Soins de science-fiction, textures inouïes, microsphères magiques. L’avenir de la beauté commence aujourd’hui.

La science de la cosmétique, car c’en est une, est en train de vivre une révolution, passant en quelques années du cold-cream inventé par Galien (médecin de Marc Aurèle) aux produits les plus futuristes. Que ce soit dans le domaine des mécanismes cellulaires, celui des molécules ou celui de la transmission des actifs, les chercheurs composent ou adaptent les extraordinaires progrès de leurs disciplines. Ils sont biologistes, botanistes, médecins, chimistes, généticiens, tous à l’affût des pistes les plus récentes. Cellules souches ? Nanotechnologies ? Biopuces ? Voici plusieurs années déjà qu’ils planchent sur les possibles débouchés de ces innovations dont les noms commencent tout juste à être connus du grand public. Même la console Nintendo devient un outil de beauté appliquée !

S’il ne fallait retenir qu’un seul terme pour la décennie à venir, ce serait absolument celui de  » cellules souches « , au sujet duquel les découvertes se succèdent au rythme d’une série américaine. Dernier épisode : les rendre aptes à réparer, voire à remplacer, n’importe quelle pièce défaillante du corps. Et en cosmétique ? Va-t-on pouvoir les reprogrammer en collage tout neuf ? Leur interdire de se transformer en cellulite ? Les multiplier à volonté ?  » On n’est pas encore là, tempère Eric Perrier, directeur recherche et développement de LVMH, mais on sait déjà comment préserver l’intégrité de celles en stock. Considérant que sous une ride de 3 centimètres il y a un tiers de cellules basales en moins, c’est une énorme avancée. « 

Connaissez-vous les sirtuines ? C’est en activant cette famille de protéines que Dior est la première maison à viser les cellules originelles. Mais d’autres marques parient elles aussi sur leur emploi. On a découvert ces enzymes, aussitôt surnommées  » protéines de longévité « , à l’occasion de travaux sur l’augmentation de la durée de la vie.

Un bel avenir

Programmées pour défendre les cellules (et l’ADN qu’elles contiennent), elles en prolongent fortement l’existence. Par exemple, lorsque l’organisme est affamé, elles se multiplient à foison. Faut-il donc se serrer la ceinture pour garder une peau de jeune fille ? Pas forcément. Les sirtuines répondent aussi très bien au resvératrol, un composant du vin rouge qui, imitant les effets d’une diète drastique, agit comme un leurre pour que, bernées, elles se mobilisent illico. Une voie choisie par Caudalie ou Estée Lauder.

Chez Helena Rubinstein ou Garnier, c’est la piste du proxylane qui est explorée. Cette molécule appelée à un bel avenir se fait, elle aussi, passer pour ce qu’elle n’est pas en imitant la forme chimique des hydratants internes à l’organisme (on les appelle GAG, tel le célèbre acide hyaluronique) et en les obligeant à réactiver leur production assoupie. Quoi d’autre ? Les inhibiteurs de glycation. Ce phénomène, encore peu exploré, se produit lorsqu’avec l’âge les molécules de sucre s’amalgament sur les fibres de collagène et d’élastine, qu’elles rendent cassantes. La peau se fige, les rides se creusent. Mais, là aussi, une parade arrive grâce à la maîtrise de la carnosine, un antisucre qui empêche cette cristallisation. Chez Chanel, Christian Mahé, directeur général de recherche et développement, promet même pour le début de 2009 un antiglycation rétroactif, capable, grâce à une enzyme encore tenue secrète (la cosmétologie est un milieu très concurrentielà), de réassouplir les fibres déjà rigidifiées !

Et si la ride résiste, on pourra toujours la combler. Les  » fillers  » sont là pour ça. Ils sont réputés optimiser par leur embout affiné l’action des injections esthétiques ou des sérums, et les prochaines versions encourageront les tissus à fabriquer des adipocytes (ces cellules de graisse contre lesquelles par ailleurs on se bat au niveau des cuisses) propres à regonfler la chair sous les plis et à lisser le visage. Toujours pour traiter la peau à juste dose et au bon endroit, voici aussi les nanoparticules. Ou, mieux contrôlables, des microsphères chargées d’actifs aptes à jouer leurs bons offices au-delà de la barrière cutanée. De même que les patchs (médicaux, ils traversent déjà l’épiderme), dont on connaît l’action contre les points noirs, les poches sous les yeux, la cellulite. La nouvelle vague, intégrée en strates au c£ur du soin lui-même, se dissout progressivement tout au long de la journée pour délivrer ses bénéfices façon effet retard. Bientôt sans doute, d’autres (les biopuces) seront insérés sous la peau, lançant d’imperceptibles impulsions électriques pour, imaginons, titiller les fibroblastes et les inciter à fabriquer plus de collagène ou détendre les muscles du visage pour un effet  » Botox like « .

Et la Nintendo, dans tout ça ? Grâce au programme Dream Skincare, les utilisateurs japonais peuvent tout à la fois analyser l’état de leur peau, s’automasser comme des pros, surveiller leur taux hormonal, faire de la gym faciale ou recevoir des conseils personnalisés en ligne. De quoi être demain entièrement rénovés. Demain ? Oui, bon, peut-être après-demain.

Carnet d’adresses en page 48.

Maïté Turonnet

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