Même Dita Von Teese, la plus fatale des Américaines, a succombé au French lover. Archétype hollywoodien, ce mythe romantique et sensuel est plus vivant que jamais. Décryptage.

Derrière les French fries, le French kiss ou la French touch se cache le détenteur de ce code génétique, coiffé d’une indéfectible aura dans le monde entier : le French lover. Même la sulfureuse Dita Von Teese y a succombé, complétant son costume d’effeuilleuse burlesque d’un fiancé Frenchy (Louis-Marie de Castelbajac)à Archétype hollywoodien, le séducteur français fait son apparition au cinéma, dans des films muets. Les premières romances ont besoin de personnages assez forts pour donner vie à des clichés figés depuis l’époque des troubadours. L’amour courtois et le libertinage passant pour être des inventions françaises, Hollywood veut son French lover. C’est Charles Boyer, acteur français naturalisé américain en 1942, qui est l’un des premiers à endosser l’habit. Abonné aux rôles de séducteur, il tourne avec les actrices les plus femme fatale de l’époque : Greta Garbo, Marlene Dietrich, Bette Davis, Michèle Morganà Ne pouvant supporter la mort de sa femme, l’acteur se suicide deux jours après, à 78 ans, un geste d’amour fou qui scelle le destin du parfait French lover.

S’il incarne la réconciliation vivante de la tête et des jambes, autrement dit des sens et des sentiments (la traduction française est d’ailleurs ambiguë, hésitant entre  » amoureux  » et  » amant « ), le French lover est d’abord un animal sexuel, dont la réputation est souvent confirmée par des sondages élisant les meilleurs amants du monde. L’expression s’entend d’ailleurs dans son acception charnelle. Ce n’est pas pour rien qu’Ovidie, star du porno alternatif, a nommé sa chaîne d’éducation sexuelle pour adultes Frenchlover TV. Ni que, quand une nouvelle revue érotique paraît à New York, elle se choisit un (pré)nom typiquement Frenchy, JacquesàPenelope Grace, auteure et illustratrice américaine installée à Paris depuis quelques années, qui vient de publier un recueil de textes et dessins ( Ah ! Ces coquins de Parisiens !, éd. The Global Boudoir, 2009) sur le thème du mâle parisien, confirme :  » Paris respire la sensualité !  » Une de ses compatriotes, le pied à peine posé sur le Tarmac de Charles-de-Gaulle, donne le ton au début de l’ouvrage :  » Forget the wine tasting tour, let’s try the men tasting tour !  » (Oubliez la tournée des vignobles, tentez plutôt celle des amants !)

Dans la presse internationale, l’expression est réapparue au sujet de l’affaire Dominique Strauss-Kahn. Si la France a quasiment toléré les frasques du directeur du FMI, dans la royale lignée de celles du Vert Galant, Henri IV, ou de Louis XIV, on y a vu aux Etats-Unis une intempérance qui n’excuse pas, mais au contraire accuse, la faute professionnelle. Dans ce pays encore souvent pudibond, le parfumeur Frédéric Malle a même dû adopter un autre nom pour son jus. Pourtant, c’est en arrivant à New York, par nostalgie de l’élégance masculine française, qu’il avait eu l’idée de son French lover.  » Je voulais recréer une odeur d’homme qui sent bon sans en avoir l’air, un parfum très viril, sensuel et raffiné. En le respirant sur moi, une amie m’a dit que je sentais le French lover, le nom était trouvé. A ceci près qu’aux Etats-Unis l’expression peut avoir une connotation très négative. Finalement, j’ai gardé le titre anglais pour la France et je l’ai rebaptisé Bois d’orage pour les Américains. J’imagine à merveille ce parfum sur Mathieu Amalric, qui est pour moi actuellement le plus French lover de Hollywood, avec son côté déstructuré et sa chemise ouverteà  »

Si DSK est de l’ancienne génération (infidèle notoire et un rien macho), les valeurs morales et le sens de l’engagement reprennent aujourd’hui du galon dans une période d’insécurité générale. Le néo-French lover est donc plus subtil, plus sensible.  » A beautiful strong man that is also sensitive  » (Un bel homme fort et sensible à la fois), à en croire une Anglaise mariée à un spécimen de Dordogne. Pour Vincent Grégoire, du cabinet de tendances Nelly Rodi, le Français est hybride, et c’est là tout son charme :  » Brut mais pas trop, androgyne et éthéré mais sans excès non plus ! C’est le mythe du prince charmant, très fort chez les Anglo-Saxons, un loulou-marlou qui côtoie la force tranquille et sait être raffiné.  »

Les attaches de ce voyou au c£ur tendre plongent à l’entre-deux-guerres, avec Gabin et son accent des faubourgs qui emballe Morgan. A l’international, Jean Dujardin est tout à fait dans ce créneau. Un petit côté franchouillard et en même temps un charme fou, qui fit d’OSS 117 le plus French lover des agents secrets. En Chine comme au Japon, le mythe perdure, personnifié par Alain Delon, objet d’un véritable culte. Ce n’est pas un hasard si les parfums Dior ont repris l’image de l’acteur au faîte de sa séduction, en 1966, pour leur dernière campagne publicitaire d’Eau sauvage.  » On est dans la nostalgie, poursuit Vincent Grégoire. Au cinéma, Christophe Honoré rend hommage à la nouvelle vague, à des figures comme Dewaere ou Jean-Pierre Léaud.  » Digne fils de cette génération portée au pinacle (et de son père, Philippe), Louis Garrel fait l’unanimité, et le magazine américain Visionaire l’a même élu France’s Next Sex-symbol. Comme Vincent Cassel, autre star outre-Atlantique.

 » Les Américains voient dans le French lover l’archétype de ce qui ne leur ressemble pasà et qui les fascine, décrypte Fahd Ayeva, rédacteur en chef de L’Imparfaite, revue érotique éditée par les étudiants de Sciences po Paris. La légèreté des relations amoureuses en France, leur apparente légèreté, voire leur absurdité, comme le fait de deviser éternellement sur pourquoi on s’aime ou pas, à la manière de Jean Seberg et de Belmondo dans A bout de souffle. C’est plus drôle de tomber amoureux en France qu’aux USA !  » Lorsqu’il se met en couple, le French lover continue d’ailleurs de faire rêver, renvoyant une image de perfection tant intime que publique. La barre est placée haut avec les couples de stars tels que Cassel-Bellucci, Martinez-Minogue (d’accord, ils ont rompu, mais Olivier s’est occupé de Kylie pendant sa maladie, et ça, c’est un passeport de French lover à vie), Garrel-Tedeschi, Canet-Cotillard, Parker-Longoriaà

Peut-être faut-il rendre grâce aux premières responsables de ce revival : la maman du French lover ! Elle a lu Françoise Dolto ou Simone de Beauvoir tout en écoutant Sacha Distel, elle a aimé Piccoli et Belmondo. Elle a appris à son fils à faire le navarin d’agneau et à ouvrir la porte aux dames. Et, surtout, elle a passé des heures à discuter avec ses amies, devant lui, offrant à ce futur French lover l’occasion unique de percer le mystère féminin.

Par Aurélie Galois

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