Les designers stars Humberto et Fernando Campana nous ont ouvert les portes de leur ville, symbole d’un Brésil en pleine mutation. Visite guidée dans cette jungle urbaine.

C’est en puisant dans les racines profondes de leur culture, en s’inspirant de l’exubérance tropicale de leur pays, en hissant le recyclage (le quotidien des habitants des favelas) au rang d’art que Humberto et Fernando Campana ont construit leur style et forgé leur succès. Après l’Italie et la France qui furent les premiers pays à les adouber, ils ont désormais conquis le coeur de leurs compatriotes. La frange la plus riche de la population, qui vit à 80 % à São Paulo, n’hésite plus à dépenser des fortunes pour acquérir l’une de leurs créations : un fauteuil composé de dizaines d’alligators en cuir cousus main ou un canapé Sushi réalisé à partir de chutes de caoutchouc. Autant de pièces créées dans leur estudio, en plein centre de la mégalopole. Paulistes passionnés, les deux frères, qui étaient, l’hiver dernier, à l’honneur au musée des Arts déco, à Paris, ne se lassent pas de cette cité qui vit et se transforme à toute allure, où l’architecture moderniste est reine. Leurs adresses et leurs coups de coeur en 4 quartiers.

SANTA CECILIA, LE QG BOBO DES CAMPANA

C’est dans ce quartier hétéroclite du centre que vivent et travaillent les Campana. Les deux frères n’ont pas quitté le studio qu’ils ont ouvert dans les années 80 : un ancien garage réaménagé en atelier par Humberto, l’architecte du duo.  » J’adore cet endroit, dit-il. On y trouve tout : le restaurant italien Cosi, branché et délicieux, des petits bars, des antiquaires, des galeries d’art.  » Santa Cecilia, c’est aussi là qu’a grandi Vik Muniz, l’un des artistes brésiliens les plus cotés du moment. A Barra Funda, la galerie Baro avec laquelle travaillent les Campana, installée dans un ancien bâtiment industriel, ambitionne de faire de ce secteur un nouveau Chelsea. L’excellente galerie d’art contemporain Vermelho, logée dans un sublime bâtiment noir et blanc de Paulo Mendes da Rocha, a réussi, en quelques années, à devenir un QG arty. Le restaurant Sal et sa terrasse face à la galerie sont devenus le rendez-vous des bobos de ce quartier en pleine mutation.

JARDIM, LE QUARTIER CHIC

Il suffit de flâner dans les jolies rues vallonnées aux faux airs de San Francisco et de descendre la fameuse rua Oscar Freire, le long de laquelle s’égrènent les grandes marques de mode, pour prendre le pouls du nouveau Brésil. C’est aussi là que l’on trouve les meilleures tables de la ville, à commencer par celle d’Alex Atala, le chef star du moment, qui sert une cuisine gastronomique métissée de haute volée au DOM et revisite la cuisine brésilienne avec plus de légèreté (dans l’addition également) chez Dalva e Dito. Dans Jardim America, se concentrent les boutiques de design, dont Firma Casa, reconnaissable à sa façade végétale signée… des Campana. On y trouve réunies toutes les créations des deux frères. L’autre QG des design addicts s’appelle Micasa, une très grande et belle boutique contemporaine réalisée par Marcio Kogan et l’agence franco-brésilienne en vogue Triptyque. Les amoureux du vintage se retrouvent, eux, chez Passado Composto, une galerie spécialisée dans le design brésilien, qui regorge de merveilles en bois exotiques très rares. Tous les dimanches, sur l’esplanade du MuBE – le musée à demi enterré de Paulo Mendes da Rocha -, se tient un petit marché aux puces avec quelques bons antiquaires. Juste au-dessus, le MIS, musée de l’Image et du Son, attire le public avec de belles expos photo. Son restaurant très design, au total look noir, fait salle comble le week-end pour les brunchs.

CENTRO, L’ÉCLECTISME JOYEUX

Difficile de désigner un centre dans une ville à l’urbanisme aussi anarchique que São Paulo ; reste que le dénommé Centro abrite les plus anciennes constructions. Des monastères du XVIIe siècle y côtoient les premiers gratte-ciel, érigés dans les années 20. Le Theatro Municipal, au style Renaissance, continue d’être l’une des plus importantes salles de spectacle. Il y a un et demi, les Campana ont réaménagé son  » cafe  » en mélangeant leurs inspirations baroques et leur esthétique moderne. Passage au marché municipal dans la grande halle… On vient grignoter un énorme sandwich à la morue et à l’huile d’olive, au Hocca bar, une institution depuis les années 50. C’est aussi dans cette partie de la ville que l’on trouve le fameux immeuble Copan, immense résidence à la façade ondulée d’Oscar Niemeyer. Non loin de là, l’homme d’affaires français Alexandre Allard élabore un complexe immobilier d’un nouveau genre : une ville dans la ville, vouée au luxe et au business, en lieu et place d’un ancien hôpital ; Jean Nouvel et Ora-Ito seraient de la partie pour façonner cet espace bien gardé. Dans le quartier voisin de la Luz, les architectes du cabinet Herzog & De Meuron planchent, eux, sur une future Cité de la danse. De quoi donner une nouvelle énergie à ce centre-ville tombé autrefois en désuétude…

LIBERDADE, LE MINI TOKYO

Une envie de sushi, de saké, de bain japonais ? Foncez à Liberdade, un mini Tokyo en plein São Paulo. La ville possède la plus grande communauté nippone présente hors du Japon. Appelés pour travailler dans les plantations de café, les premiers s’installèrent au début du XXe siècle, et surtout après 1940. Depuis, Liberdade est devenue une enclave japonaise dans la ville. On y trouve des bars à saké grands comme des mouchoirs de poche (Izakaya Issa) – dont certains sont tenus par des sumos ! – et plein de petits restaurants de nouilles (Aska) comme à Tokyo, cachés derrière des portes en bois.

VILA MADALENA, NOTRE QUARTIER COUP DE COEUR

Avec ses rues vallonnées et sa végétation tropicale, ce quartier rafle tous les suffrages. La nuit, les jeunes branchés se pressent dans ses bars. La journée, on y vient pour les boutiques de mode et les spots alternatifs comme l’enseigne de design vintage Retro 63 (rua Harmonia, 63) ou la boutique-bar Billy Castilho (rua Gonçalo Afonso, 99), tout près d’une ruelle célèbre pour ses murs de graffitis. A ne pas rater non plus : la très belle boutique de mode Farm (rua Harmonia, 57), installée dans un immeuble végétal signé Triptyque.

PAR MARION VIGNAL / PHOTOS : ANDRÉ VIEIRA

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