Certaines lectures sont une vraie révélation. Des écrivains, des penseurs, des artistes nous dévoilent la leur et rendent ainsi hommage aux ouvrages qui ont accompagné les grandes étapes de leur existence. Et souvent de la nôtre.

AMÉLIE NOTHOMB Lettres à un jeune poète, par Rainer Maria Rilke

 » Je l’ai lu à 17 ans. Il s’interroge sur la question de l’écriture, d’une façon originale. Un jeune poète adresse une lettre au célèbre écrivain allemand Rilke, et lui demande son avis sur ses écrits. Celui-ci refuse de lui dire ce qu’il en pense, et répond par une question : l’écriture est-elle pour vous indispensable ? Si ce n’est pas le cas, souligne-t-il, mieux vaut y mettre un terme. Mais si vous ne pouvez vivre sans, continuez dans cette voie et le talent suivra. A la suite de cette lecture, je me suis sentie autorisée à écrire. « 

MATTHIEU RICARD Au coeur de la compassion, par Dilgo Khyentsé Rinpoché

 » Ce livre regroupe les enseignements de l’un de mes maîtres spirituels et couvre les aspects de l’amour altruiste (le souhait que tous les êtres soient heureux) et de la compassion (l’envie que nous soyons tous libérés de la souffrance). Cet ouvrage écrit en tibétain (je l’ai traduit en français) m’a fait prendre conscience que l’altruisme est lié à la sagesse, à la connaissance et à l’interdépendance des êtres. Il m’a obligé à m’ouvrir à autrui. Il m’inspire chaque jour.  »

LUCE L’Amant, par Marguerite Duras

 » Je l’ai dévoré lorsque j’étais au lycée. Je ne pensais pas, à ce moment-là, qu’un livre puisse tant bouleverser mon rapport à la lecture. J’ai été touchée par son rythme saccadé et ces phrases courtes qui décrivent le sentiment amoureux. Même si cette écriture était nouvelle pour moi, je l’ai comprise naturellement. C’est un livre que je relis de temps à autre, car je m’y retrouve. Quelque chose m’y parlait trop pour qu’il soit écrit par un homme. Son style est imprégné d’une forte sensibilité féminine. « 

FRÉDÉRIC BEIGBEDER Women, par Charles Bukowski

 » A 18 ans, j’étais très intimidé par le roman et plaçais la littérature sur un piédestal. Women m’a donné l’impression que je pouvais être un écrivain. Cela ne signifie pas que c’est un livre simple. L’auteur prend une telle liberté, et fait preuve de tant de sincérité et de drôlerie ! Il parle de choses que je connaissais bien à l’époque, telles que l’alcool et la fête. J’ai eu l’impression d’entendre une voix qui ne m’intimidait pas. Les livres sont des modes d’emploi qui nous apprennent à vivre. « 

ANNIE ERNAUX Le Deuxième Sexe, par Simone de Beauvoir

 » Quand je l’ai découvert, à l’âge de 18 ans, j’étais à la fois perdue et heureuse. J’ai eu une sorte de révélation, qui peut s’apparenter à celle des mystiques. Tout ce que j’avais vécu était à réexaminer. Devant moi, une autre vie se préparait, celle d’une femme qui a conscience de tous les obstacles qui se dressent devant elle. Un livre qui change une vie est un cadeau. Et Le Deuxième Sexe a été pour moi une image de liberté. « 

JEAN TEULÉ L’Ecume des jours, par Boris Vian

 » Adolescent, je m’ennuyais terriblement en classe. Certains professeurs, très conventionnels, me donnaient envie de bâiller. Et, un jour, j’ai lu ce classique, qui m’a décoiffé. Il m’a fait l’effet d’une porte qui s’ouvre. Enfin, de l’air ! Grâce à ce livre, je me suis d’abord dirigé vers la BD, puis vers le roman. Je garde toujours en moi la rémanence de ce merveilleux ouvrage. Il m’a sauvé la vie, et m’a fait naître. « 

ERIK ORSENNA Les Trois Mousquetaires, par Alexandre Dumas

 » En découvrant la devise des mousquetaires, « Un pour tous, tous pour un ! », j’ai pris conscience que l’amitié serait la force et le sel de ma vie. Ce roman m’a convaincu que l’aventure était possible, que le risque était une noblesse et que la précaution n’était pas un principe à suivre. Il m’a aussi démontré que les reines, les vraies (et non les premières dames) étaient fragiles. Bref, autant de leçons qui ont agrandi ma vie. Vive Dumas ! « 

BORIS CYRULNIK J’ai mal à ma mère, par Michel Lemay

 » Il est des livres peu connus qui changent la vie. Ce psychiatre québécois m’a initié à d’autres façons de raisonner que la psychanalyse, en s’intéressant à de multiples disciplines. Dans cet ouvrage, il développe la théorie de l’attachement. La lecture est une porte d’entrée vers le monde mental de l’auteur. Même si le livre est imprimé à des milliers d’exemplaires, il établit une relation intime entre l’écrivain et ses lecteurs.  »

DAVID FOENKINOS Les Démons, par Fiodor Dostoïevski

 » A l’âge de 16 ans, je suis tombé gravement malade et je me suis plongé dans cet ouvrage. C’est la première fois qu’un livre a produit chez moi une réaction physique. J’avais l’impression de ressentir les personnages, la fièvre russe. Je suis même parti en Russie et j’ai voulu apprendre la langue. Dans ma vie d’écrivain, il y a eu un avant et un après Dostoïevski. Ce livre a laissé son empreinte sur mes premiers romans. Dès lors, j’ai commencé à me mettre à écrire de manière obsessionnelle. « 

FRANÇOIS BUSNEL Cyrano de Bergerac, par Edmond Rostand

 » Quand j’avais 17 ans, ce livre a changé mon existence. Sa vision de l’amour était aux antipodes des sucreries romantiques de l’adolescence et des drames que l’on s’impose à chaque rupture, à l’âge adulte. Il m’a fait comprendre qu’il n’est pas nécessaire de faire des compromis, à condition d’être prêt à en payer le prix. « Mais on ne se bat pas dans l’espoir du succès ! Non ! non, c’est bien plus beau lorsque c’est inutile ! » Cette tirade de fin est la plus grande leçon de vie que je connaisse. « 

OLIVIER ADAM Une année sous silence, par Jean-Paul Dubois

 » Je commençais déjà à écrire de mon côté et, en lisant ce livre, je me suis laissé aller à une certaine noirceur, à mettre en scène des antihéros – ce qui me semblait interdit par la littérature. Quand j’ai envoyé mes premiers manuscrits à des maisons d’édition, et que je ne recevais pas de réponse, j’ai adressé une copie à Jean-Paul Dubois. Il m’a encouragé à continuer. Son livre a donc changé mon chemin d’écriture et m’a donné la force de passer les « années pauvres », jusqu’à la publication. « 

EMMANUEL CARRÈRE Les Misérables, par Victor Hugo

 » Ce roman a été la révélation absolue de ce que pouvait être la littérature. Je l’ai d’abord lu adolescent : je me suis alors diverti en dessinant les personnages. Puis, pendant un temps, j’ai eu un dédain amusé vis-à-vis de ce livre, que je trouvais naïf. Mais, en le relisant quelques années plus tard, j’ai été sidéré d’admiration : hardiesse, générosité, sens de l’absurde, mauvais goût… Tout y est. Pour moi, c’est l’un des plus grands romans du monde. Ce livre emporte tout. Il est grandiose. « 

PAR REBECCA BENHAMOU

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