Barbara Witkowska Journaliste

personnalité forte, style affirmé, cohérence à toute épreuve… les grands couturiers soignent leur image dans les moindres détails et veillent aussi à ce que les parfums soient la quintessence de leur univers mode.

Depuis quelques années, l’esprit éclatant et théâtral de John Galliano galvanise la maison Dior. Le talent multiple, la créativité débordante, les mises en scène époustouflantes et la démesure extrême du surdoué de la couture  » dilatent  » la féminité, lui insufflent de l’énergie et de la sensualité.  » On peut affirmer que Dior a re-libéré la femme, explique Thomas du Pré de Saint-Maur, directeur marketing international produits parfumants chez Dior à Paris. Certes, il y a eu Chanel qui a libéré la femme de pas mal d’inhibitions. Mais Dior, aujourd’hui, va plus loin. On joue la carte « à fond les femmes, on y va ! ». Parfois, il y a une vraie prise de risques. Cela dit, ils s’accompagnent d’une honnêteté et d’une sincérité. Ce qui est très bien ressenti par les jeunes et les moins jeunes femmes. Elles adhèrent donc pleinement à la marque. Le vrai luxe doit toucher les femmes de 7 à 77 ans et est universel.  »

L' » attitude  » Dior, son esprit d’énergie et de générosité se retrouvent aussi dans les parfums. La marque est connue pour ses jus innovants (ils ont quelques longueurs d’avance sur les tendances), parfois singuliers, toujours très aboutis et parfaitement cohérents avec la philosophie de la maison. Leur notoriété est mondiale.  » La force d’un produit, c’est quand le message qu’on veut transmettre est en résonance avec la marque « , rappelle Thomas du Pré de Saint Maur. Le flacon de J’adore puise sa force dans la mode, dans l’énergie, dans la générosité et dans l’émotion. C’est un parfum intemporel et le discours de son flacon est sous-tendu, aussi, par les codes intemporels de Christian Dior. La femme de Monsieur Dior avait une allure aristocratique, un port de tête magnifique, une taille très fine et des hanches épanouies. Bref, elle affichait une silhouette archétypale de la femme. John Galliano travaille différemment, mais on retrouve le même esprit. Le flacon de J’adore interprète, d’une façon moderne et actuelle, cette femme archétypale et intemporelle. Ce grand parfum floral-fruité a été lancé en 1997, l’année où les mannequins de John Galliano défilaient, sublimées de vêtements très chargés et parées de lourds colliers des Massaï. On a retenu l’idée des colliers. Le reste a été admirablement épuré et redessiné en courbes délicates par le designer Hervé Van der Straeten, car  » il ne faut pas que le parfum se fasse démoder par la mode « . Quand on arrive à l’essence d’une idée, on atteint sa symbolique, on transcende le quotidien et on rejoint l’extraordinaire, l’intemporel.

Une autre démarche a guidé l’habillage de Dior Addict. Plus jeune, très tendance, donc plutôt éphémère et un brin insolent, le flacon n’en reste pas moins un objet précieux, très couture. Son étui bleu profond, décoré à l’extrémité d’un bouton doré tout rond (parce que Christian Dior raffolait des boutons), a été inspiré par… le rouge à lèvres du même nom. Dans son c£ur bat la Reine de la Nuit, une fleur rare qui pousse en Jamaïque. La rose, le jasmin, la fleur d’oranger et l’absolu vanille de Bourbon soutiennent le rythme. John Galliano a travaillé sur la pub. Il a aussi suggéré le look de la boîte en carton, ce cello-gloss fluo-hypnotique où la lumière se métamorphose à chaque instant. Une féerie tip top dans l’esprit de la maison.

L’allure de Mademoiselle Chanel

Au début du xxe siècle, en 1921 très précisément, la mode est aux fragrances capiteuses et poudrées. Les flacons sont lourds, en verre, parcourus de volutes, d’arabesques et de fioritures. Coco Chanel décide alors de lancer son premier jus,  » un parfum de femme à odeur de femme « . Forte personnalité, Mademoiselle ne copie personne. Elle a des idées bien à elle. Elle aime surprendre, bousculer, voire révolutionner les habitudes. Et en effet, son parfum signe, d’emblée, une petite révolution. Il porte un drôle de nom : N° 5. Il contient des aldéhydes (leur caractéristique est d’exalter les notes associées) qui se frottent à une composition somptueuse de rose de mai, de jasmin de Grasse et d’ylang-ylang. Du jamais- senti ! Enfin, il y a ce flacon : géométrique, sobre, net et dépouillé. Du jamais-vu ! Provocation ? Du tout. Femme de caractère, cohérente et fidèle dans ses choix, Coco Chanel a toujours affirmé sa passion de la ligne, de la rigueur et de l’allure. Dans ses débuts de modiste, elle a fait fureur avec ses chapeaux débarrassés de plumes, de détails anecdotiques et d’ornements. Plus tard, la célèbre  » petite robe noire  » reflétera admirablement sa philosophie.

