Nouveaux visages de la cosmétique masculine, les athlètes de l’extrême érotisent l’effort physique et invitent les hommes à se surpasser. A la salle de sport, au boulot mais aussi lorsqu’il s’agit de prendre soin d’eux. Démonstration.

Eldorado de la cosmétique, le marché des soins pour Homme que l’on nous assure prometteur depuis plus de vingt ans reste encore et toujours en construction. Les chiffres d’ailleurs sont sans appel : 80 % des Européens n’utilisent aucun soin visage – hors after-shave – et seuls 11 % d’entre eux affirment en appliquer un tous les jours. Toutefois, dès qu’ils franchissent le pas, rares sont ceux qui font marche arrière. Et lorsqu’ils s’y mettent, ils restent plus fidèles à leur produit que les femmes.

Face à ce  » peut mieux faire « , les marques misent désormais sur un nouveau type de communication davantage dirigé vers les hommes et leur style de vie et surtout un nouveau type d’égéries, aux antipodes du minet métrosexuel qui, s’il avait le mérite de faire rêver les femmes – qui dans plus de 30 % des cas achètent les cosmétiques de leur partenaire -, n’a pas convaincu les principaux intéressés.  » Ce modèle s’est ringardisé car les jeunes hommes ont intégré la nécessité de veiller eux-mêmes à leur look sans que cela remette en question leur masculinité, analyse Philippe Marion, professeur de communication publicitaire à l’UCL. Prendre soin de son corps, c’est aujourd’hui une préoccupation centrale de mecs. Et ils entendent bien le faire à leur manière et non plus en singeant les femmes.  »

En lieu et place des mannequins épilés,  » de vrais hommes « , à savoir des sportifs de haut niveau, voire des athlètes de l’extrême, n’hésitent pas à prendre la pose pour vanter les mérites d’un sérum anti-âge ou d’une crème hydratante. Depuis 2010, le nageur français Camille Lacourt – surnommé à juste titre le  » Brad Pitt des bassins  » – est sous contrat avec Clarins : il est bien sûr le visage de la ligne Men qui fête cette année ses 10 ans, mais le beau gosse de 28 ans est aussi l’ambassadeur du groupe pour tout ce qui touche à son engagement en faveur de la protection de l’environnement.

Alors que chez Mennen, le pilote de rallye Sébastien Loeb célèbre les bienfaits de la lotion après-rasage, le rugbyman Vincent Clerc travaille quant à lui pour Sothys. Du côté des parfums aussi, depuis que Sébastien Chabal a prêté sa chevelure et sa carrure à la mythique fragrance Pour Un Homme de Caron, le muscle prend le dessus, comme en atteste l’arrivée du danseur Benjamin Millepied chez Yves Saint Laurent, du pilote de Formule 1 Jenson Button chez Hugo Boss et de toute l’équipe de marins du voilier Luna Rossa chez Prada, pris pour les besoins du spot publicitaire au coeur d’une tempête simulée dans un studio hollywoodien. Quant à la maison Paco Rabanne, elle devrait dévoiler tout prochainement sa nouvelle campagne mettant en scène Nick Youngquest, un rugbyman australien à la plastique de top-modèle.

 » L’image même du sportif a changé, poursuit Philippe Marion. Le gars balourd et uniquement intéressé par la compétition s’est mué en type balaise et attirant. Il est performant dans son job principal mais pas seulement : Eric Cantona fait du cinéma, David Beckham est une icône de mode. Ce sont aussi des hommes élégants, chargés de sex-appeal qui érotisent l’effort physique. A la différence de l’acteur ou du mannequin, le sportif ne  » joue  » pas un rôle, il  » est « , c’est très différent. Il existe comme une vérité absolue associée à l’idée de la performance physique. Comme si cet homme qui se dépasse ne pouvait pas mentir : son corps est là pour en attester, sa souffrance dans le dépassement que se plaisent à montrer les images médiatiques est une garantie absolue de sincérité.  »

