Si elle passe sa vie aux quatre coins du monde, Diane von Furstenberg pose de temps à autre ses valises dans son nouveau pied-à-terre parisien, décoré par François Catroux. La conceptrice de la  » wrap dress  » y pratique un art du collage qui lui ressemble : entre inspiration asiatique, humeur napoléonienne et amour des livres. La créatrice de mode a ouvert à Weekend les portes de ce bel espace qui lui est cher.

Il est son nouveau voisin de palier ! Quand Diane von Furstenberg débarquera la prochaine fois rive gauche, à Paris, c’est Jacques Chirac, l’ancien président de la République française qu’elle risque de croiser. Voilà qui amuse mais n’impressionne guère la créatrice de mode belgo-américaine habituée à fréquenter depuis plusieurs décennies les plus grandes célébrités… Immortalisée par Andy Warhol, photographiée par Helmut Newton, elle compte parmi ses admiratrices l’actrice Susan Sarandon, qui ne rate aucun de ses dé- filés, ou la jet-setteuse Paris Hilton, fan notoire. Sa collection prêt-à-porter automne-hiver 07-08, baptisée  » La Movida « , est  » un hommage au pays de Goya et d’Almodovar mais surtout à la force des femmes « , résume-t-elle. Une forme d’autoportrait quand on sait que Diane, fille d’une survivante de l’Holocauste, s’est toujours battue pour ne pas être  » la femme de  » – en l’occurrence, l’épouse du prince Furstenberg, qui fut son premier mari -, traçant sa propre voie professionnelle aux quatre coins du monde. Grande voyageuse, son rythme de vie s’accorde, en partie, avec l’ouverture de ses nouvelles boutiques qui, de Notting Hill à Miami, d’Anvers à Bruxelles, en ce mois de septembre, ne cessent de se multiplier ces dernières années.  » Je suis née et j’ai vécu mes premières années à Bruxelles avant de poursuivre ma scolarité en Suisse, confie celle qui inventa, en 1974, la  » wrap dress « , la fameuse robe-portefeuille. Je suis depuis toujours une nomade. Chacune de mes  » tentes  » correspond à une partie de ce que je suis. Le Connecticut, c’est là où j’ai ma  » datcha « , ma maison de famille, depuis trente-trois ans. New York, c’est l’endroit où je travaille. Los Angeles, c’est la ville que j’habite quand je suis avec Barry ( NDLR : son mari, Barry Diller, est l’un des responsables de la Fox Broadcasting Company). Et Paris, c’est mon pied-à-terre, là où je me retrouve.  »

Impermanence des choses

Le pied-à-terre parisien de Diane von Furstenberg (180 m2) est situé en face du Pont des Arts et du Louvre…  » C’est un quartier que j’adore, s’enthousiasme la créatrice. J’ai été forcée de déménager, il y a peu de temps, et je désespérais de trouver un appartement. Trois maisons plus loin, j’ai découvert cet endroit qui a été entièrement remanié.  » Pour elle, François Catroux, décorateur proche des Rothschild, a créé de toute pièce une suite d’espaces ouverts, nichés au quatrième étage d’une splendide maison de maître ouverte sur cour.

 » J’aime les mélanges inattendus…  » Etran- gère au total look, DvF a composé un patchwork d’influences et d’inspirations les plus diverses. Dans le salon, les luminaires de style Empire croisent les créations contemporaines, comme le tabouret  » Capsule  » de Hervé Van der Straeten, ou les tissus africains ou aztèques. Aux murs du living, une photo de François-Marie Barnier, rehaussée de motifs tribaux, voisine avec une toile de Warhol… un portrait de Diane, datant de 1974. Remarquable, elle aussi, une table basse de l’artiste Kimiko Yoshida intitulée  » Ohanami  » :  » C’est un volume en miroir et en verre dans lequel sont incrustées des sérigraphies de cerisiers en fleurs. Avec le jeu de reflets, l’objet ressemble à un bassin. Dans le bouddhisme, le cerisier est le symbole de l’impermanence des choses… « , précise cette amatrice de mandalas, ces représentations méditatives tibétaines en forme de diagramme.

Attenant, le bureau blanc est décoré d’une série de tirages noir et blanc de Richard Avedon, le mythique photographe de mode qui fit la gloire de Vogue. Juste à côté, un étroit couloir mène à la chambre et son lit à baldaquins, dessiné également par François Catroux. Un meuble de première importance si l’on en croit Diane.  » Il y a trois choses avec lesquelles je ne transige jamais dans un intérieur, souligne-t-elle : très bon lit, une table de travail qui m’inspire et la présence de livres dont je ne peux me passer.  » Biographies, romans, correspondance épistolaire, entre autres de Malraux, livres d’architecture intérieure (DvF publia elle-même au début des années 1990 plusieurs  » coffee table books  » sur la décoration), elle dévore tout et surtout les essais de son ami Bernard-Henri Lévy dont on aperçoit, dans le salon, niché dans une étagère trapézoïdale de Alexis de la Falaise, le dernier ouvrage,  » American Vertigo « .

La bibliothèque située entre le salon et la salle à manger où abondent les collections de la Pléiade, illustre le goût du contraste de la maîtresse des lieux : face à un magnifique lit de repos de style Louis-Philippe que l’on croirait sorti d’un tableau de Ingres, trône une chaise à bascule africaine taillée et soudée dans une tôle perforée. Entre les deux pièces, le tapis  » Climbing Leopard « , que la créatrice a dessiné pour le fabricant Rug Company, est un trait d’union chromatique qui ne doit rien au hasard. Le fond vert Empire, sombre et soutenu, légèrement bleuté, qu’il offre est un prolongement à la couleur dominante de la salle à manger et un écho à la chambre de Napoléon à Fontainebleau. Une pé- riode flamboyante que Diane apprécie particulièrement pour la richesse de ses arts décoratifs.

Dans un coin, un paravent masque, côté Seine, un bureau que Diane appelle sa chambre verte.  » Quand je viens seule à Paris, c’est souvent là que je m’installe, avec mon computer, confortablement installée entre les coussins. Je n’ai même pas besoin d’en sortir car j’ai même une petite salle de bains, décorée de galets incrustés, dissimulée derrière le mur.  »

Au-dessus des canapés, un portrait de Diane, peint par Warhol en 1984, rappelle les liens d’amitié qu’entretenait l’artiste avec son modèle.  » La première approche s’est faite lors d’un dîner à New York, chez moi, dans les années 1960, raconte- t-elle. Il m’a dit qu’il voulait faire mon portrait, il m’a entraîné dans la cuisine à la fin du repas, et il a pris un cliché de moi avec son Polaroïd. C’était la séance de pose ! Cela c’est fait aussi simplement que ça.  »

DvF, plus active que jamais, est autant une créatrice qu’une femme d’affaires, gérant avec brio deux collections de prêt-à-porter par an, mais aussi des lignes de parfums, de cosmétique, de bagageries, de chaussures et de bijoux. Comble de la reconnaissance : sa fameuse robe-portefeuille est même portée par la plus grande rivale de Paris Hilton, la poupée Barbie en personne.

Antoine Moreno

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