quatre fois plus puissants que les vitamines C et E, autres antioxydants réputés. Selon certaines études, la consommation de thé réduirait de 40 % le risque de maladie du coeur. Par ailleurs, de nombreuses études suggèrent que les mêmes flavonoïdes présents dans le thé, surtout vert, exerceraient une influence positive sur la prévention et le ralentissement de certains types de cancers, notamment celui de la peau, du poumon, de l’oesophage et de l’estomac. Sans oublier les bénéfices du thé, de par la forte présence de fluor, dans la prévention des caries dentaires. Quid de son effet » coup de pouce » dans la lutte contre le sur-poids ? Le thé vert ne fait pas maigrir » miraculeusement « , mais il est vivement conseillé lors d’un régime amaigrissant. Son action diurétique favorise l’élimination des déchets et la théine augmente les dépenses énergétiques des adipocytes (cellules spécialisées dans le déstockage des lipides), donc le déstockage des graisses. Enfin, qu’il soit blanc de Chine ou noir d’Assam, le thé, en ses feuilles, contient des vitamines A, B1, B2, B12, C, E, K et PP, ainsi que les principaux oligoéléments : du calcium, du potassium, du cuivre, du zinc et du nickel. De quoi booster nos cellules épuisées et retrouver punch et séréni-thé !
Photos: Sven Everaert
Stylisme: Evelien Van Herck
Carnet d’adresses en page 72.
Barbara Witkowska Carnet d’adresses en page 72.
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