Remettons nos pendules à l’heure, la montre-bijou, au cadran miniature, revient en force parer les poignets féminins. Les salles de ventes aux enchères regorgent de modèles d’exception encore accessibles. Sûrement plus pour très longtemps.

Oui, notre boule de cristal nous le dit, la petite montre féminine va resurgir. Quand ? Bientôt… Soyez prêtes ! Certes, à l’heure actuelle, le genre est un tantinet délaissé. Nous vous en expliquerons plus loin le pourquoi. C’est précisément le moment de s’y intéresser. Les ventes aux enchères regorgent de bonnes occasions. Les modèles en or de l’après-guerre, façon gourmette, s’y négocient entre 500 et 800 euros. À peine le prix du métal au poids.

Remontons le temps. Dès les années 1910, la montre apparaît au poignet des femmes. Jusque-là, elle n’existait qu’en pendentif ou sous forme de broche. Sur le marché des antiquités, on croise quelques exemples charmants de la Belle Époque, émaillés, qui atteignent 150 euros, et encore, avec difficulté. Puis vient l’Art déco, et les ravissantes Duoplan de Jaeger-LeCoultre. Elles se reconnaissent au remontoir placé sous le boîtier. C’est Edmond Jaeger qui mit au point ce mouvement minuscule se décomposant en deux plans superposés. Génial. C’est lui également qui, le premier, a serti de diamants l’acier inoxydable. On dit qu’il aimait les dames. Ses montres sont si chics !

À feuilleter les catalogues des ventes publiques, on peut également s’arrêter sur les créations rigolotes. Ainsi, la Driver d’Universal Genève, conçue pour l’automobiliste vers 1950 ; elle se porte non pas au milieu du poignet, mais sur le côté, ce qui permet à la conductrice de lire l’heure sans bouger la main du volant. Pratique. Une fantaisie qui devrait intriguer votre voisin de table et alimenter la conversation. On l’estime entre 250 et 350 euros. Et que d’inventions pour dissimuler le cadran ! Rappelons-le, il était de mauvais goût de porter une montre le soir. Elle se cachait dans un bracelet tressé d’or – c’est le modèle Ruban de Longines. Elle se glissait sous un capot quadrillé – c’est le boîtier Berlingot de Baume et Mercier, en or, monté sur un demi-cercle rigide, élégant. Prévoir autour de 800 euros.

Dans la décennie 1960 apparaît la couleur. Piaget lance des garde-temps en or à cadran en pierre dure : corail, £il-de-chat, lapis-lazuli au choix. Ils sont typés et encore abordables. Pourquoi ? Deux raisons à cela. D’une part, les hommes (95 % des acheteurs de montres de collection), amoureux de mouvements à grandes complications, ne s’intéressent pas aux créations pour femmes ; leur mécanique est trop simple (on parle d’horlogerie). D’autre part, les représentantes du beau sexe, aujourd’hui, portent des montres de  » mecs « . Une façon de prendre leur place, sans doute. Elles chipent les accessoires de leur mari, elles achètent des gros calibres, virils. Ce sont les Italiennes qui auraient commencé. Tiens, tiens…

Pour satisfaire la demande, les horlogers ont agrandi leurs modèles classiques, telle la Reverso de Jaeger-LeCoultre, qui arbore une taille en plus. La célèbre Tank de Cartier en petit format ne figure plus au catalogue de la maison. Heureusement, nous pouvons la trouver sur le marché de seconde main (compter autour de 2 000 euros pour un exemplaire des années 1960). Des diamètres de 40 centimètres, voilà ce que les dames veulent !  » Des poêles à frire « , comme se moque Jonathan Birn, expert, qui officie dans les ventes à Neuilly-sur-Seine, la banlieue chic de Paris. La tendance peut se renverser, prédit-il. L’engouement pour la chose énorme, ostentatoire, dure depuis près de dix ans. On devrait commencer à s’en lasser. Le genre discret retrouvera son heure de gloire. Promis.

Déjà, relevons quelques signes avant-coureurs.  » Certains de nos clients masculins recommencent à demander des montres fines « , remarque-t-on dans le magasin de Romain Réa. Serait-ce la réponse du berger à la bergère ? Que ce jeune marchand futé, qui débuta aux puces de Saint-Ouen avant d’atteindre la prestigieuse rue du Bac, à Paris, que cet expert auprès des ventes d’Artcurial, très occupé, pour ne pas dire minuté, stocke les montres de dames est révélateur. Il guette leur retour en grâce.

Autre symptôme, nous voyons apparaître dans les collections de certains horlogers des modèles menus, mini, XXS,  » baby « . On vous aura prévenu. La montre-bijou revient. Une parure qui donne l’heure. Deux en un. Diane Kruger, égérie de la marque Jaeger-LeCoultre, parcourt les tapis rouges parée de modèles en diamants abritant le calibre 101. Le fameux ! Le mouvement le plus petit du monde, né en 1929. Une prouesse technique : 98 pièces assemblées à la main dans 0,2 centimètre cube, 3,4 millimètres d’épaisseur, un poids d’à peine 1 gramme… Depuis les Années folles, aucun fabricant n’a fait mieux. L’unique montre pour dame capable d’émouvoir les collectionneurs mâles. D’où sa cote élevée : 3 000 – 4 000 euros pour un exemplaire en état parfait. Certes, on distingue à peine les aiguilles. Presbytes s’abstenir. Mais qu’importe ! L’heure ne s’affiche-t-elle pas partout ailleurs dans la vie moderne ? Sur nos téléphones, ordinateurs, fours à micro-ondes… Le calibre 101 n’est pas une montre, c’est la star des mécanismes horlogers. Portez-la pour briller les grands jours. Elizabeth II d’Angleterre l’arborait lors de son couronnement. Comme le temps passe…

PAR LAURE COLINEAU

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