Un an après l’investiture d’Obama, il est temps de (re)découvrir sa ville, la bouillonnante métropole du Middle West. Balade arty dans les cinq quartiers qui bougent.

Downtown, l’architecture en folie

Cyclistes et joggeurs en tenues fluo déboulent sur les bords d’un lac Michigan presque limpide. Vu de la plage d’Oak Street, un gigantesque amphithéâtre de tours cerne l’horizon : variations géométriques en 3D, matériaux domptés, façades quadrillées de fenêtres par milliers. Soudain, 82 étages bleutés ourlés de voluptueuses ondulations apparaissent. Avec la tour Aqua, flambant neuve, la jeune architecte Jeanne Gang évoque aussi bien les oiseaux, ses amis, qui ne s’écraseront plus sur de plates vitres reflétant leur ciel, que la nécessité des volutes pour adoucir ce monde de brutes ! Juste en bas, premiers éblouissements au Millennium Park et son époustouflant terrain de jeux culturels : télescopage maîtrisé entre le Pavilion enturbanné de rubans d’aluminium, et le pont toboggan signés Frank Gehry, la nouvelle aile de l’Art Institute, parallélépipède de galeries en apesanteur offertes aux regards par Renzo Piano. Mais aussi le renversant nuage monumental en argent poli d’Anish Kapoor, les fontaines vidéo de quatre étages de Jaume Plensa, où l’eau jaillit des bouches de citadins anonymes età des entrées de parkings belles comme des capteurs solaires. Au fond, les falaises de béton, de verre et d’acier bravent les bourrasques et Chicago triomphant martèle avec  » son  » président :  » Yes we can ! « 

Aqua, 225, North Colombus Drive.

Art Institute Modern Wing, 159, East Monroe Street.

West Sideà story

Derrière le Loop, carrousel de métros cliquetant au-dessus de piétons grouillants au c£ur de la cité, le West Side resta longtemps un no man’s land d’entrepôts de briques vidés de leurs marchandises. Des artistes fauchés, suivis par les yuppies, les remodèlent en lofts. Oprah Winfrey, impératrice noire de la télé, installe ses Harpo Studios dans une ancienne manufacture d’armes. Des galeries pointues comme McCormicky déménagent les £uvres de l’avant-garde dans des volumes d’une ampleur sidérale. Ambiances plutôt marginales jusqu’à l’ouverture, en 2008, de la boutique ultrachic de Maria Pinto, créatrice du fourreau violet que portait Michelle Obama le soir de la nomination de son mari (l’autre stratège du look de la First Lady est Ikram Goldman qui, elle, tient boutique sur la Gold Coast). D’opulents palais de la déco contemporaine tels Primitive ou Assemblage s’empressent de voisiner avec Maria dans ces magnifiques espaces délaissés par l’industrie. Après la  » hot couture « , la  » hip food « . Du côté des imprimeries abandonnées, design et cuisine s’allient dans des lieux délectables démentant le cliché d’une ville accro aux hot-dogs. La bande de Paul Kahan, chef superstar, y installe ses restaurants conceptuels : avec bancs minimalistes à la Donald Judd, belle jeunesse éclusant des vins du monde et avalant des nourritures improbables comme le pop-corn aux truffes, Blackbird, capsule spatiale embarquant des dîneurs élégants pour des odyssées aux confins de la  » fusion food « , ou The Publican, chaleureux hommage aux banquets des pionniers teutons, 150 personnes autour d’une table d’hôte en U dégustant d’exquises cochonnailles. Chacun pique dans l’assiette de son voisin et trinque avec des inconnus qui racontent leur Chicago.

Harpo Studio, 1058, West Washington Blvd. www.oprah.com

McCormick Gallery, 835, West Washington Blvd. www.thomasmccormick.com

Maria Pinto, 135, North Jefferson Street. www.mariapinto.com

Ikram, 873, North Rush Street. www.ikram.com

Primitive, 130, North Jefferson Street, www.beprimitive.com

Assemblage, 121, North Jefferson Street. www.assemblageltd.com

Avec, 615, West Randolph Street. Tél. : + 1 312 377 2002.

Blackbird, 619, West Randolph Street, Tél. : + 1 312 715 0708.

