Comment résister à la tentation des marrons glacés ! Cette gourmandise ancestrale n’est-elle pas synonyme de fête ? Décryptage de la confiserie de fin d’année, en 10 questions.

C’est l’un des derniers produits saisonniers que l’on ne trouve pas toute l’année. Manger des cerises en novembre ou des huîtres en juillet ? Pas de problème. Croquer du marron glacé en plein été ? Quelle idée !  » Rien de plus facile, pourtant, assure Frédéric Jullien, PDG de la maison Pellorce & Jullien (spécialiste de la transformation de fruits depuis la fin du xixe siècle), à Massy, dans la banlieue sud de Paris. La plupart de ceux vendus pendant les fêtes ont été appertisés l’année précédente. Seul le glaçage est frais…  » Mais marron glacé rime avec fêtes de fin d’année et on n’y changera rien…

Qui a inventé le marron glacé ?

Certains disent que c’est un confiseur de Louis XIV, d’autres pensent qu’il est arrivé de Coni, une ville du Piémont, dans les bagages de Catherine de Médicis. Les Lyonnais, enfin, affirment qu’il est né chez eux, au xvie siècle, grâce à la conjonction d’un nombre abondant de fruits et l’arrivée du sucre en France. A l’époque, il n’était pas encore glacé, seulement confit, ainsi d’ailleurs qu’on le préfère toujours dans la région. C’est le dénommé Clément Faugier, un ingénieur ardéchois, qui, à la fin du xixe siècle, a mis au point l’industrialisation et le glaçage. C’est lui qui a eu l’idée de réunir les marrons trois par trois dans un film de tulle pour empêcher qu’ils ne se brisent, lui aussi qui a découvert qu’un emballage individuel réduisait les pertes, lui enfin qui a pensé à récupérer les ultimes brisures pour en faire de la crème. Pas mal !

Marrons, châtaignes, quelle différence ?

Aucune. Fruits du même arbre – le châtaignier – nés de la même bogue, ils ne se distinguent que parce que le premier se développe tout seul, là où l’autre se cloisonne en deux ou trois éléments de tailles différentes. Le marron est donc plus gros et le sucre s’y répartit mieux.

La taille, c’est important ?

Un bon marron doit peser au moins 22 grammes. En deçà, si l’on fait abstraction des caractéristiques de sa variété, c’est qu’il n’est pas mûr, sans beaucoup d’arôme ni de moelleux. Mais, trop gros, il ne vaut pas mieux : contenant trop de farine, il devient pâteux. Les bonnes maisons choisissent leurs marrons un à un, en vérifiant qu’ils ne sont ni piqués ni tachés, et de bonne taille. Chez Pellorce & Jullien, l’acheteur en retient à peine 1 sur 10.

Quelle est la meilleure provenance ?

Sans conteste, les meilleurs marrons proviennent de la région de Turin. Ils contiennent un moindre taux de farine et offrent une saveur de châtaigne plus prononcée. Les napolitains, gros fruits ronds un peu moins chers, sont également très bons. Les Italiens ont su entretenir et exploiter leurs châtaigneraies bien mieux qu’on ne l’a fait en France. En Ardèche, les plantations ont été presque toutes abandonnées et on n’y récolte plus que de petits fruits en petites quantités. L’obtention récente d’une AOC va peut-être arranger les choses. Quant à l’espèce chinoise, elle n’absorbe pas bien le sucre.

Si les fruits en provenance d’Italie sont les meilleurs, la confiserie aussi ?

Les Italiens pratiquent une production industrielle dans laquelle, de l’avis des amateurs, la qualité du goût n’a que peu de place. En France, en revanche, le savoir-faire est excellent. Après épluchage, les marrons sont cuits dans une eau à moins de 100 °C (pour éviter l’éclatement) pendant plusieurs heures. Etape cruciale : trop cuit, ça devient cotonneux ; pas assez, c’est trop croquant. Puis on confit dans un bain entre 60 et 75 % de sucre, glucose et vanille. L’opération dure plusieurs jours, dans des solutions de plus en plus concentrées. Puis, soit on glace, soit on stocke dans un sirop saturé de sucre mais dont les marrons n’absorberont plus une goutte, soit on met en conserve et on pasteurise pendant nonante minutes. Cette cuisson supplémentaire n’est pas idéale, mais permet aux pâtissiers de quartier de mettre leur signature sur le produit final qu’ils n’ont plus qu’à égoutter et à laquer.

Comment s’y retrouver et bien choisir ?

Le turin est facile à reconnaître par sa forme légèrement allongée. Il faut le casser en deux : la séparation doit être nette et on doit voir une goutte de sirop presque liquide à l’intérieur, sans qu’elle s’étire façon chewing-gum. Mais il ne faut pas non plus que ça soit sec (dans ce cas, la chair blanchit), signe que le marron n’est plus très frais. Enfin, il faut que le glaçage soit tout léger, surtout pas une coque de sucre qui envahit la bouche. Les marrons glacés étant souvent aussi vendus à la pièce, l’idéal est d’en goûter un avant d’en acheter plusieurs. Sinon, mieux vaut choisir une confiserie à gros débit. Au moins, on est sûr que la marchandise ne dort pas en vitrine depuis des mois.

Ça se garde combien de temps, un marron glacé ?

Idéalement, il doit être mangé dans le mois de sa fabrication. Mais, au froid et au sec, il se gardera environ deux mois. Dans le cas où il est acheté en grande surface, attention à la date limite de consommation : si elle est supérieure à trois mois, le goût sera anéanti par le sucre utilisé en excès pour une meilleure conservation.

Que penser des variantes, brisures, crème, etc. ?

Les brisures, pour peu qu’elles proviennent d’un bon fabricant, sont intéressantes puisqu’elles coûtent moitié moins cher. Vendues en vrac, elles se conservent encore moins longtemps, mais ont rigoureusement le même goût que les marrons entiers. Les marrons confits en bocal, assez rares, peuvent également être très bons. La pâte est un produit plus professionnel avec lequel on fait des gâteaux genre montblanc, la recette vedette du célèbre salon de thé Angelina, à Paris. Quant à la crème, c’est une institution plutôt de bonne tenue, sans conservateurs ni additifs.

Peut-on l’utiliser en cuisine ?

Certains chefs français n’y manquent pas : Régis Marcon (Le Clos des Cimes), par exemple, en fait de sublimes entremets, Alain Dutournier (Carré des Feuillants) le marie à la truffe blanche et aux épices, Jérôme Chaucesse, le chef pâtissier du très chic hôtel de Crillon, à Paris, l’associe à une compotée de mandarine. Des idées ? En entrée, quelques miettes sur un carpaccio de Saint-Jacques avec une huile de noisette. En plat, avec un rôti de porc braisé, ail et cinq épices. En dessert, mélangé à des cubes de mangue. Les marrons confits ou les brisures sont parfaits pour cet usage

Quid des innovations ?

 » Nous avons tenté, raconte Frédéric Jullien, de faire des marrons sucrés à seulement 40 %. Résultat ? Sublime ! Hélas, ça fermentait au bout de trois jours. Pour l’instant, on a abandonné l’idée, mais qui sait…  » Christophe Sabaton, dont la maison est centenaire, et qui est l’un des rares à travailler les variétés d’Ardèche, s’intéresse lui au marron bio. Moins sucré, non vanillé, il ne se conserve que quinze jours. Pas grave : la boîte est vide en une heure !

Carnet d’adresses en page 126.

Maïté Turonnet

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