A Paris, un groupe de jeunes designers talentueux se penche avec enthousiasme sur le Céralin, un nouveau matériau naturel et entièrement biodégradable, créé à partir de céréales. Grâce à ce projet très original baptisé Greenage, le design écologique est promis à un bel avenir.

Cela fait déjà belle lurette que les labels biologiques fleurissent dans les linéaires des grandes surfaces. Pour répondre au souhait des consommateurs de manger et vivre sainement, en harmonie avec la nature. Les designers contemporains partagent tout naturellement cet engouement bien légitime pour le respect de l’environnement. Et lorsque Bernard Skalli et Marie-Thérèse Berling, les initiateurs du projet Greenage, se lancent dans la conception de nouveaux récipients comestibles et biodégradables en Céralin, les créateurs se mettent aussitôt au travail.

La grande aventure du Céralin a débuté voici deux ans. Après de longues recherches menées en collaboration avec le scientifique Olivier Lopez, Bernard Skalli et Marie-Thérèse Berling parviennent à créer un matériau inédit réalisé à partir de l’enveloppe de grains de riz ou de blé réduite en poudre et mélangée à un agent liant gardé secret. Baptisée Céralin, cette pâte alimentaire d’un genre nouveau se prête à de multiples usages. En effet, il suffit de la mouler ou de la thermoformer pour lui conférer la morphologie de son choix. Sa faiblesse? Sa sensibilité à l’eau. Le Céralin peut, en effet, supporter une légère humidité mais, si on le mouille abondamment, il ramollit jusqu’à devenir informe. Un défaut que ses inventeurs espèrent bien pouvoir corriger. Une fois le matériau créé, restait encore à lui trouver des débouchés. Sensible à l’esthétique, le duo Skalli-Berling a très logiquement fait appel à l’imagination fertile de designers contemporains pour lui insuffler une dimension artistique. En 2000, il crée la société Greenage qui édite, fabrique et distribue les objets pensés par une poignée de jeunes designers français réputés ou en passe de l’être. Depuis, une cinquantaine de créations originales ont vu le jour et sont exposées dans une vaste boutique showroom implantée en plein coeur de Paris.

Ainsi, Martin Szekely, le père du fameux verre Perrier, a dessiné, en série limitée, « Galilée », une sphère très décorative moitié Céralin satiné moitié laiton poli qui fait tout simplement référence à la Terre. Pascal Bauer, qui a créé un range CD original pour Ycami, a, lui aussi, été enthousiasmé par le projet Greenage. « Depuis quelques années, nous entendons parler de recherches visant à retourner vers des matières plastiques d’origine végétale, explique-t-il. Greenage est à ma connaissance la première tentative qui amène cette idée à un stade de réalité d’usage, économiquement et industriellement crédible. » Sa très élégante coupe « Onde » lui est apparue comme une évidence. « Mon travail est le fruit d’un véritable dialogue forme-matière, précise-t-il. Dans ce matériau tellement proche de son état premier végétal, j’ai voulu une forme de fluidité arrêtée représentant l’élément premier fondateur de la vie. »

Avec leur « Tabouret Bobine », les Tsé&Tsé, un duo de designers françaises composé de Catherine Levy et Sigolène Prébois, jouent, elles, la carte de la joie et la bonne humeur en misant sur les couleurs. Ce qui les séduit dans le projet Greenage? « L’opportunité de travailler avec une équipe qui n’est pas issue du milieu de la décoration et qui se donne les moyens de gagner un pari courageux.Et puis surtout l’attrait d’un matériau neuf dont il faut découvrir les capacités, les défauts et les qualités.L’aspect écologique mais aussi le côté périssable de ce matériau nous tentait beaucoup parce que, selon nous, on n’achète plus forcément les objets avec l’idée de les léguer à ses arrière-petits-enfants. Et puis, la sonorité, les couleurs et le grain du Céralin sont vraiment très beaux. »

Dans le registre de l’accessoire ludique et pratique, Gilles Rozé et Yves Savinel, les auteurs du look très réussi de nombreux appareils électroménagers de la gamme Seb, ont dessiné « Ami-ami »,un ensemble de plats tout en courbes et en rondeurs qui s’imbriquent les uns dans les autres. « La genèse de notre projet repose essentiellement sur l’exploitation des contraintes majeures liées au Céralin, soulignent-ils. Il nous semblait impératif de créer des objets fonctionnant ensemble mais sans imposer une précision dimensionnelle importante; de juxtaposer plusieurs textures, plusieurs colorations et plusieurs échelles différentes et, enfin, de créer un système ouvert que l’on puisse étendre à volonté et pour lequel on puisse acquérir de nouvelles pièces lorsque certaines sont usées. » Soucieux d’écologie et amateur de matériaux innovants, le designer français Stéphane Bureaux a eu la lumineuse idée de créer la lampe « Marcelle », un objet en Céralin ajouré au grain de riz translucide . Sa forme qui ressemble singulièrement à l’assemblage de deux pots de fleurs a tout simplement été pensée pour mettre la nouvelle matière en lumière de façon originale et amusante. « Généralement, lorsque l’on explore un matériau nouveau, on tend à le faire passer pour ce qu’il n’est pas, comme cela a été très souvent le cas pour le plastique, note le jeune designer. En l’occurrence, je ne voulais ni rendre le Céralin artificiellement précieux ni gommer son aspect agrégé. Je l’ai utilisé pour ce qu’il est, c’est-à-dire un matériau simple et compréhensible. C’est pour cette raison que j’ai dessiné des objets humbles et qui tendent vers l’évidence. »

S’il est encore trop tôt pour affirmer que de toutes les matières, c’est le Céralin que les designers préfèrent, sa bonne volonté à se plier à leurs projets les plus fous et son aspect plutôt sympathique semblent le promettre à un bel avenir. A la condition, toutefois, qu’il apprenne à se mouiller…

Serge Lvoff [{ssquf}], Carnet d’adresses en page147., ,

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