L’ATELIER VERT
Le secteur du luxe s’efforce lui aussi de développer une stratégie écologique… même si pour l’heure, c’est souvent encore dans les détails qu’il faut aller chercher les touches de vert. Sur le toit végétal du nouvel atelier de Louis Vuitton, à Marsaz, dans la Drôme, par exemple.
Depuis toujours, le secteur du luxe inscrit ses créations dans la durabilité : une Rolex ou un sac Birkin ne se transmettent-ils pas de père en fils, de mère en fille, défiant les attaques du temps de génération en génération ? À côté de cet argument qui participe au prestige des grandes griffes, ces dernières s’efforcent aussi, de plus en plus souvent, de développer une stratégie responsable en matière d’environnement. Du coup, leurs investissements dans les projets écologiques, plus ou moins visibles, sont en hausse constante.
Le leader mondial du luxe LVMH a ainsi décidé d’investir dans Edun, label pionnier dans le domaine de la mode éthique lancé par Ali Hewson et son époux Bono, mythique chanteur du non moins mythique U2. De son côté, le holding PPR (qui contrôle notamment Gucci et Yves Saint Laurent) a nommé l’an dernier un » Chief Sustainability Officer « , traduisez un » responsable durabilité » qui dispose d’un budget annuel de 10 millions d’euros pour réduire l’impact du groupe sur l’environnement.
LÀ-HAUT SUR LA COLLINE
Si elle est encore souvent limitée à quelques détails, la politique verte des géants du luxe peut toutefois aussi se manifester par des gestes plus ambitieux. Ainsi, en France, cette nouvelle usine aux dimensions colossales qui a fait son apparition il y a environ un an à Marsaz, à une demi-heure de route de Valence. Perchée au sommet d’une colline à l’ombre des cimes enneigées du Vercors, entre chemins tortueux, vignobles et vergers de pêchers, elle représente ni plus ni moins que le fleuron écologique de Vuitton.
La griffe est implantée dans la région depuis 1977, l’entreprise s’étant rapidement trouvée à l’étroit dans ses ateliers historiques, fondés en 1859 à Asnières-sur-Seine, en banlieue parisienne. Les possibilités de développer davantage ses activités à proximité de la capitale française étant assez limitées, l’intérêt du maroquinier s’est tout naturellement porté sur la Drôme, région connue depuis le XVIIe siècle pour ses élevages bovins et fief de nombreux fabricants de chaussures (on y trouve entre autres le quartier général de Robert Clergerie)… et donc d’artisans spécialisés.
La marque au monogramme, qui possède aujourd’hui une douzaine d’usines dans l’Hexagone, trois en Espagne et deux en Californie, a confié la réalisation de son nouvel atelier de Marsaz aux architectes Gilles Carnoy et à son successeur Grégoire Guillot. Ceux-ci ont reçu pour mission d’imaginer un bâtiment offrant un meilleur confort aux travailleurs et » un dialogue plus explicite avec l’environnement « . En clair : pas question de dénaturer ce paysage bucolique avec un monstre de béton ! La construction respecte en outre le principe d’un » chantier propre « , sans apports ou retrait de terre.
Le bâtiment définitif, fruit de l’hybridation des croquis des deux architectes, est nettement plus imposant que son prédécesseur – logique, puisque la croissance explosive Vuitton impose évidemment un volume de production plus important. Carnoy et Guillot l’ont doté d’un toit vert revêtu de sédums dont la couleur évolue au fil des saisons, ce qui lui permet de se fondre harmonieusement dans le paysage. La végétation est installée sur une couche drainante de pouzzolane et irriguée à l’eau de pluie recyclée. En plus de son caractère esthétique, la toiture intervient dans l’isolation du bâtiment, qui n’a pratiquement pas besoin d’être chauffé grâce à sa structure pensée pour économiser l’énergie. Et pas d’installation au gaz : au c£ur de l’hiver, c’est une pompe à chaleur qui maintient une température agréable dans le hall de l’usine.
LE SOLAIRE AUSSI
Ici, l’eau chaude est produite par des panneaux solaires, tout comme l’énergie pour l’éclairage du parking. Mais à propos… une usine peut-elle vraiment être écologique lorsqu’il est pratiquement impossible à ses travailleurs de s’y rendre en transports en commun ? » Notre atelier est installé ici depuis près de quarante ans, explique le directeur du site : 80 % de nos employés habitent dans un rayon d’une vingtaine de kilomètres et ceux qui viennent de plus loin sont encouragés à faire du covoiturage. » Pour les aider à s’organiser, un outil tout simple basé sur des fiches et des cartes de la région a d’ailleurs été installé dans la cantine de l’entreprise. Enfin, le bâtiment dispose déjà d’une borne de recharge pour voitures électriques – une première dans la région ! – qui n’attend plus que ses premiers utilisateurs. » J’aurais bien voulu une Tesla comme voiture de société, mais c’était impossible, plaisante le directeur. Mais en tout cas, nous sommes parés ! «
PAR JESSE BROUNS
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