En duo avec son ex-mari, Tiziano Mazzilli, la Belge Louise Michielsens dessine la collection de luxe de la marque britannique Daks. Le couple infernal de la mode, qui avait fondé le label Voyage dans les années 1990 à Londres, a pour mission de rebranchiser le légendaire carreau.

Carnet d’adresses en page 166.

Sur un grand jupon, elle a passé une marinière courte qui laisse entrevoir son généreux nombril. Sur la tête, elle a noué un foulard dont les imprimés représentent des petits chiens – on apprendra plus tard que c’est en réalité une nappe dont elle a détourné la fonction -. Excessive autant dans son look que dans sa personnalité, ouvertement déjantée, la Belge Louise Michielsens est une héroïne tout droit sortie de la série anglaise  » Absolutely Fabulous « . Un mélange d’Edina et de Patsy qui a juste ce qu’il faut d’excentricité, de décalé, qui n’a pas peur non plus du ridicule et qui répond en riant  » je suis jeune  » à ceux qui osent encore lui demander son âge. Digne de la mère loufoque d' » Ab Fab « , elle raconte, que lorsque ses enfants, Rocky et Tatum, étaient bébés, elle leur préparait des biberons colorés qui avaient chacun un goût différent :  » Pour expérimenter les couleurs « , se souvient-elle.

Aujourd’hui, elle travaille pour la marque britannique Daks, dont elle dessine avec son ex-mari, Tiziano Mazzilli, la ligne luxe. Mais quand vient la nuit, elle arpente les bars de Londres, avec son fils Rocky, âgé d’une vingtaine d’années, qui en sait plus qu’elle sur sa vie. Aussi, lorsque sa mère a des trous de mémoire, parce qu’elle fait  » de la place pour le lendemain « , Rocky n’hésite pas à répondre à sa place. Avec les Anglais, Louise partage cette ambivalence, respecte leur naturelle élégance, mais se montre aussi fascinée par leur propension à la débauche et leur côté  » déchiré « .

Depuis une saison, le couple Michielsens-Mazzilli – elle à Londres, lui à New York – a pour mission de branchiser le carreau de Daks tout en s’inscrivant dans le bon chic anglais. La marque plus que centenaire s’appelait au départ Daks Simpson, du nom du tailleur Simeon Simpson, qui l’avait fondée en 1894. Réputé pour ses costumes pour homme qui ont séduit certains membres de la famille royale britannique, le label, rebaptisé Daks dans les années 1930, a introduit le fameux carreau emblématique de la griffe en 1976. Mais ces dernières années, comme la plupart des marques traditionnelles anglaises, la vénérable maison cherchait son style. A l’instar de Burberry, qui s’est relancée grâce à un plan marketing audacieux – en lançant notamment la ligne Burberry Prorsum -, Daks, dont le siège est également situé sur Old Bond Street, vient de sortir une ligne luxe. Une ligne pour femmes dont la première collection, pour la saison automne-hiver 2005-2006, a été présentée à Milan en février dernier lors d’un show avec DJ devant un parterre de journalistes branchés. Cette collection à l’apparence classique – même si elle introduit de la couleur et de nouvelles coupes – est taillée dans de somptueuses matières comme le cachemire, la soie, la mousseline ou l’organza. Parmi les silhouettes les plus séduisantes, on note la tunique dorée version bohème à enfiler sur un pantalon en cachemire beige très flou, la préférée de Louise Michielsens, et le duffle-coat en velours rose qui vient éclairer une jupe aux motifs python. Ou encore le classique manteau à carreaux qui se marie avec des escarpins dorés.

 » C’est une collection qu’il faut voir en showroom, souffle Louise. C’est là le vrai show car les matières que nous utilisons sont sublimes.  » Le thème retenu pour l’été prochain sera la bonne société anglaise qui part en voyage. On attend donc du lin, de la soie, de la mousseline, de la dentelle, et bien entendu, l’incontournable carreau.  » Nous devons respecter un thème, une sorte de cahier des charges, mais en même temps, on nous laisse une entière liberté, explique Louise, qui a accepté avec entrain le défi, pour une période de trois ans. Je suis capable de changer d’univers très facilement, de passer du style superbranché de Voyage au style plus british de Daks. De toute façon, Daks souhaitait apporter un côté people à la marque. Pour la prochaine campagne publicitaire, ils ont d’ailleurs choisi l’actrice Saffron Burrows. Et Tiziano et moi pouvions leur amener la clientèle de Voyage.  »

