Oncologue belge de renommée internationale, Martine Piccart se bat pour faire avancer la recherche sur le cancer du sein et permettre aux patientes en âge d’avoir un bébé de réaliser leur rêve sans rechuter. Interview en ce mois d’Octobre Rose, consacré à la sensibilisation à la maladie.

Elle a l’allure et le regard fiers de ceux qui savent de quoi ils parlent, mais le sourire est doux et la poignée de main généreuse. Mélange de ténacité et de tendresse pour cette chef du service de médecine de l’Institut Jules Bordet et professeur en oncologie à l’Université Libre de Bruxelles. Dans sa pratique, Martine Piccart côtoie autant les pontes de la recherche que des patients atteints du cancer ; il faut du cran et de l’humanisme pour balancer entre les deux. Cet équilibre des forces lui a permis de gravir tous les sommets et de multiplier les récompenses qui inspirent le respect : une vingtaine d’awards remis par la communauté scientifique et un titre de Baronne que lui confère le roi Albert ii en 2006 pour sa contribution majeure à la recherche. Pourtant, elle ne le mentionne pas. A l’esbroufe, cette fille de médecin et de prof de langues préfère les propositions pour l’avenir : sensibiliser au cancer du sein, aider la recherche pour qu’il tue moins et empêcher que la maladie ne brise le rêve de centaines de milliers de femmes dans le monde, devenir maman. Parce que la possibilité de tomber enceinte est la deuxième chose à laquelle on pense quand surgit le crabe.  » D’abord, il y a l’idée de la mort, puis la question du bébé. Comme une revanche à prendre sur la vie…  » Mais traitement et grossesse ne sont pas compatibles.  » La majorité des malades, à un stade précoce, sont atteintes de sa forme hormono-dépendante, ce qui signifie que les cellules cancéreuses se nourrissent des oestrogènes. Ces patientes, environ 350 à 400 chaque année en Belgique, doivent suivre un traitement hormonal de cinq à dix ans, qui n’est pas conciliable avec la maternité.  »

Pour s’assurer que l’on puisse interrompre cette thérapie, pour une durée de deux ans maximum, sans augmenter les risques de récidive, il fallait une enquête d’amplitude internationale. Un défi que s’est lancé BIG against breast cancer, l’association qu’a fondée et que préside Martine Piccart, à travers sa campagne BIG time for baby. L’étude clinique, réalisée en collaboration avec quatre-vingts hôpitaux, du Canada au Japon, a été mise en marche en octobre 2014 et suit pour l’instant cinquante femmes. Il en faudrait cinq cents.  » Les patientes, on va les trouver, ce qui manque, c’est l’argent !  » Comptez 3 euros par jour pour le suivi d’une personne ou 5 millions pour en accompagner cinq cents sur une période de dix ans. Un capital que l’organisation a entrepris de récolter via une campagne de crowdfunding.  » On n’avait pas de porte à laquelle frapper, alors on fait appel à la communauté et on lui demande d’investir là où les pouvoirs publics et l’industrie ne répondent pas.  »

La somme est importante, mais l’objectif n’a pas l’air d’impressionner le professeur de 63 ans, qui sourit en prononçant ce montant, et rit quand elle assure que c’est la gent féminine qui la financera en majorité,  » elle sera plus touchée par la cause que les hommes !  » Dans la lutte contre le cancer, Martine Piccart, maman de trois filles, donne les cartes aux dames de coeur.  » Si chaque femme belge en âge d’avoir des mômes versait 10 euros, on atteindra les 5 millions.  » Emploi du futur simple pour s’assurer du franc succès de son projet. Ce n’est sans doute pas à elle que l’on doit expliquer que la technique d’autopersuasion fonctionne.

www.bigtimeforbaby.org

PAR LAURANNE LAHAYE

 » LE CANCER, C’EST D’ABORD L’IDÉE DE LA MORT, PUIS LA QUESTION DU BÉBÉ. COMME UNE REVANCHE À PRENDRE SUR LA VIE…  »

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