Assagi par la crise, le secteur de la maison persiste dans l’épure et la remise au goût du jour des valeurs sûres. Même le luxe extrême s’affiche sans tapage. Le design se plaît dans l’âge de raison.

A

comme à la carte. Qu’il s’agisse de sofa ou de bibliothèque, le designer ne propose plus un modèle unique mais un jeu de construction. Les combinaisons de formes, de couleurs même parfois, sont quasi infinies. C’est le cas notamment des dispositifs de rangement Burkina Faso de Giulio Cappellini pour Cappellini ou des modules multiusages Adhoc de Bruno Fattorini and Partners pour Zanotta, aussi à l’aise au salon dans le rôle du meuble télé que dans celui d’une commode ou d’une table de chevet dans la chambre à coucher. Chez Molteni, le système de rangement Fortepiano imaginé par Rodolfo Dordoni (photo) peut se poser aussi bien à la verticale qu’à l’horizontale.

B

comme Belgium is the buzz. Un lieu unique, super bien situé, dans le quartier de Brera. Une scénographie efficace signée Stefan Schöning, mettant en valeur le travail des designers des trois Régions du pays. Un dossier de presse en forme de… frite et une sélection de très grande qualité. Tous les ingrédients étaient réunis pour faire de l’exposition Belgium is Design un lieu de passage obligé pour les visiteurs du Salon. Le jeudi 14 avril, lors de la désormais traditionnelle  » soirée du design belge « , les organisateurs ont même dû refouler du monde ! La Cat-Library (1.) félin friendly – un petit  » escalier  » permet au chat de la maison de grimper jusqu’à son panier posé au sommet -, du Bruxellois Corentin Dombrecht a fait sensation. Repérée aussi, la série Daysign (2.) du duo gantois Studio Simple : un meuble créé quotidiennement selon les besoins, en limitant au maximum l’empreinte écologique du produit.

C comme chaise. Ce sont les designers eux-mêmes qui le disent : réussir à éditer une chaise – fonctionnelle, de préférence empilable et pas trop chère – est le signe que l’on a réussi dans le métier. Un art dans lequel excelle Jasper Morrison qui se retrouve sans surprise dans notre top 3 de l’année avec son modèle Bac One pour Cappellini. Pliable et ultracompacte, la Piana de David Chipperfield pour Alessi ne pèse même pas 5 kilos et est 100 % recyclable. Avec Jill (photo), Alfredo Häberli, inspiré par le travail de Ray et Charles Eames, signe un élégant classique, totalement en phase avec les produits historiques du catalogue de Vitra.

D

comme design for beginners. Cela fait près de vingt ans qu’Alessi collabore étroitement avec des universités. Cette année, Alberto himself s’est chargé du briefing des étudiants de 2e Bachelor, à l’ECAL (École cantonale d’art de Lausanne) : concevoir un article de bureau qui  » soit Alessi  » sans qu’il doive pour autant être réalisé en métal comme la plupart des produits de l’éditeur italien. Le résultat est plutôt sympa. D’ailleurs, une partie des produits sera bientôt intégrée au catalogue de la maison.

E

comme émotion. Apparu pour la première fois sur la couverture du magazine Domus en juillet 1941, le Veliero – ce qui signifie voilier en italien – avait été conçu pour être le point central de la salle de séjour de l’architecte Franco Albini et il y resta un peu plus de vingt ans avant de voler en éclat dans les années 60. Cela faisait donc plus de quarante ans que seul son souvenir persistait dans la mémoire des design addicts jusqu’à ce que Cassina décide d’insérer cette incroyable bibliothèque dans la collection I Maestri. Des ingénieurs du génie civil et naval ont étudié sa structure pendant près de trois ans. Impossible de ne pas être ému devant cette merveille, aujourd’hui ressuscitée.

F

comme fluo. Cette année, c’est comme si un petit comique s’était amusé à stabilobosser les collections : la table Flamboyant d’Alessandro Dubini pour Skitsch, les vases Ikebana d’Edward Robinson pour Petite Friture et même la table Shadow de Vincent Van Duysen pour De Padova (photo). D’ailleurs, avant même l’ouverture officielle du Salon, Tom Dixon donnait le ton en distribuant aux journalistes des sacs orange flashy. Pour les autres, comptez 20 euros.

G

comme glitter. À contre-courant du style épuré de mise chez la plupart des éditeurs, le styliste français Christian Lacroix a imaginé pour Sicis Next Art une collection de meubles d’inspiration byzantine tout en couleurs et en strass. Un ovni précurseur ? Ou un one shot déjà over ?

