Sur son frigo, elle a accroché cette phrase d’Albert Camus :  » Il ne faut pas avoir honte de préférer le bonheur.  » Elle s’est droguée, désintoxiquée… Et aujourd’hui, Laura Smet a à nouveau la pêche. Confidences.

Deux ans de nuits blanches, un an de convalescence, et un retour au cinéma dans La Frontière de l’aube, de Philippe Garrel, où elle incarne une jeune star à la dérive. A 24 ans, celle qu’on a découverte en 2003 dans Les Corps impatients semble enfin apaisée. Elle nous parle du cinéma, de ses parents – elle est la fille de Nathalie Baye et Johnny Hallyday – et des bêtises qu’elle ne refera plus… Rencontre avec une jeune femme épatante.

Weekend Le Vif/L’Express : Au tout début de La Frontière de l’aube, votre personnage, Carole, dit :  » Je ne suis pas une star, je suis une actrice.  » C’est une phrase que vous avez souvent eu envie de prononcer depuis que vous faites ce métier ?

Laura Smet : Star, le mot est un peu fort. Pour moi, il n’y en a que quelques-unes dans le monde, comme Pacino, DeNiro, Marilyn. On m’a peut-être considérée comme une vedette avant de juger mon travail, et j’aimerais parfois qu’on me prenne simplement pour ce que je suis : une jeune actrice qui a tout à apprendre. Mais bon, je comprends : je suis connue depuis que je suis toute petite !

Votre personnage dit aussi :  » Je fais beaucoup de bêtises… « 

Oui, cette phrase aussi me correspond assez bien. (Sourires.) Et pourtant Carole n’a pas du tout été inspirée par mon expérience. Ses séances d’électrochocs, sa descente aux enfers, ce sont celles que Philippe (NDLR : Garrel, le metteur en scène) a vécues. Avec ce film, il avait besoin d’exorciser ses démons. Et moi, j’en ai profité pour exorciser les miens. J’ai fait beaucoup de bêtises, je ne m’en cache pas. Mais ces mésaventures sont derrière moi. J’ai 24 ans et l’impression d’avoir vécu deux adolescences : une à 16 ans, l’autre à 21. C’est assez pour une vie entière. Je pense être à l’abri jusqu’à mes vieux jours. (Rires.)

La Frontière de l’aube est un film très sombre. Après vos  » mésaventures « , comme vous dites, vous n’aviez pas envie d’une atmosphère plus légère pour revenir au cinéma ?

J’ai déjà tourné dans des comédies, celle de Pascal Thomas, par exemple, et, paradoxalement, ce n’est pas sur ces tournages-là qu’on rigole le plus. On théorise beaucoup sur la difficulté d’être drôle. Dans les films au scénario très noir, au contraire, tout le monde est inconsciemment poussé à se détendre sur le plateau. C’est ce qui s’est passé pour La Frontière de l’aube. C’est un film à tout petit budget, tourné avec des gens très proches les uns des autres. Je suis devenue amie avec Louis Garrel et Clémentine Poidatz, mes partenaires. Et puis, Philippe Garrel était aux commandes. Lui, voilà, c’est une star ! Travailler avec lui, ça ne se refuse pas.

Le film a reçu un accueil plutôt froid, lors du dernier Festival de Cannes. Les mauvaises critiques vous touchent-elles ?

Je préfère un accueil mitigé à une réaction uniforme. Je n’ai pas assisté à la séance de presse du film à Cannes. Mais celle du soir a été très émouvante. Les applaudissements ont duré vingt minutes. Philippe était ému comme un petit garçon. Louis et moi étions en larmes. Je garde un très bon souvenir de Cannes.

Votre complicité avec Louis Garrel est-elle facilitée par votre destin commun d' » enfants du cinéma  » ?

Je ne crois pas, non. L’univers dans lequel j’ai grandi était beaucoup plus show-biz que celui de Louis. Louis est un ami formidable : il est droit, sain, a toujours trouvé les mots avec moi. Et je trouvais très émouvant, sur le plateau, de l’entendre dire  » papa « . Ça me donnait envie, à moi aussi, de tourner avec mes parents.

Aucun metteur en scène n’y a jamais pensé ?

Si, souvent, mais pas avec les bonnes histoires. Ma mère et moi attendons un projet qui sorte de l’ordinaire, qui soit vraiment réussi. Je croise les doigts, mais je crois que nous sommes sur la bonne voie : on vient de nous proposer un film d’époque adapté d’un roman anglais. Je n’en dis pas plus, car rien n’est signé. Mais je suis très enthousiaste.

