Le chant libre de Camille

Aventurière, singulière, brillante, elle a apporté son petit grain de folie à la chanson. Démonstration, ce vendredi soir, au Cirque royal, à Bruxelles dans le cadre des Nuits Botanique. Tête chercheuse et forte tête, voici Camille et son tout nouveau Music Hole.

Mais que signifie ce titre, Music Hole ?  » Dans ce disque, j’ai choisi d’intégrer à la musique les sons originels des quatre éléments, des percussions corporelles, des bruits primitifs, confie-t-elle… Il renvoie au trou noir, l’endroit d’où l’on vient, celui où l’on retourne… C’est également une référence au music-hall, bien sûr : j’aime le spectacle sous toutes ses formes. Et aussi au musical, la comédie musicale.  » Après Le Fil, un album qui a conquis 400 000 fans et reçu deux victoires de la musique en 2006, Camille (Dalmais) nous revient avec un disque en anglais, iconoclaste et tout en reliefs.

Weekend Le Vif/L’Express : Pourquoi cette envie de jouer des percussions avec votre corps, d’imiter le clapotis de l’eau, de pousser des cris d’animaux ?

Camille : La nature est musique… Le vent siffle, les vagues ont un rythme… Les animaux chantent aussi, même s’ils ne modulent pas… Chacun a sa façon d’être éveillé. Moi, ça passe principalement par le son. C’est pour cette raison que j’aime la radio. Le son fait voyager l’imaginaire. En l’explorant, on découvre la résonance, l’acoustique, la répétition. Il faut répéter le rythme pour qu’il pénètre bien, un peu comme une crème hydratante. C’est une aventure sans fin. Ce qui me plaît le plus, c’est l’exploration de la voix et du corps. Plus on est nombreux à faire des percussions corporelles, plus on s’amuse. C’est euphorisant, on dirait une équipe de foot. Même le sol vibre !

Dans le morceau Money Note, vous citez ironiquement quelques grandes voix : Whitney Houston, Mariah Carey, Céline Dion…

Je parle de la machine à fric musicale portée à son apogée. Le show-business américain, qui excelle en la matière, a créé des bijoux avec cette volonté décomplexée de faire de l’argent sur de l’entertainment. Dans cette chanson, je joue à la fille qui veut monter plus haut que ses idoles, car j’ai un immense respect pour les artistes que je nomme. Chanter, c’est aussi de l’athlétisme vocal, un exercice physique.

Votre dernière tournée est passée notamment par le Moyen-Orient. Ces voyages vous ont-ils amenée vers ce tour de chant sacré, God Is Sound, créé l’an passé, et ces textes plus engagés de votre nouvel album ?

Oui. Ils m’ont fait comprendre bien des enjeux religieux et politiques. Ces chansons ne sont pas des discours proprement politiques, je n’apporte pas de solutions. Ce sont des déclarations d’amour, en tout cas des ponts jetés, comme toute chanson d’ailleurs. Dans Kfir (NDLR : lionceau, de l’hébreu ; nom d’un missile), je m’adresse à un jeune Israélien que j’ai rencontré et dont je n’ai pas compris l’immobilisme, le silence, les non-dits. Winter’s Child est un poème qui évoque un enfant né des ténèbres, de la guerre, de l’hiver : le Liban.

Le quotidien britannique The Independent a relevé avec étonnement que vous étiez diplômée de l’Institut d’études politiques de Paris,  » comme Jacques Chirac et Ségolène Royal « . Vous êtes également licenciée en lettres modernes. Que vous ont apporté ces longues études ?

Elles m’ont aidée à me structurer, à avoir un sens critique sur ce que j’ai assimilé, à développer d’autres manières de penser. Mine de rien, c’est une ouverture sur un milieu différent. Après, il faut désapprendre, se mettre à l’épreuve de la réalité. Je voulais devenir chanteuse dès l’adolescence, mais je devais passer par l’étape nécessaire du  » je veux « .

Sciences po a d’ailleurs validé comme stage d’entreprise votre premier album, Le Sac des filles ?

L’enregistrement s’est déroulé un été et, finalement, c’était un travail professionnel ! Je ne sais pas si j’ai créé un mouvement ! Un étudiant, Elliott Ier, m’a envoyé ses chansons…

L’été dernier, on vous a découverte au générique de Ratatouille. Vous chantez la chanson phare, Le Festin, et doublez l’héroïne, Colette. Que gardez-vous de cette aventure ?

C’est un rêve d’enfant devenu réalité. Pour la toute première fois, une chanson en français apparaît dans la version internationale d’un Disney, et je me suis sentie tout à coup porteuse de drapeau. Interpréter Colette a été une superexpérience. C’est un personnage de femme très contemporain. Au début, sa voix est durcie par son métier, elle doit asseoir son autorité dans la cuisine d’un grand restaurant. Mais Colette ne demande qu’une chose, comme toutes les filles, je pense, même les plus actives et les plus ambitieuses : tomber amoureuse. Quand elle réussit à concilier son job et sa vie privée, sa voix s’adoucit.

Votre talent comique s’est exprimé dans des chansons drôles et fantaisistes. Comment votre sens de l’humour s’est-il formé ?

J’adore les clowns, les comédies où l’on rigole toutes les cinq minutes et d’où l’on sort physiquement mieux, les chansons de Bourvil ou de Boby Lapointe, au langage ludique, de Funès, qui frôle le psychédélique. Et l’humour anglo-saxon, qui n’est pas que social, mais imaginatif, absurde, poétique…

On vous a aperçue dans Les Morsures de l’aube, d’Antoine de Caunes (2001). Le cinéma vous tente-t-il ?

Oh, oui ! La démarche de l’acteur, c’est la clé de tout : changer de rôle quand on peut… La caméra ne me dérange pas à partir du moment où il y a du jeu, où elle est un £il complice. A l’inverse, je n’apprécie pas la culture du  » filmage en douce « , des photos volées, du tout enregistré.

Quel regard portez-vous sur vos fans qui ont créé le site Internet Lesacdesfans. net et se surnomment  » les Camilliens  » ?

Du moment qu’ils ne deviennent pas des Camillistes cherchant à convertir les autres… tout va bien. Je ne suis pas leur gourou. Sur le site, ils ne parlent pas de moi, ils échangent des recettes de cuisine, etc. C’est juste un prétexte pour se rencontrer. J’espère être à l’origine de plein d’histoires d’amour.

Music Hole (Virgin/EMI). Au Cirque royal à Bruxelles, dans le cadre des Nuits Botanique, ce vendredi 16 mai, à 20 heures. Tél. : 02 218 20 15 et 02 218 37 32. Internet : www.lesnuits.be A la Cigale, Paris (XVIIIe), du 23 au 28 mai. Au Zénith, Paris (XIXe), le 25 novembre prochain. Et en tournée. Internet : www.camille-music.com

Propos recueillis par Gilles Médioni

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