Laurent Gaudé nous entraîne à La Nouvelle-Orléans dans le malstrom d’un ouragan emportant tout sur son passage. Restent quelques rescapés affrontant les éléments déchaînés et leur propre vie intérieure. Un chant des oubliés où s’entrechoquent amour et cruauté humaine.

Qu’est-ce que l’écriture balaie et libère comme un ouragan ?

Elle libère une énergie qui n’a aucune place ailleurs. Alors que nous sommes tous pétris de petites craintes, elle balaie nos peurs. Pour ma part, quand je plonge dans l’écriture d’un roman, je vais au bout d’une logique personnelle, quitte à aller dans des lieux où je n’irais jamais.

Pourquoi l’enfer vous attire-t-il ?

Parce que j’aime basculer ailleurs. C’est jouissif de décrire le débordement ! Face à l’enfer, on saisit les personnages dans leurs sentiments intenses : la peur, le désir et la volonté de combat.

Que redoutez-vous le plus ?

L’épuisement des ressources de la planète. Comment poursuivre l’aventure humaine ? On a oublié à quel point la nature parlait. Quand elle le fait, elle nous ramène à la tragédie et à la petitesse humaine.

L’ouragan révèle-t-il  » l’humanité sans masques  » ?

Mes romans se situent toujours dans des situations où l’on est débarrassé du masque social. L’ouragan réduit les êtres à leur essence même. Quels sont leurs choix ? à quoi s’accrochent-ils ? On doit parfois abandonner ce qu’on a, pour comprendre ce qu’on est. Il y a aussi un côté spectaculaire dans le déchaînement des éléments naturels.

Qu’emporteriez-vous si vous deviez faire face à une tragédie naturelle ?

Rien si ce n’est ceux que j’aime. Cette histoire se veut un hommage aux laissés-pour-compte de la tempête Katrina, en 2005. Si ce cataclysme a frappé les hommes de tous bords, elle a honteusement oublié les pauvres et les Noirs, condamnés à une double peine.

Quelle est la force de votre héroïne Joséphine ?

Cette vieille dame américaine est héroïque par sa résistance. Elle est la mémoire et le témoin des combats des Noirs pour leurs droits civiques. J’aime les gens têtus, ceux qui sont capables de rester debout au sens physique et moral. La volonté humaine est une arme contre ce monde changeant.

Qu’est-il impossible de fuir ?

Ses défunts et la mémoire qu’on trimballe des gens d’avant. Il ne faut pas fuir cette sensation de perte.

Votre plus grand péché ?

Je suis rancunier et je le revendique ( rires) ! Mais j’aimerais aussi m’affranchir de ma trop grande politesse.

Quand êtes-vous en paix avec vous-même ?

Je suis paradoxalement un garçon heureux, mais il y a en moi une tension et une insatisfaction qui ne me quittent jamais et me permettent d’écrire. Mon rêve ? Avoir mille vies en uneà

Ouragan , par Laurent Gaudé, Actes Sud, 192 pages.

KERENN ELKAÏM

C’est jouissif de décrire le débordement !

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