Pour plaire aux femmes et satisfaire leur moindre désir de raffinement, les fabricants de matériel high-tech ne ménagent pas leur créativité. Avec aussi pour atout séduction le Web 2.0.

La féminisation de la planète high- tech est en marche… Appareils photo numériques, lecteurs MP3, GSM, laptops, consoles de jeux vidéo et GPS multiplient aujourd’hui couleurs, motifs et textures à la mode pour séduire un nombre croissant de femmes. Devenus objets de désir, ils adoptent aussi des lignes plus sexy que jamais, pour être dégainés avec volupté dans les soirées. Le walkman noir en forme de brique plastique se voit ainsi définitivement relégué au rayon antiquité. Une tendance qui passe bien évidemment par le Web 2.0.

Organisé chaque année en janvier, le Consumer Electronic Show (CES) de Las Vegas permet de prendre le pouls des technologies de demain. Si les geeks (fans de nouvelles technologies) y débattaient beaucoup de convergence entre téléphonie mobile, Internet et télévision, l’édition 2008 a également été marquée par la présentation de nombreuses nouveautés aux lignes audacieuses. Tandis que HP et MTV récompensaient João Oliveira, jeune Portugais de 20 ans auteur d’un motif pour PC portable intitulé  » L’Odyssée asiatique « , Microsoft organisait son Fashion PC Awards : un défilé de mode dans un salon plus habitué à voir ses allées arpentées par des nerds (passionnés par l’informatique) que par des fashion victims. Ce happening a dévoilé une série de laptops dessinés par une poignée de constructeurs particulièrement innovants en matière de design. Et, destiné à contrer indirectement l’avance indiscutable d’Apple en la matière, il a présenté, entre autres, des Vaio colorés de Sony et des portables sportifs d’Asus. Grand gagnant, le constructeur néerlandais Ego s’est distingué avec ses PC portables en forme de sac à main, émaillés de textures particulièrement originales en croco ou cuir…

L’ère des collaborations

Si les initiatives internes des constructeurs en matière de couleurs, de motifs et de design fleurissent en 2008, les collaborations entre marques techno et stylistes ou bijoutiers s’inscrivent comme la deuxième grande tendance du moment. Toujours orientée vers un public féminin, la démarche se profile davantage dans une optique orientée luxe. En téléphonie mobile, les couples formés pour le plus grand plaisir des fashionistas sont LG et Prada, Motorola et Dolce & Gabbana, Samsung et Armani. Rayon accessoires, d’illustres signatures habillent plus confidentiellement des objets numériques nomades. On épingle ainsi Delvaux et Samsung, Vuitton et iPod, Mandarina Duck et Sony. Delvaux lançait, il y a deux ans, une housse pour le téléphone ultraplat P300 de Samsung alors que Vuitton proposait un étui pour iPod. De son côté, Sony a choisi l’accessoiriste italien Mandarina Duck pour protéger ses PC portables Vaio.

Tendance bling-bling oblige, les célèbres cristaux Swarovski s’arrachent pour être posés par centaines sur des appareils electro. On ne compte plus les écrans PC (le LCD 22 pouces VX2255vmb de ViewSonic), iPod et autres consoles portables ( Nintendo DS et PSP) serties de touches étincelantes. Particulièrement prolifique en matière de high-tech décliné au féminin, Swarovski s’allie aussi avec Philips qui décline, via sa gamme Active Cristals, une dizaine d’accessoires allant du pendentif USB – en forme de cadenas ou de c£ur – aux écouteurs. Pour les plus fortunés, la même folie version vrais diamants déferle également avec des noms tels que Amosu, spécialisé dans l’habillage ultrasélect de GSM et lecteurs MP3. Avec un prix allant de 600 euros pour une oreillette bluetooth à… 60 000 euros pour un Blackberry Pearl (20 grammes d’or et 900 diamants). Exclusif et limité à 20 exemplaires dans le monde.

Cette évolution tendant vers des produits techno toujours plus orientés à la fois vers les femmes mais aussi vers le luxe va même jusqu’à modifier la structure interne d’entreprises traditionnelles telles que Philips. Depuis janvier dernier, en effet, la marque néerlandaise a ainsi fusionné ses divisions  » produits électroniques  » et  » électroménager  » en une nouvelle entité baptisée  » Consumer Lifestyle « , concrétisant ses démarches électro-féminines lancées depuis un an.  » Nous voulons davantage nous positionner comme une société de lifestyle que de technologie, s’enthousiasme Chris Baten, en charge de cette nouvelle division. Nous passons d’un produit techno à une expérience émotionnelle.  »

De plus, aujourd’hui, les femmes influencent grandement le processus d’achat. Aux Etats-Unis, 40 % des décisions passent ainsi par elles.  » On essaie d’aller plus loin que notre partenariat avec Swarovski, poursuit Chris Baten. Notre gamme de téléviseurs Ambilight vient ainsi de s’enrichir de l’ Aurea. Un produit où l’on se concentre plus sur le design que la techno, tout en sachant que ce dernier point n’a pas été négligé.  » L’Aurea n’est d’ailleurs que le premier d’une longue liste de nouveaux opus. Le  » Wireless Music Center «  – qui fait sa pub sur de nombreux blogs techno au féminin – en témoigne.  » La femme veut autre chose qu’un casque gris audio, martèle Chris Baten. La réflexion sur le design est donc présente avant le développement du produit, dans une phase beaucoup plus en amont que précédemment.  »

Des créations qui passent du rose à toutes les couleurs

Conscients que leurs produits high-tech touchent désormais un public de plus en plus large, les constructeurs s’adressent maintenant directement aux femmes. Un phénomène qui a débuté avec la  » rosification  » plutôt maladroite de nombreux appareils, destinés à plaire, avant tout, à celles que l’on surnomme, avec dérision plutôt que méchanceté,  » geekettes fashion-pétasses « . Certaines marques comme Garmin et son GPS Nüvi 250 rose en témoignent. Heureusement, ce stéréotype monochrome s’efface peu à peu avec la généralisation de la déclinaison d’appareils en plusieurs couleurs.

