Coloré, sophistiqué, mélangé à d’autres matières … le jeans masculin n’en finit pas de se réinventer. Eléments d’un vestiaire aux variations infinies.

De sang bleu mais 100 % prolétaire quand il apparaît à l’horizon des années 1860 aux Etats-Unis, en pleine ruée vers l’or, le robuste et viril jeans, fabriqué à partir de denim tissu de coton sergé importé d’Europe teint à l’indigo, habille mineurs, ouvriers et esclaves noirs. Modeste, ce vêtement de travail qui bientôt s’appelle  » blue-jeans  » (l’expression fait son apparition commerciale en 1920) est adopté par les paysans et les travailleurs pendant la crise de 1929. En 1933, dans le cadre du New Deal, des dizaines de milliers de salopettes en jeans sont même distribuées aux déshérités.

Un siècle ou presque de mutations plus tard, le jeans, pas toujours bleu et plus prolo du tout, a gagné ses galons d’élégance. Cet été, il est même plus chic que jamais, aimantant les envies des urbains raffinés rêvant de denim sophistiqué le jour, voire de toile crazy la nuit. En version ultrachic, le jeans s’envisage en trench (Missoni) et se porte avec cravate chez Jean Paul Gaultier, ou même façon néo-lord anglais chez Junya Watanabe, qui l’associe à la panoplie veste en tweed, foulard noué et richelieus stricts.

 » On observe une percée des jeans très élégants, aux fils subtils et aux coloris denses, nets, à l’opposé des effets vintage des dernières années « , relève Pascaline Wilhelm, directrice de la mode au salon Première Vision, à Paris, qui réserve un espace exclusif au jeans, Denim byà  » Toujours à la pointe, les denims japonais, par exemple, sont des toiles volontiers denses et sombres, reteintes jusqu’à 18 fois pour certaines, dont le raffinement se lit dans les détails de lisières aux poches et en bas du pantalon, poursuit-elle.

Alors, après la fureur destroy des jeans usés comme à la râpe à fromage, est-ce le retour vers le sobre, le temps de l’embourgeoisement ?  » Globalement, le jeans est plus net, plus propre cette saison, ce qui n’empêche pas les fantaisies.  » En termes de couleur, on s’encanaille doucement avec un  » baby blue « ,  » un bleu clair et lumineux, limite pastel « , explique Pascaline Wilhelm – on en a un exemple parfait avec la superbe collection Missoni, teinte d’un bleu d’une douceur onirique ou on s’amuse plus franchement avec un rose tendre ou géranium (John Richmond et Roberto Cavalli) qu’on imagine porter les soirs d’été, pour la jouer Riviera. Autre élément de cette nouvelle élégance : les mélanges de matières. Lin, viscose, Tencel, soie, bambouà Riche de ces nouveaux mariages, le jean gagne en souplesse, en légèreté, en extensibilité, et s’autorise des finitions plus sophistiquées. Dsquared2 mixe ainsi jeans et toile de coton écossaise sur un short ou une veste.

Ultime preuve de sa puissance, le denim infiltre aujourd’hui l’ensemble du vestiaire.  » On voit des looks d’inspiration jean en draperie de laine ou sur les chemises en coton « , appuie Pascaline Wilhelm. Effet jeans sur une veste en toile de coton chez Unity, sur un coupe-vent chez Paul Smith, sur des chemises chez Galliano ou chez Vuitton, dont le velours de coton ressemble à s’y méprendre à une bonne toile de Nîmes. Giorgio Armani, lui, signe des pantalons en soie et lin, revendiquant même la couleur  » jeans brut « . La rançon du succès pour le blue-jeans, qui est loin d’avoir le blues : en 2009, selon une étude de l’IFM, il s’est vendu 36 millions de jeans masculins, contre 25 en 2008. n

Par Katell Pouliquen

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