The Publican, 837, West Fulton Market. Tél. : + 1 312 733 9555

à Pilsen, la marche de l’ art

Plus au sud, l’art provoque le changement. Le deuxième vendredi du mois, l’Art Walk de Pilsen voit défiler des centaines d’amateurs explorant un territoire aux deux visages. D’un côté, le Mexique immigré et son musée à ciel ouvert de  » murals  » militants bariolés de saints flamboyants et d’icônes latinos parfois unis pour protester contre la gentryfication galopante de cette enclave ethnique. De l’autre, la solide tranquillité d’une bourgade de la Mittel Europa secouée par l’arrivée d’une flopée de galeries et de studios d’artistes. Mike Nourse, l’un des fondateurs du Chicago Art Department, une communauté de créateurs, explique :  » Ici, les immeubles appartiennent tous à une famille polonaise dont la troisième génération a compris la valeur ajoutée d’une ambiance arty. Ils auditionnent les projets des galeristes et louent à ceux qui leur semblent susceptibles d’attirer les bobos !  » Un casting qui marche. Des bistrots branchés comme Nightwood ou Simone’s émigrent vers ces trottoirs artistiques.

Chicago Arts District-Pilsen Art Walk, 1945, South Halsted Street. www.chicagoartsdistrict.org

Chicago Art Department, 1837, South Halsted. www.chicagoartdepartment.org

Nightwood, 2119, South Halsted Street. Tél. : + 1 312 526 3385. Simone’s, 960, West 18th Street. Tél. : + 1 312 666 8601.

La conquête du Far North West

Long trek sur les pistes des pionniers de l' » Indie Chicago style « , de Logan Square, carrefour hors du temps d’une petite ville de l’Amérique profonde, aux trépidations des fashionistas autour de Wicker Park, ancien fief littéraire de Nelson Algren. Au long d’interminables avenues banlieusardes (Milwaukee, Damen, Logan ou California), chaque bloc est ponctué de bons plans : flirt avec les Wolfbait & B-girls dans leur bazar néobaba, où les planches à repasser servent de présentoirs aux créations des nanas du coin. Brunchs écolo-bio au Lula Cafe, au look de brocante moderniste, situé au-dessus d’une salle de bal pour groupes de rock alternatifs qui traînent au Reckless Records. Cocktails détonants, DJ allumés et hipsters dansants au bouillonnant Whistler. Sur Division Street, à côté des boutiques ascétiques des stylistes locaux, les tenues vintage s’empilent dans des vitrines semblables aux armoires des fermières chics du Middle West. Caché derrière des palissades, le Violet Hour, bar nostalgique hanté par les fantômes élégants de films noirs, s’entrouvre à côté des bulbes des églises de l’Ukranian Village.

Wolfbait & B-Girls, 3131, West Logan Blvd.

Lula Cafe, 2537, North Kedzie Blvd.

Reckless Records, 1532, North Milwaukee Avenue. The Whistler, 2421, North Milwaukee Avenue.

Habit/A Design Collective, 1951, West Division Street. Gamma Player, 2035, West Division Street.

The Violet Hour, 1520, North Damen Avenue.

à South Side, terre promise de l’intégration

Dans le ch£ur de l’église néogothique, des femmes noires en tunique de satin rouge chantent le gospel Joy to theWorld et frappent dans leurs mains avec les fidèles, en majorité des Afro-Américains plutôt cossus. L’ancienne paroisse des Obama, au c£ur des villas bourgeoises de Kenwood, est la terre promise de l’intégration, l’oasis ombragée des droits civiques. Jeune sénateur et community organizer des quartiers chauds de Bronzeville, un ghetto voisin où le blues pleure et les balles sifflent encore, Barack ouvrit le bal le soir de ses noces avec Michelle, au South Shore Country Club, ancien bastion blanc devenu centre culturel de la communauté. A la sortie de la messe, le patriarche d’une famille amie lance réjoui :  » Seuls Chicago et cette congrégation pouvaient donner à l’Amérique son hardi président. « 

Saint Ambrose Church, 1012, 47th Street.

Checkerboard Blues Lounge, 5201, South Harper Court.

South Shore Country Club, 6930, South Shore Drive.

Par Jean-Pascal Billaud

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