La nature joue les fées bienfaitrices et inspire son petit monde branché. De la botte en caoutchouc au petit blouson de mer, on respire désormais le grand air.

L’ année 2 004 les a vu déferler, 2005 les confirme joyeusement. La preuve : Madonna jouait récemment les égéries dans un magazine glacé, avec des bottes en caoutchouc aux pieds. Le décor ? Son manoir d’outre-Manche, avec jolis rosiers et balades à cheval. Comme une promenade de santé où elle vante le grand air de la campagne. L’accessoire indispensable ? Les bottes, donc, que Madonna arborait avec une allure chicissime et un rien de décontraction. Juste ce qu’il fallait pour faire parler. Et voilà la paire de bottes en caoutchouc définitivement érigée au rang de must-have.

N’en déplaise aux adeptes du talon aiguille, ces bottes-là se font une place au soleil et jouent désormais les vedettes aux pieds des ladies. Que ce soit pour tailler les rosiers ou pour se balader en ville entre copines, elles ont furieusement tendance à se faire remarquer. On oublie évidemment le vert kaki pour le jardin et le bleu marine pour la mer : le caoutchouc se pare de motifs insensés et joue les accessoires à nos pieds.

Etonnant, le phénomène est d’abord né dans les cours de récré avec la marque américaine Kidorable. Celle-ci a été l’une des premières à relooker les bottes en caoutchouc en les affublant de tête d’animaux, à grand renfort d’yeux de grenouille, de rayures d’abeille ou de pois de coccinelle. L’idée faisant son chemin, c’est du côté des adultes que la botte s’est ensuite renouvelée. En 2000, l’Ecossaise Tamara Henriques découvre par hasard une technique qui permet d’imprimer des motifs sur le caoutchouc. Cela fait belle lurette que la miss porte des bottes – Ecosse oblige – mais elle s’ennuie furieusement de leur manque de fantaisie : du kaki, invariablement du kaki. Du coup, elle profite de sa petite découverte pour l’appliquer aux bottes et imagine une première paire parée de fleurs, illico achetée par le créateur anglais Paul Smith. Déclic, Tamara Henriques sort donc toute une collection de bottes en caoutchouc imprimées et colorées. La première année, elle en vend mille paires. Aujourd’hui, ses bottes sont toujours créées à la main et se vendent comme des petits pains : 12 000 paires en 2004 et une ribambelle d’impressions fantaisistes avec motifs tapisserie, rayures multicolores ou fleurs des sixties.

Même success story pour Alessandra Pivato avec sa marque Regina Regis Rain. Depuis quatre ans, cette Italienne relooke en effet la botte en caoutchouc à grands coups d’imprimés pétaradants. Le challenge est d’appliquer de nouvelles idées sur des produits communs, voire démodés, qui peuvent être retravaillés. Du coup, les bottes de pluie sortent de leurs sphères traditionnelles d’utilisation – la pêche, le jardinage ou la chasse – et rejoignent l’univers de la mode. Chaque saison est prétexte à de nouveaux motifs et détournements. Imaginative, Alessandra Pivato hisse ses bottes sur des talons en caoutchouc de sept centimètres et imagine même un sabot pour homme. Elle dessine un escarpin en caoutchouc ou un bottillon qu’on croirait volé à un lutin. Et quand, pour l’été dernier, elle imprimait envolée de papillons, fleurettes romantiques et joli vichy sur ses bottes, elle préfère pour l’hiver des motifs de peau de serpent, de croco ou des fleurs psychédéliques.

Mais ce sont surtout les grandes marques traditionnelles de bottes qui louchent du côté de ces succès pour mieux suivre le mouvement. Ainsi, Aigle ou Le Chameau lancent régulièrement, depuis quelques saisons déjà, des séries limitées et modèles imprimés. Après une première collaboration avec Viviance Cazeneuve en 2003, Aigle vient par exemple de repasser commande auprès de la jeune créatrice. Il y a deux ans, elle avait relooké la ligne jardinage d’Aigle, avec des sabots anis, rouge ou bleu ciel. Cette fois-ci, elle revisite la botte avec des motifs colorés, obtenus par flashage à chaud sur une base de caoutchouc naturel. Pour les enfants, des cerises, des pommes et des fraises. Et pour les dames, des pensées roses et violettes, sans oublier les feuilles d’érable.

