Pour sa première grande expo design depuis sa réouverture, en 2012, le Stedelijk Museum d’Amsterdam s’offre la plus belle rétrospective jamais consacrée au maître néerlandais du baroque’n’roll.

Deux mètres sous la toise, costume sombre et baskets fluo, chemise largement ouverte sur son éternel collier de perles, Marcel Wanders affiche son fringant demi-siècle à la presse, venue de loin pour découvrir l’exposition Pinned Up. Rencontre au Stedelijk Museum, avant d’embarquer tout le monde dans un bus anglais, direction la Westerhuis dans le Jordaan, qui abrite le somptueux showroom Moooi et son atelier, avec vue sur les toits du quartier arty d’Amsterdam.

 » Je considère le Stedelijk comme la plus haute marche de l’accomplissement artistique, alors c’est un honneur incroyable « , nous confie le designer un peu ému. A 50 ans, dont 25 de carrière au compteur, Marcel Wanders reconnaît sans nostalgie que le moment semble approprié pour faire le point :  » Le futur reste une énigme, alors que l’histoire est source d’enseignements « , professe-t-il à propos d’un passé qu’il ne craint pas d’affronter, après y avoir si souvent puisé cette étincelle d’intemporalité qui contribue au charme de sa production. Le problème fut plutôt de mettre en panne ses élans créatifs, d’où le titre et l’affiche de l’expo :  » Devoir geler toutes mes activités, c’était mourir pour un moment. Comme si j’étais punaisé au mur, à nu, sans ailes, prêt à être étudié.  » Tel un cerveau en ébullition, Pinned Up se compose de deux hémisphères, une partie blanche, rationnelle et analytique, et une autre noire, plus libre et plus intuitive, plus intime aussi.  » On y trouve une part de ténèbres, de doutes et de douleurs.  » Propos étonnant tant cette face plus sombre n’apparaît que rarement dans ses créations. Il précise :  » Le monde du design n’a pas besoin de mes doutes ; moi, oui. Le design est d’abord une intention positive, alors c’est normal de partager ma positivité et la beauté.  » En une phrase, voilà toute sa démarche résumée.

Né en 1963 à Boxtel, aux Pays-Bas, Marcel Wanders sort diplômé de l’Institut des Arts d’Arnhem après une enfance passée à démonter des grille-pain et à dessiner. Il est engagé par Landmark Design avant de cofonder Waacs Design en 1992. Un an plus tard, coup de tonnerre dans le design néerlandais avec la naissance du collectif Droog Design, auquel il participe activement, en témoigne sa célèbre Knotted chair, aujourd’hui exposée au MoMa de New York. Droog ouvre une première brèche dans la tradition moderniste néerlandaise, que Wanders élargira après sa rencontre avec Casper Vissers. En 2001, le duo lance un studio qui remet l’amour et le fun au coeur du business. Ce sera Moooi – avec trois  » o  » pour l’emphase, le ton est donné -, dont il assure toujours la direction artistique. Il y laisse libre cours à son tempérament de showman, impose un marketing explosif et une imagerie déjantée.  » Less is more est un mensonge. Je ne vois pas pourquoi je me contenterais du minimum, je veux toujours tout donner « , avoue-t-il comme pour justifier son sens aigu de la démesure, dont Pinned Up propose un large aperçu riche de 400 pièces, célébrant son inspiration foisonnante et le perpétuel mélange des matières, des techniques de pointe et de l’artisanat. Tout l’univers onirique et exubérant de l’un des plus influents designers de notre temps, une occasion unique de redécouvrir l’oeuvre de ce dandy pourfendeur du minimalisme, poète flamboyant du design baroque’n’roll.

Marcel Wanders : Pinned Up at the Stedelijk – 25 Years of Design, Stedelijk Museum d’Amsterdam, www.stedelijk.nl Jusqu’au 15 juin prochain.

PAR MATHIEU NGUYEN

 » Less is more est un mensonge. Je ne vois pas pourquoi je me contenterais du minimum.  »

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