Inutile de tourner en rond : à Montréal, la city la plus branchée du Canada, on ne jure que par le Cube, le restaurant de Eric Gonzalez logé dans le design hôtel préféré de Bianca Jagger. Le plaisir exposant deux.

Cube, St Paul Hotel, 355, rue McGill, à Montréal. Tél.: + 1 514 380 22 22. Internet : www.hotelstpaul.com

Recettes en page 72.

L es restaurants d’hôtels reviennent du purgatoire. Longtemps privés de toute légitimité, même lorsqu’ils étaient logés au sein de luxueux palaces, ils connaissent un retour en grâce mérité. Du St-Martin’s Lane à Londres au Meurice à Paris, les multiétoilés abritent désormais de divines surprises gustatives. A Montréal, le Cube, intégré au Saint-Paul l’un des plus enthousiasmants design hôtels de la planète et adresse fétiche de Bianca Jagger, participe activement à cette renaissance des tables hôtelières. Avec une situation idéale sur la rue McGill, ex-Wall Street début de siècle reconvertie en fief branché, le Cube est devenu l’une des adresses de référence des Montréalais. Comme tout restaurant contemporain imaginé pour séduire les adeptes de l' » urban chic « , c’est d’abord par son décor atmosphérique que le Cube retient l’attention. En particulier l’impeccable lobby de l’hôtel, et sa cheminée géométrique en albâtre, qui sert d’antichambre à ce restaurant littéralement fondu dans l’hôtel. Parti pris esthétique du lieu : des sets de tables aux écrans de polymères suspendus devant les fenêtres, du plan de salle à la typo du menu, le carré y est subtilement décliné, sans pour autant donner le tournis.

Chef de cuisine  » executive « , le Français Eric Gonzalez, 38 ans, a été appelé à la tête du Cube il y a six mois. Originaire de Nice où il est sorti premier de promotion de l’école hôtelière Escoffier, il se forme auprès de Jacques Chibois à Cannes (deux étoiles au Michelin) avant de devenir le chef de partie du plus célèbre toqué de France, Bernard Loiseau. Après ce sera un tour du monde enviable comme chef au Luxembourg (à La Claire Fontaine, une étoile), à la Martinique et à New York pour accompagner l’aventure américaine de Maxim’s, le restaurant de Pierre Cardin. Le choc culturel.  » En cuisine, j’avais 18 commis et autant de nationalités différentes, confie-t-il. Pas évident pour créer l’esprit de groupe, l’une des premières exigences dans notre profession, sans quoi… Ce qui était plus frustrant encore pour moi, c’est le public new-yorkais, complètement blasé.  »

En 2000, Eric Gonzalez débarque à Montréal pour diriger les fourneaux du Lutetia.  » Je suis arrivé au bon moment, quand la ville a commencé à frémir.  » Un foultitude d’hôtels contemporains ont en effet ouverts à Montréal en l’espace de quelques années. Le premier W construit hors des Etats-Unis, du nom de la chaîne hôtelière américaine la plus hype de la décennie, n’a-t-il pas choisi Montréal et le quartier de McGill, à deux pas de Cube, pour s’installer en novembre dernier ?  » A la différence des métropoles anglophones de l’ouest canadien où règnent encore le T-Bone steak et la bière, Montréal s’impose comme la ville la plus gastronomique du Canada « , affirme Eric Gonzalez en rendant hommage à Normand Laprise, chef du Toqué !, excellentissime table montréalaise inaugurée il y a dix ans.  » C’est lui qui est à la base d’une gastronomie nouvelle, architecturée et dépouillée, en mettant en avant une cuisine de terroir enfin légère, subtile et imprégnée d’épices.  » Epaulé par des producteurs locaux qui  » sont jeunes, qui en veulent et n’ont rien à envier aux meilleurs fournisseurs français y compris parmi les maîtres fromagers « , Eric Gonzalez revendique une cuisine de marché de tradition, elle aussi empreinte de modernité. Son foie gras accompagné de girolles au vinaigre balsamique est ainsi truffé d’un cylindre de pain d’épices pour une confrontation de textures peu commune. Ses noix de riz de veau piquées à la réglisse qui perturbent juste ce qu’il faut l’ordre gustatif établi, son goût pour les agrumes, le citron confit, ses penchants pour le fondant (mousseline, marmelades d’oignons) développent une rhétorique riche, ronde sans engourdir le palais.  » Il faut que ça me cherche « , lâche-t-il en évoquant son instinct de cuisinier. Il affiche une méfiance pour les ingrédients à la mode comme le wasabi ou le yuzu, condiments asiatiques particulièrement prisés des Occidentaux et mis à toutes les sauces. En revanche, il se dit toujours partant pour mixer une vinaigrette au coing ou une préparation qui fera définitivement aimer la tête de veau aux Québecois, ce plat franco-français encore mal aimé de ce côté-ci de l’Atlantique. On a beau parler la même langue, on ne s’assied pas forcément du même côté de la table.

Texte : Antoine Moreno

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