Le handicap expliqué AUX PLUS JEUNES

L’intégration des mômes moins valides dans des structures ordinaires est devenue fréquente… Et tous les parents se doivent aujourd’hui de pouvoir faire comprendre à leurs kids ce qu’est la différence…et pourquoi elle est enrichissante. Témoignages de familles et conseils de spécialistes de la petite enfance.

« Je m’appelle August. Je ne me décrirai pas. Quoi que vous imaginiez, c’est sans doute pire.  » Auggie, comme le surnomment ses proches, n’a jamais été à l’école. La faute à sa déformation faciale qui suscite les plus dures remarques, au temps passé à l’hôpital pour tenter à coups d’opérations esthétiques de récupérer un semblant de visage humain, à sa peur, et peut-être encore plus à celle de ses parents, de se confronter au monde réel. Alors, lorsque ces derniers décident qu’il est temps d’arrêter les leçons à domicile et d’entrer dans un établissement scolaire tout ce qu’il y a de plus ordinaire, pour ce mouflet extraordinaire, c’est d’abord la panique. Au fil de son roman, Wonder, sorti en janvier dernier chez Pocket Jeunesse, l’auteure américaine R.J. Palacio raconte la vie de ce gamin dans sa nouvelle classe. Son amitié avec Jack et ses déboires avec Julian et sa mère qui veut le faire exclure de l’école, son goûter d’anniversaire au bowling boycotté par la moitié des invités et son excursion de deux jours qui se finit entre rire et drame… Petit à petit, on découvre le vrai August, celui qui se cache derrière cette figure étrange et qui n’est finalement qu’un lardon comme les autres.

Avec tact et humour, ce bouquin aborde ainsi un sujet de société qui, ces dernières années, a gagné en importance : l’insertion des  » enfants en situation de handicap  » – le terme le plus juste selon les experts pour désigner l’ensemble des pathologies physiques et mentales – dans l’enseignement ou l’extrascolaire  » classiques « .  » Les façons de penser ont évolué et aujourd’hui on privilégie davantage la scolarité en intégration sous toutes ses formes, observe Alice Baudine, administratrice générale de l’Agence wallonne pour l’intégration des personnes handicapées (AWIPH). En 2011, via un décret, ce sont plus de 1 400 kids et ados en situation de handicap qui ont pu en bénéficier avec le soutien d’un personnel spécialisé.  » Et ce sans compter toutes les familles qui ne passent pas par ces aides et s’arrangent naturellement avec les directeurs d’écoles.

Les raisons de cette évolution ? D’abord une convention de l’ONU sur le droit des personnes moins valides, ratifiée en 2009 par la Belgique et qui stipule qu’elles doivent  » jouir pleinement de tous les droits de l’homme et de toutes les libertés fondamentales « , y compris bien sûr l’éducation. Par ailleurs, progressivement, la notion même a évolué :  » Les personnes handicapées ne sont plus considérées comme des malades, précise Alice Baudine. On reconnaît qu’elles ont des compétences avant tout. Et cela change le regard de la société sur elles.  »

DÉMARCHE VITALE

Et quand on connaît les bienfaits que peut apporter la fréquentation de kids  » ordinaires « , on ne peut que se réjouir.  » La participation de Maxime à un stage de cirque organisé pour tous par le Partenariat Marconi à Bruxelles nous a réellement sauvés, se souvient la maman de ce petit garçon de 10 ans, handicapé à plus de 66 %, avec tendance autistique. Quand on est dans notre situation, on finit par prendre l’habitude de rencontrer obstacle sur obstacle. C’était notre dernier espoir, si cela échouait, ça voulait dire qu’il nécessiterait toujours un encadrement spécialisé et ne pourrait jamais  » être tiré vers le haut « . Lorsqu’à la fin de la première journée les animateurs m’ont dit que tout se passait bien, j’ai ressenti beaucoup de bonheur. Depuis, on sait que notre fils est capable de s’épanouir dans un groupe et on ose à nouveau aller chez des amis, organiser des fêtes de famille où il y aura des gens de son âge, l’emmener faire des courses.  » Même son de cloche pour la mère de Jules, devenu aveugle suite à un cancer à l’âge de 4 ans.  » Nous avons réussi à le faire intégrer dans une école à Nalinnes et aux Louveteaux de Morialmé grâce à l’encadrement de l’OEuvre nationale des Aveugles et c’est très positif pour Jules, qui y a plein d’amis. Certes, il y a parfois des remarques déplaisantes, certains refusent de s’asseoir à côté de lui, etc. Mais il doit aussi apprendre à se constituer une carapace pour la suite de sa vie et cette confrontation le lui permet.  » Et sa chef de meute, Elisabeth Fauchet, de confirmer cette réussite :  » Jules participe à tout. Si on joue au foot, un copain reste près de lui et chacun le laisse tirer de temps en temps. On fait aussi parfois des jeux yeux bandés où il est évidemment très fort…  »