Contrairement à beaucoup d’enfants de stars, vous n’avez jamais refusé de parler de vos parents…

Mais non, pourquoi ? Au contraire, je pourrais parler d’eux pendant des heures. Je suis très fière de mes parents. Fière d’être leur fille, de leur réussite. Ils font partie de moi. Je n’ai aucune raison de ne pas assumer cet héritage.

Si vous deviez retenir deux images fortes de votre enfance liée à chacun d’eux, quelles seraient-elles ?

(Elle réfléchit.) Je me souviens d’un concert de mon père, à Bercy ou au Parc des Princes, je ne sais plus. Je devais avoir 8 ans. Il s’était mis en tête de traverser le public avant d’arriver sur scène. Jean-Claude Camus, son producteur, avait bien essayé de l’en dissuader, mais il n’avait pas lâché.  » Que veux-tu qu’ils me fassent ? lui avait-il dit. Les gens sont là parce qu’ils m’aiment !  » J’étais dans les gradins. Je revois son corps à moitié dévoré par la foule alors qu’il tentait de se frayer un chemin jusqu’à la scène. J’étais à la fois fascinée et terrorisée. Aujourd’hui encore, je ne rate aucun de ses concerts.

Et pour votre mère ?

C’est plus dur d’isoler un souvenir, parce que j’ai vécu avec elle… Le plus beau, c’est peut-être lorsqu’elle est sortie en larmes de la projection des Corps impatients, de Xavier Giannoli. J’avais très peur de son regard. Elle aussi était inquiète, car le rôle était très exigeant et elle ne savait pas si j’étais douée. Cette émotion, c’était le plus beau cadeau qu’elle pouvait me faire. Ma mère, de toute façon, ne m’a jamais ni jugée ni forcée à suivre un quelconque chemin. Quand j’ai arrêté mes études parce que je souffrais terriblement à l’école, elle m’a dit :  » Très bien, mais tu fais quelque chose de ta vie.  » Quand j’ai eu mes soucis, elle m’a énormément soutenue. Elle a toujours des mots justes et apaisants. D’ailleurs, quand mon père va mal, c’est toujours elle qu’il appelle.

Vous souvenez-vous de ses premiers mots lorsque vous êtes sortie de votre centre de désintoxication ?

Qu’elle ne voulait pas de mots, mais des preuves. C’est bien une phrase d’elle, ça. (Rires.) Eh bien, plus de six mois après, la preuve est là, je crois. Elle voit que je vais très bien, que je suis plus forte qu’avant.

Il vous semble loin, l’hiver 2007 ?

Très loin, oui. J’ai l’impression d’avoir vécu un mauvais film. Un matin, j’ai ressenti comme un immense dégoût de tout. J’en ai eu soudain marre de ces produits qui vous donnent l’impression d’être heureux pendant trois heures et vous détruisent le reste du temps. J’ai changé de portable, d’habitudes, de fréquentations. Quand on est célèbre, on croise plein de rapaces désespérés qui vous tirent vers le bas pour ne pas s’y sentir trop seuls. Je n’en veux à personne, mais je trouve pathétique et déprimant de s’accrocher à la drogue quand on a 30 ou 40 ans. Quand je croise par hasard certaines de mes anciennes fréquentations, c’est bonjour, bonsoir, pas plus.

Votre père a-t-il été aussi présent que votre mère durant ces mois difficiles ?

Il l’a été à sa manière, pudique. Avec lui, on n’a pas besoin de beaucoup se parler pour se comprendre. Tout se passe dans les yeux. Les dangers du show-biz, il est très bien placé pour les connaître. Il s’est protégé, j’imagine. Mais j’ai appris qu’il avait fait des choses dans mon dos pour m’aider, comme aller dans certaines boîtes de nuit pour demander qu’on m’empêche d’y entrer.

Le cinéma vous a-t-il manqué pendant cette année de convalescence ?

Pas trop, parce que j’allais mal, mais il me manque aujourd’hui ! J’ai terriblement envie de tourner une comédie, de travailler pour ces artistes qui me font rêver comme Valérie Lemercier ou Agnès Jaoui. Le cinéma me manque, mais j’essaie de ne pas rester à attendre près du téléphone.

Que faites-vous pour ne pas rester près du téléphone ?

Je cultive mes hobbys. Mon quotidien est à la fois très simple et très sain : je lis, je fais de la photographie, qui est devenue une passion. Je fais du sport, je regarde des films, je vois mes amis. Je me fais aussi beaucoup masser, et je ne pratique pas toujours raisonnablement le shopping ! (Rires.) J’essaie de profiter de la vie. Sur mon frigo, j’ai accroché cette phrase d’Albert Camus que j’adore :  » Il ne faut pas avoir honte de préférer le bonheur.  » Chaque matin, au réveil, je la lis et j’ai la pêche.

Propos recueillis par Géraldine Catalano

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