» J e crois que l’un des moteurs initiaux, dans la mode belge, a été l’époque où les Six d’Anvers sont arrivés en bloc avec une nouvelle vision du vêtement, plus radicale, moins légère mais nullement ennuyeuse. Ces gens-là nous ont poussé à réfléchir sur ce qu’était le vêtement, à le  » dépiauter  » physiquement et mentalement, au lieu de se limiter, comme à Paris en ce temps-là, à une débauche de couleurs, de dorures et d’effets de manche. A La Cambre, on m’a inculqué cette notion du vêtement conceptualisé, à la fois infiniment artistique et terriblement pratico-pratique. Je crois que ma force vive vient en grande partie de là « , déclare José Enrique Oña Selfa. A cette  » gravité vestimentaire « , José ajoute sa joie de vivre, son optimisme, sa passion des couleurs, son sens aigu de la coupe toujours plus complexe et, last but not least, son engouement pour la danse et le vêtement qui voltige. Cette vision, simultanément rigoureuse et sensuelle de la femme, s’exprime déjà à ravir dans sa collection de fin d’études,  » La Confession du poulailler « , qui lui vaut les plus grands honneurs et un immédiat appui médiatique à la sortie de La Cambre en 1999. Collaborant un moment avec Olivier Theyskens pour la collection maille de ce dernier, José Enrique se fait connaître à Paris (via le Salon du prêt-à-porter et la boutique très tendance Maria Luisa, notamment). Le savoir-faire de l’hidalgo belge convainc et au printemps 2000, il enflamme déjà les podiums parisiens.

Ce passionné du biais, des matériaux nobles et d’une allure  » sans pli-plis ni plo-plos  » mesure, dans chacun de ses modèles, la juste limite entre extravagance et sobriété. Désigné, la définition est belle, comme un baroque-classique, José Enrique Oña Selfa attire l’attention de la maison madrilène Loewe, l’un des fleurons du mégagroupe de luxe français LVMH managé par Bernard Arnault. Résultat ? C’est lui qui, dès le printemps 2002, reprend les rênes de la direction artistique de la griffe espagnole, en lieu et place de l’Américano-Cubain Narciso Rodriguez. Entre Loewe, célèbre entre autres pour ses cuirs ultraluxueux et le jeune José, le courant passe aussi bien qu’un fil dans le chas d’une aiguille.

 » J’ai dû convaincre, me faire adopter, se souvient le « caballero » de la création. Cela a bien « collé » et Loewe m’a donné davantage de responsabilités au fil des saisons. Avoir le titre de directeur artistique est une chose. L’exercer avec toute la rigueur qu’il implique (prises de décision tous azimuts, orchestration d’une équipe de style, réunions décisives, etc.) en est une autre.  » Responsabilités rimant avec boulot surmultiplié, José Enrique Oña Selfa a choisi d’arrêter, fin 2002, sa ligne personnelle.  » Je ne voulais pas aller clopin-clopant entre deux processus créatifs, l’un ici et l’autre à Madrid, et courir le risque de livrer un travail en demi-teinte. Quand on défend une image telle que celle de Loewe, on ne peut plus se permettre de chipoter avec ses propres créations sous prétexte qu’on manque de temps, de tissus, etc. Cette pause n’a rien d’un échec ; il s’agit d’un acte raisonnable et raisonné. Je n’ai que 28 ans, après tout ! En 2004-2005, je relance ma collection éponyme, après avoir reprofilé ma structure bruxelloise, tant au niveau des collaborateurs, que des interlocuteurs et même des bâtiments. Et alors, en avant !  »

Marianne Hublet n

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