H

comme heracleum. Mieux connue sous le nom de berce commune, cette reine des fossés avait déjà inspiré Majorelle. Pour Moooi – qui fêtait cette année ses 10 ans – et sous l’impulsion du Néerlandais Bertjan Pot, elle prend la forme d’une suspension LED, fine et délicate. Un bel objet.

I

comme installation conceptuelle. En regroupant le temps d’une exposition tous les résidus architecturaux et scénographiques utilisés lors des défilés Prada depuis dix-huit ans et conservés par la créatrice italienne, le collectif belge Rotor nous force à nous interroger sur ces objets que nous gardons sans plus en avoir d’usage. Comme Miuccia Prada, incapable de se défaire de ces morceaux de bois, de ces blocs de polyéthylène, de ces plaques de métal peintes en rose, vestiges de la splendeur des shows du passé. Les conserve-t-elle en souvenir d’un moment précieux qu’elle ne veut pas oublier ? Ou plus pragmatiquement pour constituer un  » héritage  » dans lequel, d’ici à quelques années, la marque pourra puiser ? Car dans la mode, tout se recycle. Surtout les idées.

Ex limbo, Fondazione Prada, à Milan, jusqu’au 5 juin prochain.

J

comme Jaime 2.0. Totalement Fritz Hansen mais aussi 100 % Hayon, le sofa Favn présenté par le créateur espagnol est l’exemple même d’un mariage réussi entre deux styles qu’à tort on aurait pu opposer. Jaime Hayon ne se renie pas, sa patte est bel et bien présente. Mais son design, épuré, a mûri. Compact et cohérent par rapport aux autres modèles de la marque, ce canapé disponible dans dix coloris différents a toutes les chances de devenir une icône.

K

comme Karimoku New Standard. La toute jeune branche design de l’éditeur traditionnel japonais Karimoku a décidé d’emblée de travailler avec des designers européens. Parmi eux, les Belges Sylvain Willenz (2.) et Elric Petit via le collectif Big-Game (1.). C’est ce croisement des regards et des savoir-faire qui fait tout le charme et l’intérêt de ces meubles justes, élégants, que l’on a envie d’inviter chez soi. Un coup de c£ur, assurément.

L

comme liège. Durable, malléable, bon à presque tout faire et en plus complètement naturel, le liège made in Portugal serait-il le nouveau bambou ? La toute jeune société Materia a demandé à une dizaine de créateurs internationaux – Inga Sempé (1.), Big-Game (2.), Nendo (3.), Raw Edges entre autres… – de s’approprier ce matériau à l’image jusqu’ici plutôt vieillotte. Résultat plus que concluant.

M comme moelleux. À l’image des fauteuils Husk (1.) de Patricia Urquiola pour B&B Italia dans lesquels on a envie de s’enfoncer comme dans une bulle de douceur. Des capitons, la créatrice espagnole en met partout : chez Kartell, au sens propre, avec le canapé Foliage, et au sens figuré, avec ces vases Matelasse que l’on dirait rembourrés. Chez Moroso, elle propose un recouvrement tressé pour son sofa Gentry. Et chez Edra, même le siège Grinza (2.) des frères Campana donne l’impression d’être habillé en peau de Shar Pei !

N

comme Nathalie Dewez. La créatrice bruxelloise s’est vu décerner le prix du design Pierre Bergé et associés. Doté de 5 000 euros, il récompense le travail de l’un des participants aux cinq premières sélections de 101 % Designed in Brussels. Sa lampe Balance, présentée en septembre 2010 à Londres, vient d’être éditée par le Britannique Established & Sons.

O

comme outdoor. Plus que jamais, un marché en pleine expansion dans lequel s’engouffrent aussi les marques qui jusque-là n’avaient jamais mis un pied au jardin. Cassina propose désormais des versions d’extérieur de ses modèles cultes LC1, LC3 (1.), LC7, LC8 et LC10. Même le fabricant espagnol Nanimarquina édite des déclinaisons waterproof de ses tapis (2.).

P

comme punching-ball. Avec la crise, les designers semblaient s’être assagis, les objets monumentaux – hors de prix – laissant place aux classiques – hors de prix eux aussi sous des dehors plus sages. Seul Philippe Starck persiste et signe avec ce lustre parapluie en cristal de Baccarat contrebalancé par un punching-ball en cuir camel. Une édition limitée à 100 exemplaires que l’on retrouvera sans doute dans l’un des nouveaux hôtels du king indétrôné de la provoc’.