Du côté de la mode, même combat. La botte en caoutchouc a l’avantage d’être une chaussure pas chère et de jouer les accessoires gais et colorés, tout de suite remarqués. Be Original la pare donc de fleurs bleues sur fond blanc pour une version nature, tandis que Tommy Hilfiger l’imagine classieuse avec une jolie boucle en cuir. Bref, l’esprit nature et authentique séduit. On détourne volontiers ce classique de la campagne et de la chasse pour véhiculer des valeurs positives : la proximité avec la nature, l’aventure, l’envie d’authenticité, l’écologie. Autant d’arguments marketing de taille largement incarnés par des marques comme Timberland. A l’origine, la griffe fabriquait des chaussures de bûcheron ultratechniques. Depuis, elle s’est diversifiée avec une collection de prêt-à-porter et affiche un beau chiffre d’affaires et une belle image, emblématique de la mode outdoor. Ses campagnes de communication misent uniquement sur le grand air, avec des paysages de lacs et montagnes à tomber par terre. Tandis que les collections font circuler quelques grands classiques du genre : la chaussure de marche, la chemise de bûcheron, le pantalon en velours costaud, le multipoches en toile écrue ou encore le gros pull en laine douillette.

Depuis, l’outdoor est devenu une véritable mode. Révélé par des marques comme The North Face ou Patagonia, il est désormais envié par les grandes marques de sport qui y vont toutes de leurs petits concepts  » aventure « , tandis que des marques techniques complètent leur gamme avec des produits plus mode. Exemple du genre : Murphy & Nye. Cette griffe américaine est spécialisée dans les vêtements de mer, taillés pour résister à l’eau, au vent et au sel. N’empêche, elle développe une ligne de blousons façon prêt-à-porter, avec coloris vitaminés et coupes cintrées. Le tout est incarné par une belle donzelle nue sous son blouson matelassé, à mille lieues des exigences de la mer… Si ce n’est qu’on peut y voir une sirène.

Dans un autre genre, Eliane Sabon s’inspire très largement de mère nature pour sa collection Humanest. Le principe ? Des débardeurs et des tee-shirts où des clichés champêtres s’impriment en grand, comme pour de vrai. Car l’impression numérique rend la chose hyperréaliste. Et la créatrice pousse même le concept encore plus loin : les photos de coquelicots, de cactus ou de coccinelle – signées par leurs auteurs – sont imprimées sur un coton bio, avec des colorants naturels ! Histoire d’être en phase avec le grand air. Plus inspirée par un style que par un concept, Stella McCartney proposait, quant à elle, une collection façon chasse à courre pour l’hiver dernier. Ses manteaux-ponchos comme des plaids en laine et ses broches-trophées de chasse ont évidemment inspiré leur petit monde. Ce n’est sans doute pas un hasard si, cet hiver, le style british est donc encore de mise : on se la joue lord anglais, avec une cape écossaise et des bottes cavalières, et on aurait même de quoi ressembler furieusement à la belle du prince Charles.

Ce style un rien bourgeois et nature, un autre créateur, français cette fois-ci, l’incarne depuis plusieurs années : le Prince Jardinier. Derrière ce sobriquet devenu une marque se cache le vrai prince Louis-Albert de Broglie. Jardinier, il l’est, mais il est aussi créateur d’un monde tout entier dédié à sa passion : outillage plus que parfait, tabliers siglés, plantes rares, planches botaniques, chapeaux et cabas, Louis-Albert de Broglie a développé tout un art de vivre autour du jardin. Pas de véritable prêt-à-porter donc, mais plutôt quelques vêtements prétextes à un week-end à la campagne. Raffiné, Louis-Albert de Broglie manie les belles matières et les imprimés classiques comme le tartan. Il brode son sigle sur ses tabliers de jardinier en toile canvas et continue de cultiver les tomates anciennes dans son château. Pour l’hiver, il relooke, lui aussi, la botte en caoutchouc à sa manière. Pas de falbalas ni de couleurs pétillantes, le Prince Jardinier joue les princes caméléons avec une botte cependant originale où les fleurs s’impriment comme une nature morte. Histoire de se fondre dans le décor et de ne plus se faire remarquer.

Amandine Maziers

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