L’ hiver est sa saison de prédilection mais par la magie des fils qui la composent, par la légèreté des matières dont elle est faite, elle ne voit jamais venir le printemps avec appréhension. Climat cahoteux oblige, la maille appartient à notre patrimoine et nos us et coutumes vestimentaires, à l’instar de la Grande-Bretagne, par exemple. Technique chérie des créateurs belges, la maille fait chez nous office de valeur sûre, de fond de garde-robe et de  » cerise sur le gâteau  » quand elle participe à l’élaboration d’une silhouette. Loin d’être réduite à quelques  » tours de passe-passe laineux « , elle séduit, en sus, par son ambivalence.  » La maille offre simultanément une liberté accrue et la contrainte liée à toutes les étapes de son traitement telles que le choix du fil (aspect, densité, poilu, feutré…), les bains de teintures, les assemblages de couleurs… La maille, c’est, du début à la fin, un travail de bénédictin « , remarque Annemie Verbeke. Passionnée par la maille qu’elle traite comme un poème où les points remplacent la rime, Annemie y a consacré une bonne partie de sa carrière.  » J’ai réalisé les cahiers de tendances pour le Comité de la maille belge jusqu’en 1992 et j’ai rencontré tous les fabricants spécialisés dans le tricot ( NDLR : ledit Comité fut ensuite avalé par la Febeltex, la Fédération belge du textile), j’ai mes propres collections, j’ai dessiné celles de nombreux labels belges ou étrangers, j’ai enseigné à La Cambre-mode(s) durant plus de dix ans « , précise cette belle abeille industrieuse et entièrement autodidacte. Très active également dans le chaîne et trame, Annemie Verbeke, qui a redémarré ses collections éponymes en 1999, ouvert une boutique à l’enseigne rue Dansaert et obtenu, entre autres distinctions, le prix Modo Bruxellæ inhérent au Parcours de Stylistes de 1998, reconnaît rester liée de manière intense, voire intime, à la maille.  » Je travaille avec divers fabricants, en Italie principalement et en Belgique : concevoir des silhouettes 100 % maille demande énormément de patience û beaucoup plus que lorsqu’on mélange la maille au chaîne et trame (tissu) û, de compréhension et de compétences spécifiques. Sans oublier le coût exigé pour ce genre de réalisation. Il faut souvent changer son fusil d’épaule au fur et à mesure que le produit s’élabore et cela pour mille et une raisons ; l’aspect n’est pas celui qu’on attendait, le vêtement est trop lourd ou pas assez, etc.  »

La collection hiver 03-04 d’Annemie Verbeke est brillante une fois de plus, et pas seulement parce que baptisée  » The Diamond Look « . Célébrant sans accroc les noces de la couleur et des matières, cette véritable artiste du vêtement parvient, notamment, à créer une chemise en cachemire en évitant le piège du style  » madameke  » et en jouant sur le trompe-l’£il.  » J’aime aussi le côté non fini, imparfait (même si la pièce s’avère impeccable) d’un vêtement où la maille intervient « , précise Annemie qui propose, dans la même collection, des veste réversibles mohair-satin et des corsages à coutures apparentes… pour lesquels on éraflerait volontiers son  » budget mode « .

Cela dit, les mordus de maille se comptent quasi au kilomètre carré sur notre sol. Au vol, citons Sami Tillouche, fan de maille italienne (primé à la défunte Canette d’Or et au Festival d’Hyères, il a £uvré pour plusieurs grands labels transalpins) et auteur, au départ de Paris, d’une collection propre lancée en hiver 2000. Ou encore Erick Verdonck, sorte de  » Falstaff du tricot « , diplômé d’Anvers, défilant à Paris depuis 2001 et auteur, avec Marina Yee (membre du fameux groupe des Six d’Anvers) d’un  » AtelYee Verdonck  » ouvert dernièrement au centre de Bruxelles.

La moelleuse matière et ses déclinaisons multiples représentent également un bon filon pour les marques nationales qui, en mettant ce produit en exergue, ne se laissent guère tondre la laine sur le dos. Des exemples ? San Martino et Giovane, deux labels (l’un plus classique, l’autre plus pointu), au sein d’une même société qui prend sa source dans les années 1960. Les rênes artistiques de cette entreprise familiale sont confiées à l’Ostendais Martin Vanmassenhove, acrobate du fil de laine qui eut, un temps, ses propres collections de maille sensu(ellement) masculine.

Leader dans ce créneau notamment, la griffe Sarah Paccini, fondée en 1989, s’est tricoté un époustouflant réseau de points de vente (uni- ou multimarques) répartis dans plus de douze pays. Les clés de son succès ? Une clientèle-cible allant de 25 à 60 ans, un style qui se remarque entre initiées puis suscite l’aimable curiosité des futures aficionadas, des produits de qualité confectionnés essentiellement en Italie où la maille est traitée comme le sont les robes haute couture à Paris… Sans oublier La Gaviotta qui, voici vingt-cinq ans, se tissait son premier succès grâce à des chandails de couleurs au look très bcbg. Ou encore Chamail et le label  » Mais il est où le soleil ? « , qui fête à présent ses cinq années d’existence sur un mode douillet et divinement nonchalant.

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