L’année dernière, à 28 ans, Massimiliano Alajmo, le chef surdoué de Le Calandre, à Sarmeola di Rubano, près de Padoue, est entré dans le cercle très fermé des 3 étoiles Michelin. Il ouvre aujourd’hui à Weekend les portes de sa cuisine pour nous livrer ses petits secrets et ses recettes hautement créatives

Carnet d’adresses en page 96.

Recettes en page 70.

« Cela fera dix ans, le 19 mars 2004, que notre père nous a remis les clés du restaurant dans lequel notre mère a conquis une étoile. Massimiliano avait alors 19 ans. La deuxième étoile est arrivée après deux années et la troisième fin 2002, lors de la sortie hivernale du guide en Italie.  » Raffaele Alajmo dirige non sans fierté et enthousiasme Le Calandre, le restaurant du petit village de Sarmeola di Rubano qui attire aujourd’hui les gourmets du monde entier. On y accède par la Via Liguria, une perpendiculaire à l’ancienne route reliant Padoue à Vicence, deux villes importantes de Vénétie, ancrées dans le passé glorieux des marchands de la Sérénissime.

Si Alajmo, un patronyme sicilien, figure depuis cinq générations au moins au frontispice de la restauration en Vénétie, c’est le grand-père Vittorio qui, le premier, s’est distingué en tenant jusqu’à quatre établissements. Rita et Erminio, les parents, ont repris le flambeau. A 22 ans, Erminio était déjà gestionnaire d’un grand hôtel de Padoue, avec 60 personnes sous sa responsabilité. Aujourd’hui, outre la coordination des différentes affaires familiales situées Via Liguria (le restaurant Le Calandre, mais aussi l’hôtel Maccaroni, l’épicerie fine A Vittorio et encore la pâtisserie La Calandrina), il fait aussi tourner le restaurant du golfe de Padoue. Mais le surdoué, aujourd’hui, c’est Massimiliano. Avec lui, la cuisine entre dans une nouvelle dimension.

Massimiliano s’est découvert tôt une passion pour la cuisine… dans la pâtisserie familiale.  » Il a toujours préféré rester près de moi, plutôt que de jouer avec les enfants de son âge, se souvient Rita. A 6 ans déjà, il fallait que ce soit lui qui range les petits gâteaux sur les plaques.  » Et puis, il y a cette merveilleuse complicité avec Raffaele, son aîné de six ans. Massimiliano a 16 ans lorsque, piloté par son frère et un copain, il prend la direction de la France. Au programme de ce premier voyage transalpin ? Une virée qui commence chez Paul Bocuse à Lyon et se termine à Strasbourg au Buerehiesel, en passant par Paris à L’Espadon du Ritz. Les deux frères vident leur tirelire et rentrent la tête pleine d’idées…

L’ascension pour décrocher les 3 étoiles a été rapide, vertigineuse. Si l’Italie compte une belle brochette de restaurants doublement étoilés, seules deux femmes û Nadia Santini (Dal Pescatore) et Luisa Valazza (Al Sorriso) û ont également à ce jour trois étoiles, qu’elles ont conquises en mettant en scène une très belle cuisine de tradition. Mais avec Massimiliano, la créativité est reine. Le menu de Le Calandre est celui d’une cuisine d’auteur : les notes de musique (entendez les ingrédients) sont traditionnelles, mais la partition est novatrice et l’interprétation magistrale. Prenez la seiche à l’encre et polenta blanche, un plat typiquement vénitien. Massimiliano joue toujours le contraste de couleurs, mais vous sert, dans un verre transparent, une purée de pommes de terre divinement aérienne dans laquelle sont plongés de tout petits dés de seiche.

Il faut voir Massimiliano préparer son risotto au café et aux câpres de Pantelleria pour percer un peu le mystère de son inspiration. Sur le passe d’expédition, une grande assiette blanche. Avec précision, le chef trace un rond de poudre de café – la mouture expresso û à l’aide d’une grosse salière. Au-dessus, il dépose une fine couche de risotto puis souffle légèrement sur le plat pour faire disparaître toute trace de poudre de café. Il ajoute enfin des grains de câpres préalablement dessalés à l’eau, séchés et moulus grossièrement. Goûtez-y. Vous serez savoureusement surpris.

D’autres étonnements vous attendent encore comme cette tomate au basilic… servie en dessert.  » La tomate est légèrement caramélisée, tout simplement, confie Massimiliano. Pour la glace au basilic, j’ai énormément travaillé pour l’alléger et en diminuer le nombre d’£ufs employés. Et si elle offre ce goût lacté, c’est que j’attends que l’appareil chauffé redescende à 50 °C avant d’incorporer la crème.  »

Et que dire de ses pâtes fraîches ? Pour les confectionner, au lieu des 30 ou 40 £ufs par kilo, Massimiliano n’en emploie que 6 ou 7. Le secret ? L’utilisation d’une excellente farine de blé dur qui, de surcroît, procure aux pâtes une consistance, une texture uniques.

A Le Calandre, on mange aussi avec les doigts. Le sandwich d’agneau, entre autres. Il est servi entre 2 tranches d’aubergines et accommodé de pesto, de tomates confites, de pâte d’olives noires. Le tout est pané puis doré à l’huile. Sur l’assiette, ce met inédit est accompagné d’une caponata, classique à la sicilienne et, modernité, d’une sorte de gélatine de concombre vert.  » Après le plat, le serveur apporte à table une serviette humide, délicatement parfumée avec de l’anis étoilé et du citron, confie Massimiliano. La grande cuisine est dans l’homme. C’est une communication avec Dieu. Pour moi, c’est le Dieu catholique. Mais chacun a sa propre religion.  »

Pendant ce temps, en salle, la musique signée Raffaele vous ravit avec de bons vieux jazz, surtout des morceaux chantés. Atmosphère…

Texte et photos :

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