Le jardin des délices

Sur les coteaux de la Meuse, un amoureux de la terre a construit de ses mains l’univers de son jardin. Balade dans un domaine au charme intemporel.

 » Lorsque l’on me demande quelle profession j’exerce, je réponds jardinier, affirme d’emblée Marc Tellier. C’est d’ailleurs le métier que j’ai étudié à Mariemont avant de faire une spécialisation en plantes tropicales à Ath « . Aujourd’hui, à l’âge où d’autres aspirent au repos, Marc Tellier continue à créer et à imaginer des jardins, aidé de ses deux fils, Yvan, jardinier comme lui, et Laurent, paysagiste.

C’est dans son jardin que s’exprime le mieux son tempérament d’homme de la terre. Il y respecte en effet la tradition du métier de jardinier qui veut que l’on puisse à la fois tailler un arbre, creuser une pièce d’eau ou encore bâtir une seconde résidence, une folie comme on se plaisait à l’appeler jadis. Plus qu’il n’exprime le savoir-faire du professionnel, le petit monde de Marc Tellier respire surtout un art de bien vivre.

Placée en surplomb de la route et en plein sud, la maison ne comportait pas de terrasse. Pour préserver l’intimité de la famille, Marc Tellier décida de planter une haie de hêtre et, au milieu des dalles en pierre bleue, un orme pleureur.  » Il a l’avantage de donner de l’ombre tout en ne se développant pas trop, ce qui n’est pas le cas du hêtre pleureur « , précise-t-il. Et contre le mur,  » Etoile de Hollande « , un grand rosier grimpant rouge écarlate, déborde de vivacité.

D’année en année, les aménagements contribuent à créer l’atmosphère.  » J’avais envie d’une terrasse plus discrète encore, plus grande et moins chaude, explique le jardinier. Nous voulions tout simplement disposer d’un coin barbecue. A droite de la maison, j’ai redressé et surélevé le terrain qui était plutôt pentu à l’origine. Nous avons ensuite creusé la pièce d’eau qui mesure 5 mètres de diamètre pour une profondeur de 1 mètre. Pour construire la margelle, j’ai utilisé d’anciennes bordures de route en pierre de taille que j’avais repérées dans un ancien remblai marécageux. Mais une pièce d’eau seule ne suffit pas à créer un cadre agréable. Pour assurer un peu d’ombre, nous avons planté un grand Catalpa bignonioides  » Aurea  » au feuillage doré. Un peu plus loin, nous avons palissé un immense rosier grimpant Rosa  » Kiftsgate  » sur une gloriette qui procure elle aussi de l’ombre. On retrouve du feuillage doré chez les Origanum vulgare  » Aureum  » taillés en boules et placés dans des pots répartis autour de la margelle de la pièce d’eau. La végétation qui pousse dans celle-ci est propre à nos contrées: une grande touffe d’Iris des marais et un nénuphar dont les pieds mères furent prélevés dans la Semois.

Mais les grands travaux ne font pas peur à Marc Tellier. Pour preuve, le pigeonnier qu’il a magnifiquement intégré aux constructions existantes. Il a réalisé ce rêve de jeunesse sans plan et sans idée préconçue, tout simplement par amour de la pierre de taille.  » J’avais envisagé de placer la double allée de buis dans l’axe du porche du pigeonnier, se rappelle le jardinier. Mais mon fils paysagiste a eu une meilleure idée. Il a pensé à les disposer tout simplement dans la pelouse, en prolongement de notre bureau de dessin. Ils ont 40 ans et je les taille à main levée, sans gabarit. Un oeil observateur décélera immédiatement cette petite différence qui fait tout leur charme. « 

Outre deux vieux arbres fruitiers dont les pommes se conservent tout l’hiver ou servent à fabriquer du cidre, le jardin d’agrément contient aussi une réserve de buis, pour la plupart du Buxus sempervirens.  » Depuis toujours, nous utilisons le buis dans nos jardins, sans toutefois succomber à cette « buxomanie » qui voudrait qu’on en mette partout, précise Marc Tellier. Prévoyant, j’ai toujours une réserve de plantes déjà âgées que je taille en forme de pyramides ou de cônes « .

Mais il est un coin du jardin que le maître des lieux chérit plus que d’autres : le potager. Plutôt dépouillé, c’est la simplicité même de ses lignes d’herbes et de légumes, parfois mêlées à quelques fleurs, qui fait toute sa beauté.  » Je n’imagine pas un jardinier aller au marché, plaisante Marc Tellier. Je ne suis pas à 100 % en faveur de la tendance bio mais je peux cependant vous assurer que les semences sont les seules éléments étrangers qui entrent dans ce potager. Il est fertilisé avec du compost maison et ce sont mes doigts qui écrasent les chenilles. Lorsque je n’arrive pas à juguler une invasion d’insectes, j’utilise tout bonnement du pyrèthre, un pesticide naturel. » L’assortiment de légumes est classique et va du petit pois au chou en passant par la scarole, la salade préférée du propriétaire. D’ailleurs, dès que l’heure de la retraite aura sonné, il agrandira son potager pour s’offrir le petit luxe supplémentaire que représentent les légumes rares et oubliés.  » Rien ne remplace un légume que vous cueillez le matin, à la fraîche « , martèle Marc Tellier.

Texte et photos : Jean-Pierre Gabriel

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