Vie nocturne trépidante, cachet incomparable de ses nombreux bâtiments de styles Art déco et moderniste, atmosphère d’un autre temps : la capitale administrative et politique du Maroc possède un cachet fou. Découverte nonchalante et enivrante.

Rabat est le secret le mieux gardé du Maroc : on peut encore parcourir la métropole sans tomber sur le moindre touriste, flâner à sa guise dans les souks sans se faire harceler par les vendeurs. Il viendra sans doute un jour où le mystère sera éventé, et il est donc plus que temps de découvrir la capitale administrative et politique du royaume avant qu’elle soit envahie par des hordes de curieux à bob et sac banane. D’autant que la ville est très facile d’accès depuis Casablanca, et que les routes qui y mènent sont impeccables, asphaltées comme au premier jour, et semées, coup d’£il savoureux, de policiers en uniforme colonial régissant la circulation. Rabat où plane l’ombre du Roi, qui y a son palais, le Dâr-al-Makhzen, et sa résidence d’été un peu plus excentrée, à Skhirat, station balnéaire où se donnent rendez-vous les jet-set locale et internationale. Quatre raisons d’y faire un crochet, ou plus encore.

DES JOYAUX PRÉSERVÉS DU TOURISME DE MASSE

Noyau de Rabat, la casbah des Oudaïa est une citadelle qui surplombe le fleuve Bou Regreg et l’océan Atlantique. Cette forteresse porte notamment les traces de son passé almohade (du nom d’une dynastie musulmane berbère), et de ses aménagements andalous, avec ses dédales de ruelles, ses portes ciselées et les menus détails qui émaillent, par millier, ce lieu pittoresque. Posée sur l’eau, la casbah semble elle aussi faite d’eau : ses murs blanchis à la chaux sont barbouillés de bleu à taille d’homme – un trompe-l’£il pour les moustiques, qui ne s’aventurent pas au-dessus des flots. Comme jadis pour les riads de Marrakech, les étrangers se ruent actuellement sur les maisons de la place forte. Mais aujourd’hui encore, on n’y croise que des locaux, mères de retour du marché, vendeurs de jus d’orange dont les vêtements chamarés tranchent merveilleusement avec les murs… Plus étonnant encore est le calme qui règne sur la nécropole mérinide de Chella (qui abrite le mausolée d’Abou El-Hassan dit le Sultan noir, enseveli ici en 1351), située sur l’emplacement d’une ancienne cité romaine. Un secteur de la ville proprement hallucinant, dont les ruines sont mangées par la végétation, et où des dizaines de cigognes ont élu domicile, gratifiant le rare visiteur de caquètements caractéristiques ou de somptueux vols planés. Les orangers y embaument l’air et le panorama offert par cet agencement hétéroclite de vestiges romains, de bâtisses décrépites, de jardins bordés de jacarandas (les fameux acacias bleus que l’on trouve partout à Rabat), de chats malingres allongés près d’une fontaine de fertilité est absolument fascinant.

GASTRONOMIE HORS NORME

La pastilla est une spécialité de Rabat. Rien que pour ça, on y va… Parce que ce feuilleté de pigeon sucré-salé (amandes, cannelle, fleur d’oranger, sucre, poivre, raisins, gingembre…), généralement servi en entrée, est tout simplement divin. La pastilla aux poissons, appelée pastilla du vieux port de Rabat, est une variante originaire de l’antique casbah des Oudaïa. Rabat regorge de restaurants, certains très prestigieux : il faut bien nourrir les politiciens et diplomates qui la peuplent. Al Warda, restaurant du Sofitel Jardin des Roses, est de ceux-là. On y propose de la cuisine marocaine traditionnelle revisitée (pastilla au foie gras…), dans un cadre traditionnel lui aussi ponctué de modernité, entre amphores diffusant une lumière rouge tamisée et plafond en bois ciselé coloré à la feuille d’or. Rabia, la cuisinière, prépare des tajines tendres comme du beurre, une soupe harira aussi fine que roborative, de la viande à convertir les végétariens les plus convaincus et des salades orientales à faire saliver les carnivores…

LUXE ET VOLUPTÉ

À Rabat, on croise étonnamment peu de femmes voilées. Et la plupart des jeunes filles laissent flotter au vent leur épaisse chevelure, parfois retenue par un minuscule carré de soie.  » C’est une caractéristique de Rabat, nous explique notre guide, Fatima, en jean et baskets. Ailleurs au Maroc, par exemple à Marrakech, on est beaucoup plus traditionnaliste qu’ici.  » Capitale de l’élégance et du faste marocains, la ville draine également une clientèle d’affaires occidentale en quête de services prestigieux. Rabat est ainsi richement dotée en golfs et en hammams de luxe, la beauté et le bien-être y demeurant des valeurs cardinales. Chaque femme se doit d’aller se faire vigoureusement exfolier l’épiderme chaque semaine, et certains hôtels de haut standing font de ce rituel ancestral un vrai nirvana.

CULTURE MULTIPLE

La capitale marocaine compte des galeries d’art par dizaines, des musées, cinémas et centres culturels à profusion… et si on y va au mois de mai, on y découvrira Mawazine, Rythmes du Monde, un important raout musical qui n’a rien à envier aux plus grands festivals de la planète, de Glastonbury à South by Southwest. Mawazine est largement conspué par les islamistes, pour qui la musique doit se limiter à chanter la maternité et louer le Prophète, ainsi que par certains mouvements de gauche, qui estiment que cette grande fête est un gaspillage de deniers publics. Les autres Marocains, eux, sont plutôt heureux que leur pays montre au reste du monde une image de stabilité et de sérénité festive. Lors de la dernière édition de Mawazine, du 20 au 28 mai dernier, se sont succédé sur scène des noms comme les Sugababes, Quincy Jones, Kanye West, Lionel Richie, Shakira et quelques artistes locaux comme Hindi Zahra ou L’ensemble Wajd. Difficile de trouver plus belle porte d’entrée à la culture marocaine contemporaine, pas celle qui promet des chameaux à la jolie gazelle qui déambule dans la médina, mais celle qui a les pieds dans une tradition délicieuse et les yeux dans les étoiles du lendemain.

Guide pratique en page 60.

PAR MYRIAM LEROY

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