Encore ignorées du grand tourisme, les îles Turks et Caicos, archipel des Antilles situé au large des Bahamas, recèlent des plages de sable blanc désertes léchées par une mer turquoise divine. Le lieu idéal pour déconnecter et expérimenter une vie à la Robinson Crusoé.

Les guides touristiques sont muets sur les îles Turks et Caicos, inélégamment traduites en français par îles Turques et Caïques. Pourquoi donc Turques ? Mis à part un cactus local coiffé d’une tête semblable à un chapeau… turc qui figure sur le drapeau de ce territoire britannique d’outre-mer, rien n’éclaire ce choix singulier. Certains ont rebaptisé cet archipel des Antilles, voisin des Bahamas et de Haïti, les îles Turquoises, sans doute inspirés par l’ouverture d’un Club Med du même nom dans les années 80 à Grace Bay, sur l’île de Providenciales (ou Provo), connue pour abriter la plus belle plage des Caraïbes. C’est là que les gros avions en provenance de Londres ou de Miami larguent les vacanciers en quête d’évasion ou de repos. C’est là aussi que se trouve l’essentiel des hôtels, posés sur le sable, ainsi que ces grosses infrastructures touristiques américaines avec buffets standardisés et supermarchés aseptisés. Bon nombre de voyageurs y trouvent leur bonheur et ne quittent pas leur transat. D’autres, comme nous, foncent louer une voiture ou une moto pour partir à la découverte de la nature sauvage et déserte, qui subsiste grâce à de gigantesques domaines classés réserves naturelles.

LA ROUTE DES MERVEILLES

Une demi-heure de route suffit à atteindre une langue de sable longue et belle, blottie à l’abri des regards dans un parc naturel où viennent s’échouer des lambis, ces gros coquillages à la chair très appréciée que l’on retrouve à la carte de la moindre gargote de village. Au point que ceux-ci sont élevés  » en ferme  » pour répondre à la demande. La plage de Long Bay, en contrebas de dunes colonisées de plantes grasses, est souvent vierge de touristes. Tout juste aperçoit-on, au loin, des surfeurs férus de kiteboarding, tirés par un cerf-volant. Au fur et à mesure de l’exploration des lieux, une priorité s’impose : changer de point de vue sur la mer au bleu profond. Cap sur le parc national de Chalk Sound, au panorama spectaculaire. En chemin, la route longe des îlots de tailles diverses, dont les plus larges hébergent des familles d’iguanes. D’autres servent à la nidification d’oiseaux aussi beaux qu’étranges, parmi lesquels le pélican brun que l’on voit plonger à pic pour attraper les nombreux poissons nageant près des côtes. Une péninsule étroite sépare cette étendue d’eau paradisiaque de la mer. Le long de celle-ci, des criques bien cachées, comme celle de Sapodilla, abritent des plages minuscules que l’on quitte à regret au coucher du soleil. La faible profondeur et l’absence de vagues en font de véritables bassins d’eau chaude, où adultes et enfants peuvent barboter en toute quiétude. Tout près de là, une petite escalade permet de rejoindre un mont pavé de dalles signées par des marins naufragés, dont certaines datent du XVIIIe siècle. Inévitablement, on songe aux pirates et corsaires qui foulèrent jadis cette terre aride et sauvage…

A une centaine de mètres des côtes, la carcasse rouillée d’un cargo, échouée sur le flanc comme une baleine, attend qu’on la sorte de l’eau. Ce qui n’arrivera sans doute jamais. Sur cette île perdue au milieu de l’Atlantique, les épaves restent où elles sont et confortent le sentiment d’explorateur du touriste avide d’authenticité. Ici, on oublie le GPS et on suit la route jusqu’où celle-ci accepte de nous mener, à travers chemins sablonneux, collines, palmiers, arbustes, lianes et cactus. L’expédition en jeep vers Northwest Point Marine National Park tient de la grande aventure, surtout après la pluie tropicale, tombée la veille, qui égaie le trajet de belles flaques et d’étendues boueuses. Au bout d’une voie au sol de rouille, la mangrove a pris possession des lieux. Les amateurs d’expériences insolites peuvent faire du kayak ou de la planche (paddle boarding) sur différents sites de Providenciales. Mais lors de notre passage, les lieux sont déserts. A quelques minutes de là, une nouvelle plage ourlée d’une eau d’un bleu laiteux invite à une pause en tête-à-tête. Des bernard-l’ermite grouillent dans les cavités calcaires en bord de sable blanc, où traînent des éponges de la taille d’un demi avant-bras. Les rochers noirs, rongés par l’eau de mer, sont criblés de trous oxydés, comme des cratères. Le dépaysement est total.

À PERTE DE VUE

Avec trente îles réparties sur 497 km2, l’archipel de Turks et Caicos invite à prendre le premier bateau venu pour élargir son horizon. Une navette permet de rejoindre, en une demi-heure, l’une des îles principales, North Caicos. Autrefois prospère, elle vit aujourd’hui à un rythme beaucoup plus paisible. Seuls subsistent des ruines de plantations envahies d’une végétation luxuriante et quelques villages minuscules, pour une population de moins de 2 000 habitants. Le plus haut lieu d’animation est le supermarché qui fait office de centre communautaire. Les rares touristes qui s’aventurent sur cette île où le temps semble s’être arrêté font halte au Flamingo Pond, un étang à flamants roses renseigné par une petite maison peinte d’un échassier. Equipement indispensable pour admirer la beauté locale : jumelles ou bon zoom. L’offre hôtelière étant assez limitée, il faut souvent se contenter de faire l’aller-retour vers Providenciales le jour même, en veillant à ne pas rater le dernier bateau. Ceux qui n’auront pas été déstabilisés par une île aux rares âmes continueront vers Middle Caicos, accessible depuis une voie en béton construite sur l’eau. L’unique route longe la plage de Bambarra à travers les herbes sauvages. Son sable, jonché d’une infinité de coquillages nacrés et de squelettes de coraux, rappelle la présence toute proche de la barrière de corail. Au fur et à mesure de notre progression, nous croisons des villages fantômes. Un ouragan a soufflé la vie de ce petit coin de terre insulaire. Tout au bout du chemin, la route se jette dans la mer juste après l’indication peinte en grand sur le sol,  » road ends « . Au cas où nous en douterions encore, nous sommes bel et bien au bout du monde.

PAR MURIEL FRANÇOISE

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