Frida Giannini ne fait jamais les choses à moitié. Quand la directrice de la création Gucci lance son premier parfum masculin, elle y met les formes. En guise d’égérie, James Franco, acteur  » élégant et sensuel  » sur fond de Fashion Week milanaise et de fiesta à l’italienne.

Milan, Piazza Oberdan, le 23 juin dernier. La Fashion Week (prêt-à-porter masculin été 2009) a bel et bien débuté. Ballet d’estafettes, lunettes de soleil esbroufe, it-bag siglés, 30°C au thermomètre, tenues estivales… Que du beau monde, avec, à la main, l’indispensable sésame, le carton d’invitation très classe signé Gucci. Le Diana Space a été revu et corrigé pour l’occasion : des voiles noirs partout et, dans l’entrée octogonale, un bar-miroir. Le sol lui aussi est noir ; chez Gucci, on connaît ses codes. Des années porno-chic de Tom Ford, il reste un petit quelque chose.

Le défilé

Le catwalk tendu de noir également, des miroirs inclinés le long des murs, six rangées de gradins. Léger mouvement de foule, l’acteur James Franco débarque ! Premiers beats de Time to Pretend du duo de Brooklyn, les MGMT, le défilé peut commencer. L’homme Gucci porte un grand cabas luxueux, des chemises à fleurs, avec flamants roses, quelque part entre Hawaï et Palm Beach, des cardigans sages, des pantalons très courts et des vestes de rock star en cuir souple qui jouent les nuances et louchent, parfois, du côté des fluo kids. Le bleu années 1980 est visiblement de mise. Un petit quart d’heure plus tard, c’est fini, la directrice de la création Gucci, Frida Giannini a salué, la salle s’est vidée…

Le parfum

Et l’on enchaîne… dans un salon du Park Hyatt. L’endroit n’a pas été choisi au hasard : ici aussi les banquettes sont de velours noir, on reste dans le ton. Sur de petites tables rondes, tout en miroir, la bouteille en verre facettée de Gucci by Gucci Pour Homme surmontée d’un bouchon-bijou, l’emblématique mors, symbole par excellence de la maison. Frida Giannini porte un costume bleu finement ligné sur sandales plates-formes blanches. Elle est menue, blonde et vive. Se plante derrière le micro et raconte d’une traite qu’elle voulait une fragrance  » classique, intemporelle et iconique « . Avec comme une envolée de bergamote, de violette et de cyprès, en notes de c£ur, du tabac, de l’encens, un peu de jasmin et même du poivre noir, puis un soupçon de patchouli, d’ambre et de cèdre, en notes de fond. Elle pense que la maison a réussi son chypré boisé. Elle voulait, pour incarner son premier opus masculin, un visage, un vrai. Si elle a choisi James Franco, c’est parce qu’  » il est l’un des acteurs les plus intéressants de sa génération « , qu’il est  » moderne, sensuel « , que  » son pouvoir de séduction est puissant « , et que, en plus, il a  » une rebelle attitude  » qui lui plaît. Et surtout qu’il a en lui une certaine ambivalence qui le fait ressembler tour à tour, parfois simultanément, à un  » bad/good guy « . James et elle ont tourné le film publicitaire pour la télévision (à voir en octobre prochain) à Londres, pendant trois jours, ils se sont amusés, souligne-t-elle. Et ils ont shooté la campagne avec Inez Van Lamsweerde et Vinoodh Matadin, le duo de photographes neerlandais qui aiment la mode – laquelle le leur rend bien. Applaudissements.

L’acteur

Changement d’adresse : une suite au dernier étage cossu de l’hôtel Principe di Savoia, James Franco attend la presse internationale. Il a fallu montrer patte blanche, promettre à son agent de ne pas poser de questions qui porteraient sur la beauté ou qui pourrait esquisser un portrait de lui trop féminin, voire  » gay « , mais il serait enchanté si on pouvait lui poser quelques questions sur son statut d’égérie pour Gucci, sa collaboration avec Frida, sa profession d’acteur en général et combien il est un intellectuel. Fort bien. Sur la table basse, des orchidées, des mousses au chocolat miniatures et un livre, Le Maître et Marguerite de Mikhaïl Boulgakov. James Franco est un littéraire. Il porte des chaussures Gucci, sans chaussettes, une chemise à microcarreaux et un pantalon gris sobre. Il a retroussé ses manches et fait son devoir, avec un soupçon de timidité dont il ne parvient pas à se débarrasser, l’exigence de répondre au plus juste et un jet-lag évident.

La party

Les invités VIP de la soirée ultraprivée Gucci ont enfilé leur costume du soir, robes décolletées, talons vertigineux et bijoux sont de sortie. Piazza Oberdan, le décor n’a pas changé. Sur le mur du fond, trois écrans s’animent quand Frida Giannini et James Franco paraissent. En une étrange mise en abyme, il se regarde, la pub déroule ses images léchées. Il sourit timidement, elle porte l’asymétrie avec style. On a droit au making of, et à la bande-son où Roisin Murphy chante Slave to Love. Les filles s’approchent, le GSM dégainé, option clic clac : James Franco prend la pose, gentiment. C’est l’heure de passer à côté, où se presse une faune ultrafashion, Roisin Murphy en chair et en os peut pousser la chansonnette, le flacon géant descendre lentement du ciel et le parfum être lancé officiellement.

La directrice

Le lendemain, Via Broletto, numéro 20, dans les bureaux milanais de Gucci. Les 2 G tête-bêche indiquent qu’on ne s’est pas trompé d’adresse. Dans le hall d’entrée, tapis siglé, tons brun et crème, écrans géants avec le défilé Homme. A l’étage, Frida Giannini reçoit la presse internationale. Elle porte une chevalière au petit doigt de la main droite, une robe courte et noire, des leggings assortis, un gros collier à maillons Gucci, des ballerines noires avec clous, même fournisseur. Sur la table basse, le décor est soigné, des mignardises, une bougie parfumée, une bouteille d’acqua naturale et une autre de Gucci by Gucci Pour Homme. Elle a vingt minutes montre en main pour balayer sa carrière, rappeler ses inspirations et prouver qu’on peut avoir 36 ans, été formée par Tom Ford et gravir les échelons avec fulgurance pour mieux reprendre en main une vénérable maison qui se porte plutôt bien. Avec en 2007, 11 % de croissance, 16,8 % en 2006 et 18,4 %, en 2005, année de sa nomination comme directrice de la création du prêt-à-porter féminin, après trois ans seulement chez Gucci. Si menue soit-elle, on comprend à sa voix légèrement rauque que Frida Giannini est aussi une femme d’affaires.

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