Q

comme question de bon sens. C’est ce qui vient toujours à l’esprit lorsque l’on regarde de près les créations d’Inga Sempé. La preuve avec cette mini-étagère, qu’elle a, avec humour, appelée Balcon, présentée par l’éditeur parisien Moustache. Une bonne idée. Et derrière, des heures de réflexion, des tas d’essais pour réussir à fabriquer l’objet, en France, à un prix plancher. Du design, en somme.

R

comme rétro. Encore et toujours, les grandes maisons jouent la carte bankable de leurs archives. L’iconique chaise Proust d’Alessandro Mendini est aujourd’hui disponible en version plastique moulé, chez Magis. Les nouveautés ont un petit côté sixties. Le design ne semble pas près de sortir de l’ère Mad Men.

S

comme style scandinave. On le retrouve partout. Dans les catalogues des éditeurs nordiques bien sûr, revisité parfois par des créateurs internationaux. Pour le Suédois Swedese, la Bruxelloise Marina Bautier propose cette année une extension de sa gamme Cruiser. Chez le Danois Georg Jensen, la nouvelle ligne d’articles de la table de la collection Masterpieces est signée par le Suisse d’origine argentine Alfredo Häberli (1.). Pour Moroso, Patricia Urquiola imagine, avec Klara, une série d’objets d’inspiration franchement scandinave (2.). Quant à l’éditeur britannique Benchmark piloté par Terence Conran, il mise lui aussi sur les rééditions de l’Américain d’origine danoise Jens Risom (3.).1

2

3

T

comme testostérone. Les dernières créations de l’Allemand Konstantin Grcic en étaient chargées. S’il a voulu revisiter, avec Avus (1.), le fauteuil club pour Plank, il n’en a sûrement pas allégé le design. De dos, la coque fait carrément penser à un siège d’avion de classe affaires. Plus ludique, le modèle Waver pour Vitra oscille entre la balançoire et la chaise de camping de luxe (2.).

U

comme über riches. C’est à cette élite qui peut tout se permettre que sont réservés les canapés de Jean-Michel Frank pour Hermès à 40 000 euros ( lire en pages 48 à 50), le paravent d’Eileen Gray pour ClassiCon (2.) à 35 000 euros et le lustre en papier et cristal de Baccarat (1.) à plus de 51 500 euros fabriqué en cinq exemplaires seulement par l’artiste japonaise Eriko Horiki.

V

comme Vegas. Et l’ambiance route 66 qui se dégageait des 1000 m2 du stand de Kartell scénographié, comme chaque année, par Ferruccio Laviani. Le designer milanais dont les lampes Bourgie restent d’indétrônables best-sellers pour le fabricant italien, présentait un modèle beaucoup plus sculptural, baptisé Taj et pas du tout articulé, contrairement à l’idée que l’on se fait de la lampe de bureau traditionnelle. Plus surprenant, la table basse Ok plutôt égocentrique de Fabio Novembre abrite le moulage imprimé du pouce et des empreintes digitales de son créateur.

W

comme Woods. À l’occasion du 30e anniversaire de Memphis, le créateur britannique Richard Woods a imaginé une collection d’objets en trompe-l’£il, les briques rouges que l’on voit ici – et qui rappellent celles des murs de Londres – étant en réalité peintes à la main sur du bois. Une édition limitée, numérotée et signée par le designer. Et commanditée par la galerie Post Design.

X

comme X facteur. Les pieds en croix, véritable signature des créations d’Antonio Citterio pour Maxalto mais aussi désormais pour Hermès, prennent une tout autre allure dans ce modèle de luxe en alu brossé habillé de cuir que la traditionnelle chaise de réalisateur. Édité par B&B, il est naturellement baptisé Beverly.

Y

comme y a-t-il un âge minimum pour apprécier le design ? Pour Magis, c’est clair, la réponse est non. La ligne kids Me Too de la marque italienne fait une fois de plus appel aux plus grands. Le lit superposé aux allures de vaisseau spatial est signé Marc Newson (2.). Plus fou encore, le mini-open space My First Office (1.) de Martí Guixé pour CEO en herbe.

Z

comme Zaha superstar. Une nuée de photographes, des flashes qui crépitent comme à Cannes. Dans la vitrine de chez Sawaya & Moroni, Zaha Hadid joue les divas sur une chaise métallique en forme de Z qui s’appelle Z-Chair et ressemble en tout point à son architecture. On doute du confort de celle-ci. Mais on la verrait bien dans le décor de la maison du méchant dans le nouveau James Bond.

Par Isabelle Willot

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