Biotherm Homme ne s’y est pas trompé en décidant de construire toute sa nouvelle communication autour de quatre athlètes au parcours exceptionnel et dont les histoires personnelles sont en prime assez passionnantes pour faire écho au vécu de ses potentiels consommateurs.  » Avec le monde du sport, nous partageons des valeurs comme le goût de la performance, la quête de l’excellence, le dépassement de soi et l’efficacité, souligne Patrick Kullenberg, directeur général de la marque française. Notre message à l’attention des messieurs est ainsi de dire  » les hommes exceptionnels exigent des soins exceptionnels « . Au-delà de l’analogie avec nos produits, la notion de performance délivre également un message très positif de dépassement de soi. Le concept même de performance pour les hommes a évolué. Cette dernière ne se cantonne plus à un domaine précis – le travail, le sport… – et devient multifacette. C’est en tout cas ce que nous voulons démontrer en choisissant des égéries comme Josef Ajram, qui est à la fois trader, champion d’ironman (NDLR : une forme extrême de triathlon), père et auteur de best-sellers, ou encore Christian Yeager, surfeur reconnu mais aussi producteur de films.  » Les deux autres wonderboys de Biotherm Homme, qui s’illustrent eux aussi dans les sports aquatiques, trouvent dans leur vie à 100 à l’heure de quoi justifier l’usage quotidien des produits qu’ils plébiscitent.  » Je suis constamment exposé au soleil, ce qui m’oblige à protéger ma peau et je suis aussi sans cesse dans l’eau salée, ce qui implique que je l’hydrate « , confesse le kitesurfeur Youri Zoon.  » Vers 20 ans, j’avais l’impression que j’allais rester jeune toute ma vie, renchérit Guillaume Néry, recordman du monde d’apnée. Avec le temps j’ai découvert qu’il était important de prendre soin de sa peau pour avoir une meilleure image de soi et bien vieillir, en particulier lorsqu’on est très exposé au soleil et au sel marin. Appliquer une crème sur sa peau, c’est comme porter un nouveau costume.  »

Comme les superwomen dans les années 80, l’homme des années 2010 est donc forcé à l’excellence dans tout.  » Il ne peut plus se contenter de sa simple virilité comme argument distinctif tout cuit, pointe Philippe Marion. Comme pour les femmes, son pouvoir de séduction passe aussi par un corps bien fait. Et puissant.  » Soumis au mouvement croissant d’esthétisation de tout ce qu’il touche – les objets comme les vêtements ne se contentant plus d’être fonctionnels, ils doivent aussi être beaux -, il attache également de plus en plus d’importance à l’apparence de sa peau. Signe que les temps changent, les trentenaires européens utilisent davantage d’anti-âge que les plus de 40 et de 50 ans. Ils sont aussi plus curieux et dépensent plus pour leurs soins cosmétiques même s’ils recherchent avant tout des produits qui leur apportent une solution globale plutôt que ciblée, assortie d’un rituel d’application simple et dynamique. Le tout présenté dans des packs de préférence design et masculins, à l’image de la nouvelle gamme Nivea Men Active Age qui cible les plus de 35 ans.

Si le choix d’une égérie aux allures de super-héros peut inciter les hommes à l’achat décomplexé de produits de beauté, reste encore à les convaincre de pousser la porte des points de vente spécialisés.  » Outre nos porte-parole et nos campagnes qui mettent en avant un mode de vie résolument masculin, notre ambition est de proposer des lieux de shopping qui répondent exactement à leurs attentes, ajoute Patrick Kullenberg. Notamment via notre première boutique entièrement dédiée aux hommes, qui vient d’ouvrir à Singapour, mais aussi nos sites d’e-commerce.  » Moins intimidants qu’une parfumerie, les portails beauté pourraient en tout cas aider les hommes à passer à l’acte surtout lorsqu’il s’agit, par exemple, d’acheter un antiride ou un… amincissant, ce type de soin comptant parmi les best-sellers online sans rencontrer – par peur du regard des autres sans doute – le même engouement en magasin. Et ce même s’il se veut le coup de pouce rêvé pour se dessiner sans effort un corps d’athlète…

PAR ISABELLE WILLOT

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