Dans toutes ces démarches visant à partager des activités communes, le plus important est d’abord la préparation.  » Avant le stage, nous avions communiqué toutes les spécificités de Maxime au Badje (NDLR : une fédération bruxelloise qui s’occupe notamment d’encadrer l’adaptation de ces juniors dans les associations de loisirs extrascolaires, un domaine dans lequel il y a encore énormément à faire pour offrir suffisamment de places d’accueil) et un accompagnateur de chez eux était sur place, durant toute la semaine, détaille la maman du petit autiste. Le premier jour, il a été expliqué au groupe que Maxime aimait les canards, le rose… et pouvait avoir des comportements inattendus. Dès lors, s’il criait  » cacacacacaca  » les autres savaient qu’il voulait aller voir les canards et l’accompagnaient. Par ailleurs, ils ne s’habillaient pas en rose pour éviter que mon fils se précipite sur eux. Il est devenu la mascotte du groupe.  » Chez Badje, on insiste beaucoup sur ce travail indispensable en amont.  » C’est assez humain d’avoir dans un premier temps peur de cette différence, quand on n’y a jamais été confronté. C’est pourquoi, pour chaque intégration que nous supervisons, nous réalisons, avec les parents, une fiche type qui décrit au mieux leur rejeton et nous aidons le milieu d’accueil à préparer le programme en tenant compte du nouveau venu « , note Marie Vancappellen, la coordinatrice pédagogique.

Finalement, reste alors le regard que peuvent porter les mouflets sur leur camarade  » hors normes « …  » La réaction est différente en fonction de l’âge, insiste Nathalie Nader, professeur et chercheur en psychologie à l’UCL. Dès 18 mois, un bambin qui voit un copain confronté à un problème quelconque ressent de l’empathie. En maternelle, les mômes sont spontanés par rapport à l’un des leurs en situation de vulnérabilité. Ils ont envie de jouer, d’aider… C’est seulement en primaire et secondaire que se manifestent des réactions de rejet, de stigmatisation et de pitié car c’est à cette période de la vie que l’on prête davantage attention à son apparence et que naît aussi une certaine compétition.  »

DE GRANDS IGNORANTS

Le discours à adopter par les animateurs, mais peut-être encore plus les parents, qui ont une lourde responsabilité dans la façon dont leur enfant réagit en société, est également crucial. Et en la matière, l’exemple ne vient pas toujours des adultes !  » Le handicap isole et fait le tri dans les amis. Certains nous jugent parce que notre fils a des comportements étranges, comme si c’était dû à une mauvaise éducation « , décrit la mère de Maxime. Pour la maman de Jules,  » les plus jeunes sont cool généralement, ils posent des questions sans arrière-pensées. Il y a des adultes par contre qui sont complètement idiots. Il y a peu, nous en avons croisé un qui a interpellé sa copine :  » Regarde, toi qui aimes les choses tristes, il y a un aveugle juste là !  » Ils avaient oublié un détail : Jules n’est pas sourd !  » A tous donc, grands et petits, de faire un pas pour que chacun puisse prendre toute la place qu’il mérite dans notre société.

PAR FANNY BOUVRY

 » LES PERSONNES HANDICAPÉES NE SONT PLUS CONSIDÉRÉES COMME DES MALADES. ON RECONNAÎT QU’ELLES ONT DES COMPÉTENCES AVANT TOUT.  »

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