Nommé Vlaams Bouwmeester l’été dernier, cet architecte bruxellois porte un regard pertinent sur l’urbanisme de la capitale et entend faire de la Flandre un exemple européen en matière de gestion de l’espace. Sa force : une détermination sans faille.

Une chose est sûre, Peter Swinnen sait ce qu’il veut. Lorsqu’il accepte notre interview, l’architecte bruxellois y met une condition : la rencontre aura lieu dans sa ville natale, au Palais de Justice. Le jour dit, on voit arriver sa silhouette longiligne et élégante d’un pas décidé. Péremptoire, il dirige illico les opérations pour la prise de photos. Toutes négociations s’avèrent inutilesà Il posera debout, près d’une colonne du colosse de Joseph Poelaert, et n’apparaîtra qu’en petit sur l’image.  » Ce qui importe, ce n’est pas moi, c’est le bâtiment, à la fois prestigieux et tellement stupide par sa grandeur pharaonique.  » À l’arrière-plan trône une plaque en pierre où est gravé le nom de Léopold II.  » J’espère qu’on verra cela sur le cliché, insiste-t-il. Cet homme a su, à son époque, mettre en place, avec l’aide de son urbaniste Victor Besme (1834-1904), une structure pour la capitale. Et on la ressent encore de nos jours ! Certes l’argent utilisé n’était pas éthique mais il faudrait aujourd’hui des politiciens visionnaires qui, d’une autre manière, feraient bouger la ville comme lui. Ce qui m’énerve, c’est cette « malgérence » de l’espace public dans la capitale. « 

Pour continuer à parler de lui, celui qui porte depuis l’été le titre de Vlaams Bouwmeester – l’équivalent flamand du Maître Architecte bruxellois – s’installe à l’intérieur de l’édifice, sur un banc de la salle des pas perdus. Et il se lance dans une tentative de description de son job.  » Mon rôle est de donner des avis sur tous les projets d’architecture du gouvernement flamandà y compris lorsque nos institutions travaillent avec des investisseurs privés.  » Durant les cinq ans que durera son mandat, Peter Swinnen entend également réfléchir, avec ses vingt-cinq collaborateurs, à la manière de positionner la Flandre en Europe dans le domaine de l’art de bâtirà Et de préciser, consensuel, qu’il ne s’agit pas là d’une prise de position communautaire, ce débat ne l’intéressant nullement :  » J’habite Bruxelles et je bénéficie ainsi d’un regard « exotique » sur ce qui se passe en Flandre. Je tiens aussi à collaborer avec Olivier Bastin, mon homologue bruxellois, et faire du lobbying pour qu’un tel poste soit mis en place en Wallonie. « 

Trois mois après son entrée en fonction, le trentenaire bruxellois voit donc déjà parfaitement où il va. Son regard noir et la manière posée avec laquelle il s’exprime en disent long sur son opiniâtreté. Et pourtant, il n’était initialement pas intéressé par ce rôle. C’est un chasseur de tête qui l’a repéré ! Professeur un temps à La Cambre, à Bruxelles, Peter Swinnen est avant tout un des fondateurs du bureau 51N4E (*). Cet atelier bruxellois – dont le nom fait référence aux coordonnées géographiques de Bruxelles – a remporté, en 2003, le Maaskant, un prestigieux prix remis à Rotterdam aux jeunes architectes les plus prometteurs de leur génération. Aujourd’hui, outre divers projets en Belgique, le trio £uvre aussi à la construction d’une tour et d’une place à Tirana.

En marge de son nouveau rôle officiel, Peter Swinnen continue à travailler pour ce bureau et rêve même déjà plus loin.  » Dans cinq ans, j’aimerais partir en Amérique du Sud, pour y fonder une antenne de 51N4E peut-êtreà et surtout y écrire.  » Une passion qu’il a mise entre parenthèses, pour un lustre, afin d’essayer – avec ses convictions, son intuition et son expérience – de faire passer un message à ses compatriotes :  » L’architecture doit être pensée comme un instrument au service de la société. C’est elle qui structure les villes. On a tendance à oublier le pouvoir qu’elle peut avoir. « 

Un regard sur son portableà Peter Swinnen décide qu’il est temps de conclure. Son jardin privé ? Pas question d’en parler. Tout juste apprend-on qu’il collectionne les plantes rares et en ramène de tous ses voyages dans de petites boîtes. L’interview est terminée. Pas le temps de ranger nos notes que l’architecte déploie ses deux mètres et disparaît du Palais. L’affaire est classéeà

(*) 51N4E exposera en mai 2011, à Bozar, à Bruxelles, www.bozar.be

FANNY BOUVRY

Ce qui importe, c’est le bâtiment, à la fois prestigieux et tellement stupide par sa grandeur.

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