Ils sont signés Perriand, Le Corbusier, Wabbes ou Mies van der Rohe. Des icônes du design que l’on peut s’offrir neuves ou d’occasion. En prenant garde surtout à la contrefaçon.

La crise incite à la prudence : cette année, bon nombre d’éditeurs ont préféré miser sur la réédition de modèles classiques signés de grands noms du design – parfois revisités dans de nouvelles matières ou de nouveaux coloris comme chez Thonet et Fritz Hansen – plutôt que de lancer sur le marché des pièces originales créées par de jeunes talents émergents. Chez Cassina, une collection complète – baptisée I Maestri et lancée en 1965 – est entièrement dédiée à ce qui s’apparente véritablement à de la reconstitution historique. Car produire industriellement des objets conçus souvent pour être fabriqués en série limitée ne se fait pas en un clin d’£il.  » Notre but est de redonner vie à ces idées originales, dans le plus grand respect du projet tel qu’il a été pensé, assure-t-on chez Cassina. Nous voulons en faire des pièces attrayantes pour les amateurs de design contemporain et encourager le public d’aujourd’hui à apprécier le travail unique et universel des grands maîtres du passé.  » Dix ans après la mort de Charlotte Perriand, la maison italienne a donc décidé d’éditer – certains pour la première fois – quatre meubles de la célèbre architecte française ( lire encadré page 40). En Belgique, le fabricant de meubles Bulo vient d’acquérir les droits concernant l’édition de l’ensemble des créations de l’architecte d’intérieur belge Jules Wabbes tandis que l’allemand ClassiCon a choisi pour sa part de jeter son dévolu sur l’£uvre du de-signer brésilien Sergio Rodrigues ( lire encadré page 42).

Récession ou pas, ces classiques, perçus comme un investissement sûr et indémodable qui se transmet de génération en génération, se vendent toujours aussi bien malgré leurs prix très élevés.  » Surtout les meubles du Corbusier, concède-t-on chez Cassina. Ces grands classiques sont très importants pour nous tant en termes de revenus que d’image, de prestige et de visibilité.  » Un raisonnement qui tient tout aussi bien la route du côté des particuliers qui décident de casser leur tirelire pour s’offrir une chaise Eames ou des tables gigognes Perriand. Les meubles signés Le Corbusier ou Mies van de Rohe, véritables people du design, font régulièrement la Une des magazines spécialisés et des suppléments déco. Aisément reconnaissables, ils sont devenus en quelques années de véritables  » status statements  » : autrement dit une manière élégante – aussi efficace qu’un sac Chanel ou une bague Cartier – d’afficher son (très bon) niveau de vie.

Toutefois, ces rééditions aussi soignées soient-elles n’ont guère la cote auprès des collectionneurs de vintage. N’ont de valeur à leurs yeux que les pièces  » originales « , voire même les prototypes. Un argument que l’on réfute fermement chez Vitra.  » Cette position est soutenue par les contrefacteurs, insiste Rolf Fehlbaum, président de l’entreprise suisse. Ils reconnaissent qu’ils copient les originaux tout en affirmant que les fabricants qui se présentent comme les mandataires légitimes du design classique (en l’occurrence Vitra pour les Eames) ne font rien d’autre. Les  » originaux, autrement dit les modèles de début de production, seraient dans les musées ou chez les collectionneurs et non pas dans les magasins de meubles qui travaillent avec ces fabricants. « 

La demande en vintage n’ayant cessé de croître ces dernières années – il est bien loin le temps où l’on pouvait trouver des coques de Eames Chair au marché aux puces matinal de la place du Jeu de Balle, à Bruxelles – les modèles anciens sont de plus en plus rares, de plus en plus chers aussi et surtout très difficiles à reconnaître et à dater avec précision. Gare donc aux achats impulsifs sur les brocantes : mieux vaut exiger un certificat d’authenticité et apprendre à détecter les faux grossiers ( lire notre dossier pages 44 à 46) qui, hélas, sont légion. Chez Vitra, on reconnaît avoir déjà reçu en réparation des Lounge Chair faussesà apportées en toute bonne foi par leurs propriétaires. Des meubles Canada Dry qui ne sont bien souvent que des copies grossières et contre lesquelles les détenteurs des droits d’édition ont bien du mal à se battre. En modifiant visiblement quelques détails – la hauteur de l’assise d’une chaise, la couleurà -, ces contrefacteurs peu scrupuleux qui écoulent bien souvent leurs marchandises sur le Net espèrent se mettre à l’abri de toute poursuite.

 » La notion même d’original n’a rien à voir avec la date de production, poursuit Rolf Fehlbaum. La condition permettant de qualifier l’objet d’original est déterminée par la relation entre le designer (ou plus tard ses héritiers) et le fabricant des produits.  » Dans bien des cas, des améliorations techniques du prototype sont d’ailleurs nécessaires pour rendre l’édition possible.  » Pour un designer, le mobilier de Charlotte Perriand est une vue de l’esprit, conclut l’architecte et urbaniste Roger Aujame. La plupart de ses créations n’ont été fabriquées qu’en très petites quantités. Certaines d’ailleurs ne sont toujours pas éditables industriellement. Chez Cassina, lorsque les techniciens travaillent sur les projets de Charlotte Perriand, ils font aussi un travail de création. Mais d’une autre nature. « 

Carnet d’adresses en page 110.

Par Isabelle Willot

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