Pétillante quinqua, Louise Michielsens est née à Bruxelles, place de Brouckère. Une ville qu’elle a quittée il y a vingt-cinq ans mais où elle revient régulièrement voir sa famille installée à Uccle, ou manger à La Roue d’Or, son restaurant préféré. Ici, on l’appelle Marie Louise ou Loulou, on encore Marie Loloque.  » Quand j’étais plus jeune, j’étais toujours dans les loques, comme les clochards, je mettais n’importe quoi avec n’importe quoi « , se souvient-elle. De cette époque, elle a gardé cette capacité à choisir ses vêtements en trois secondes. De cette époque, aussi, date sa rencontre avec le beau Tiziano Mazzilli lorsqu’il était producteur de musique électronique dans la capitale belge. Ensemble, ils ont décidé de quitter la Belgique.  » On était de grands amoureux, raconte Louise. On voulait faire tout en grand, on vivait attachés.  » C’est ensemble donc qu’ils partent pour l’Italie, le pays de Tiziano, et se lancent dans la mode.  » Moi, j’essayais les modèles, lui conduisait la voiture « , confie Louise avec le même enthousiasme. Les deux bohèmes lancent alors une première collection de tricots baptisée Les Misérables, puis une deuxième pour laquelle ils choisissent le nom de Franck Scocese. Enfin, ils décident de faire du jeans, connaissent un énorme succès, travaillent pour des maisons prestigieuses comme Valentino, Ferragamo, Gianfranco Ferré et puis changent de cap.  » J’en avais assez de l’Italie, je voulais vivre dans une grande métropole, explique Louise. C’était Londres ou Paris. Finalement, Londres m’a séduite, je me sens très proche des Anglais.  »

En 1990, le couple ouvre, sur Fulham Road, la boutique Voyage où il commercialise son propre label. L’endroit va rapidement devenir la Mecque des rockstars. Partis du sportswear, Louise et Tiziano inventent un style à la fois élitiste et bohémien grunge.  » L’idée de départ, c’était de couper la route aux  » middle-men « , c’est-à-dire aux intermédiaires, précise Louise. On avait décidé que notre public, c’était la rue. On a ouvert cette vitrine et les Anglais nous ont adorés. On a introduit de la couleur dans leur univers, nos cardigans se vendaient comme des bonbons. A l’origine, on avait seulement une couturière et une piqueuse et, très vite, on a fait travailler cent personnes. L’aventure a duré dix ans.  » A l’entrée de la boutique, sévèrement gardée, les portiers commettent un jour la maladresse de demander à Madonna sa carte de membre. La rumeur fait, à l’époque, le tour de la planète people. Pub assurée…

Aujourd’hui, Tatum et Rocky ont repris le flambeau. Après l’ouverture temporaire de I love Voyage dans Monmouth Street, c’est finalement dans Conduit Street, au c£ur du quartier de Mayfair, que le frère et la s£ur distillent leur  » free spirit  » dans la nouvelle boutique Voyage. Dans la même rue, leur mère a pris ses habitudes au restaurant branché voisin, Sketch.  » C’est là que j’ai installé mes bureaux « , plaisante-t-elle.

A Londres, Louise Michielsens vit désormais dans une grande maison, non loin de Chelsea, avec ses enfants et ses chiens,.  » Quand mon père vient ici, deux semaines par mois, il loge chez nous « , précise Rocky.  » Il dort chez nous mais pas avec moi, intervient Louise. Nous sommes très complémentaires dans le travail. Nous avons divorcé parce que nous ne parlions plus que de ça, de travail, mais nous avons fait un beau divorce. Je pense que j’ai été une bonne mère, même si j’ai fait un peu souffrir mes enfants. On changeait tout le temps d’endroit et ils devaient toujours s’habituer à de nouvelles écoles, se faire de nouveaux amis. Et puis endurer beaucoup de jalousie.  » Rocky, qui a visiblement hérité de la beauté de son père, sourit, comme pour donner raison à sa mère. Très vite, sa s£ur, Tatum, a voulu quitter l’école pour travailler dans la mode tandis que Rocky, lui, a choisi de se lancer dans la comédie.

De leurs parents, ils ont gardé ce goût pour la fête et cette attirance pour les people.  » On est un peu les bêtes noires dans les soirées, on nous invite partout mais après, on nous critique « , raconte Rocky. Tatum organise des fêtes dont les thèmes flirtent avec l’esprit  » fashion junkies  » ou  » fashion overdose « . Des soirées auxquelles se rend toute la famille entre un saut au club Le Tantra, dans Kingly Street, et un autre au nouveau bar de Ganton Street, l’Umbaba. Car Louise veille, partout où elle va, à toujours conserver ses repères nocturnes. A Paris, où elle se trouvait la veille de l’interview avec son fils Rocky, elle était sortie au Cabaret, la boîte de l’artiste taggeur André. A Milan, c’est non loin du Dôme qu’elle va désormais prendre ses quartiers pendant la période des défilés.  » Je suis contente, je viens de trouver un hôtel juste à côté du G. Lounge, mon bar préféré, avoue-t-elle sur le ton de la confidence. Ainsi, je pourrai aller boire un verre après la présentation des collections.  »

Agnès Trémoulet

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