Des iconiques iPod Nano d’Apple aux Zen Stone de Creative, en forme de galets, en passant par le récent Walkman vidéo NWZ-A820 de Sony, les lecteurs MP3 se déclinent désormais systématiquement en de nombreux coloris. En photographie, on retiendra l’i8 de Samsung, l’IXUS 80IS de Canon et l’ Optio S12 de Pentax alors qu’en téléphonie mobile on épinglera le Z555i de Sony Ericsson… accompagné d’une trousse de maquillage. Quant à la gamme Prism de Nokia, elle vient de s’enrichir d’un 7900  » crystal «  conçu par la designer parisienne Frédérique Daubal.

Les femmes ne  » shoppent  » pas comme les hommes

Sony s’illustre également sur le marché des produits techno au féminin. Avec, toutefois, une vision s’étendant en aval de la chaîne de production.  » L’influence de la femme dans le processus d’achat techno est désormais acquise, souligne Ann Glorieus, attachée de presse chez Sony Belgium. Sony s’apprête donc à sortir au courant de cette année des appareils à l’ergonomie retravaillée… en plus d’être visuellement flatteurs et agréables au toucher. Mais il ne faut pas oublier que les femmes font leur shopping différemment des hommes. Les vendeurs devraient donc aussi savoir parler aux femmes, car leurs préoccupations sont différentes : elles se moquent du nombre de mégapixels et de watts et préfèrent plutôt parler écologie, esthétique ou intégration dans leur salon. « 

Et de fait, après avoir lancé des microboutiques spécialement dédiées aux femmes dans des departement store suisses, le géant japonais propose, depuis peu, en France, un site Web explicitement baptisé  » Sony Loves Women « . Soit un espace de vente en ligne présentant des produits et affichant des conseils… sous le prisme féminin.

Les femmes, enjeu majeur du blog marketing

L’intérêt des objets techno pour les femmes (et inversement) n’échappe pas au web 2.0. Un phénomène où l’internaute n’est plus un lecteur passif de pages Web mais se retrouve à la source de leur rédaction. De plus en plus rédigés par des femmes, les blogs en sont la manifestation la plus populaire. Lus, commentés et connectés à d’autres pages similaires souvent articulées autour d’un même centre d’intérêt, ils créent des réseaux sociaux. Soit des eldorados en matière de ciblage publicitaire pour créer un buzz autour d’un nouveau produit (électro ou non). D’autant que certaines blogueuses (les versions geekettes des célèbres Fanny’s Party, entre autres) se retrouvent même en IRL (In Real Life) autour d’un café pour essayer de nouveaux produits prêtés avec le sourire par un nombre croissant de marques en tout genre.

 » Depuis deux ans, les blogs féminins se multiplient, confirme Grégory Pouy, directeur général de Buzz Paradise, agence marketing (groupe Vanksen) spécialisée dans le bouche-à-oreille électronique (qui a déjà effectué des campagnes en Europe pour LG, Nokia, BenQ Siemens). Elles sont très en vue par les marques, car elles parlent beaucoup plus entre elles que les rédacteurs hommes. Les geekettes étaient en plein boom depuis un an, mais cela s’est calmé. La grande tendance du moment est plutôt de parler de cosmétique et de grandes marques de luxe.  » Et de fait, si les blogs de geekettes fashion-pétasses (tendance rose bonbon) ou garçon manqués – émaillent la toile (avec des pages semi  » pro  » telles que GamonGirls ou Girly Gadgets), les blogs de Cachemire & Soie, Garance Doré, Talonnette ou Fragola ont la cote.

Interrogés à ce sujet, de nombreux constructeurs avouent reléguer cette nouvelle arme marketing au deuxième plan d’autant que la Belgique ne propose pas de grands exemples en la matière. Grégory Pouy, lui, refuse néanmoins de parler d’effet de mode.  » On est dans une société de consommation de surchoix, avec un domaine du possible monstrueux, explique t-il. En parallèle, les entreprises vantent leurs produits avec une communication multisupports. Mais les consommateurs ne font plus du tout confiance à la publicité traditionnelle comme dans les années 1960. Ils achètent et jugent. Ce qui marche, du coup, c’est la recommandation. Buzz Paradise s’occupe donc de faire tester des produits à des bloggeurs et bloggeuses en vue. « 

Une arme à double tranchant dans la mesure où ces rédactrices trendsetteuses peuvent, évidemment, critiquer les produits offerts.  » Effectivement, conclut Grégory Pouy. Mais les marques sont au courant qu’il y a un risque. Nous testons par ailleurs les produits avant. On ne fait pas campagne de blog marketing pour des marques qui ont des problèmes.  » Le système peut toutefois montrer ses limites. En décembre dernier, le magazine Web collaboratif Ladiesroom. fr a vu ses rédactrices (mode, couple, famille…) bénévoles partir en grève. Pomme de discorde ? Ce magazine féminin  » à lire et à écrire « , crée par la société Heaven, avait malencontreusement  » omis  » de présenter sa vraie nature à ses lectrices. Soit une agence de communication.

Michi-Hiro Tamaï

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