Depuis plus de quatre-vingts ans, le flacon du N° 5 n’a quasi pas bougé. Il est hors du temps et toujours contemporain. En 1924, le flacon et le bouchon ont été légèrement retravaillés. Les bords arrondis ont été remplacés par des pans coupés, comme les diamants taille émeraude. Ce seul et unique  » toilettage  » avait pour but d’améliorer la résistance et l’étanchéité. Le flacon d’une épure admirable a été glissé dans une chemise cartonnée blanche, bordée de noir, histoire de manifester la force et la simplicité d’une ligne vigoureuse. Contraste du noir et du blanc souligné d’une touche dorée, chemise gansée à l’instar des vestes des tailleurs, angles droits, transparence, sobriété, le design du N° 5 interprète à merveille les principaux codes visuels de Chanel. Aujourd’hui, Karl Lagerfeld les fait revivre admirablement, à chaque saison, dans la haute couture et dans le prêt-à-porter. De son côté, Jacques Helleu, directeur artistique de la maison, exerce un contrôle absolu sur tout ce qui relève de son image. L’£il de Chanel, c’est lui !  » Notre différence par rapport aux autres marques, dit-il, c’est la force de notre image et sa formidable unité. Nous avons toujours été fidèles à nous-mêmes. D’une certaine façon, nous n’inventons rien, nous sublimons des valeurs qui n’appartiennent qu’à nous-mêmes.  » Jacques Helleu a imaginé le flacon de Chance, la nouvelle fragrance qui vibre et danse au rythme de jacinthe, de musc blanc, de jasmin, de vétiver, de cédrat et d’absolu d’iris. Son flacon est tout rond ! Surprenant ? Du tout. Le cercle est la seule forme qui puisse exister par rapport au carré du N° 5 et qui soit tout aussi intemporelle. L’autre petite révolution ? La chemise cartonnée est rose légèrement nacré. Elle aurait sans doute beaucoup plu à Coco Chanel qui aimait tellement surprendre…

L’éternel féminin selon Jean Paul Gaultier

Jouer la carte Gaultier, c’est aimer l’humour, l’amour et, surtout, la provocation. Paraître, c’est tout d’abord un jeu. Dans le jeu, il y a un télescopage de genres. C’est le rendez-vous des univers, des époques, des matières et des styles qui a priori n’ont rien à voir.  » Jean Paul Gaultier a gardé le merveilleux de l’enfance, explique Sylvie Polette, vice-présidente des parfums Jean Paul Gaultier. Il véhicule le bonheur, l’humour et la générosité de l’enfance. Sa mode est un plaisir qui ne se prend pas au sérieux. Jean Paul aime rire des conventions bourgeoises. Parfois, pendant les réunions ou les brain-stormings, on lui dit « On ne peut pas faire ça ». Il répond invariablement « Et pourquoi pas ? ». Il arrive toujours à ses fins, bien entendu. Il n’y a pas de frontières à son imaginaire. C’est un homme libre dans sa tête et il aime offrir cette liberté aux gens.  » Une liberté bien maîtrisée, toutefois. Jean Paul Gaultier a un sens aigu de l’élégance… parisienne. Pas d’anecdote, pas de bavardages inutiles, pas de  » trucs  » gratuits. Tout doit avoir un sens et une raison d’être. Classique, son premier parfum a été lancé en 1993. Il résumait (et résume toujours) la définition de la féminité selon Jean Paul Gaultier. L’idée du flacon-corps vient de lui. Pour la petite histoire, ajoutons que Gaultier voulait la silhouette entière, bras et jambes compris. Irréalisable sur le plan technique ! Le corset ? C’est le souvenir du corset couleur chair de sa grand-mère. Tout est clair : un corps de femme révélé par un corset souple, voilà l’essence de la féminité. Et la fameuse boîte de conserve pour écrin ? Un pied de nez aux conventions de la parfumerie, ainsi qu’un clin d’£il aux bracelets-boîtes de conserve, portés par des mannequins lors d’un défilé de prêt-à-porter. Depuis 1997, avant l’été, le flacon de Classique se métamorphose et se théâtralise, le temps d’une édition limitée. Le but du jeu ? Etre en synergie totale avec la mode. Le corset emprunte les motifs colorés des paréos, des tee-shirts, des robes estivales.

Le  » twist  » Givenchy

La griffe Givenchy ? Elle est unique et vraiment différente.  » Givenchy, note Isabelle Gex, directeur général adjoint marketing international parfums Givenchy, est la seule marque qui associe l’élégance française et la spontanéité, le naturel et la fantaisie américaines. Nous appelons ce panache audacieux « le twist Givenchy. » Hubert de Givenchy, le fondateur de la griffe, a choisi, dès le début, pour égérie la jeune actrice américaine Audrey Hepburn. Belle, pétillante et espiègle, elle ne se la jouait pas. Audrey Hepburn fait partie du patrimoine de la maison, de sa génétique. Sa personnalité nourrit la créativité de Julian Macdonald qui tient aujourd’hui les rênes de la mode chez Givenchy.  »

Very Irresistible Givenchy, le nouveau parfum de Givenchy, est un immense bouquet de roses, aromatisé avec une pincée d’anis étoilé et quelques feuilles froissées de verveine. Comment l’habiller ? La genèse du flacon a demandé une longue réflexion. Il n’était pas question d’un écrin rond, ramassé,  » cocooning.  » Le patrimoine de la maison a suggéré une forme grande, fine et élancée, tel un jaillissement. C’est un flacon plein de vie et de fierté, mais sans la moindre ostentation. Créée par l’agence Cent Degrés, sous la direction artistique de Pablo Reinoso, la tige est lancée comme un trait d’esprit, souple et élégant, non dépourvu de fraîcheur et de spontanéité. Sa forme très simple est  » twistée « , pour être en cohérence avec les codes de la marque. Givenchy s’exprimant toujours dans la couleur, on a choisi un verre rose, seyant et rassurant. Une fois de plus, la cohérence par rapport à la fragrance est parfaite.  » Un flacon de parfum est l’incarnation matérielle d’une idée, d’un message, conclut Isabelle Gex. Il ne peut plus être totalement neutre. Very Irresistible Givenchy, c’est le flacon le plus emblématique de la marque.  »

Barbara Witkowska

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Partner Content