Ce scénario, personne n’y croyait… Sauf Walter Vander Cruysse, qui a réussi à faire du petit cinéma d’art et d’essai né au début des seventies une adresse incontournable pour tous les cinéphiles, de Gand et d’ailleurs.

« Je suis tombé amoureux du cinéma à l’âge de 12 ans, se souvient Walter Vander Cruysse, aujourd’hui 59 ans. C’est grâce à la Katholieke Filmliga de Bruges que j’ai vu pour la première fois des chefs-d’oeuvre signés Ingmar Bergman ou Pier Paolo Pasolini. En 1971, j’ai même été renvoyé du collège parce que j’avais regardé Straw Dogs de Sam Peckinpah, un film violent avec des femmes aux seins nus !  » Le temps a passé et Walter Vander Cruysse est depuis trente ans à la tête du Studio Skoop, un cinéma gantois dont la programmation très qualitative rayonne bien au-delà des frontières de la ville.

 » L’endroit a ouvert ses portes en 1970 grâce à un passionné, Ben Ter Elst. Il a racheté les sièges en bois et quelques projecteurs pour transformer une habitation de notaire en cinéma de 245 places « , raconte Walter. Alors étudiant en histoire, il travaille dans ce lieu dédié au septième art, comme bénévole. En 1979, Ben lui demande d’en reprendre la gestion quotidienne :  » Je me suis donc lancé, sans expérience en management ni connaissances techniques. A l’époque, on pouvait apprendre ce métier sur le tas. Au début, c’était de l’amateurisme pur. Il n’était pas rare que les projectionnistes demandent l’aide du public lorsqu’il y avait un souci avec une bobine de film !  »

L’ouverture du Decascoop gantois (devenu Kinepolis) en 1981 est un signal d’alarme pour Walter Vander Cruysse : pour survivre à cette concurrence, il pense qu’il est temps de se professionnaliser. Mais Ben ne partage pas ce point de vue et Walter décide de quitter le navire…. Pour peu de temps, puisque fin 1982, le rideau tombe sur Studio Skoop. Un an plus tard, Walter reprend l’affaire en dépit des pros du métier qui le prennent pour un fou.  » Moderniser un cinéma d’art et d’essai à l’agonie ? Personne n’y croyait. Seul Albert Bert m’a encouragé. En tant que fondateur du groupe Kinepolis, il est par la suite devenu mon plus grand concurrent mais je lui serai toujours reconnaissant.  »

Les investissements se succèdent alors. Deux nouvelles salles voient le jour en 1986. En 1988, les lieux accueillent une quatrième salle. Une rénovation en profondeur et l’aménagement d’une cinquième salle en 2000 feront grimper le nombre de places à 419. Un bar jazzy complète l’ensemble… Le budget reste néanmoins délicat à boucler.  » Les moyens financiers alloués par l’Europe et la Ville de Gand représentent 30 000 à 35 000 euros par an environ, estime le gestionnaire. Une belle somme mais qui est loin d’être suffisante pour suivre l’évolution du secteur.  » En mai 2012, le Studio Skoop s’est mis au digital, pour la coquette somme de 325 000 euros, dont moins d’un quart subsidié par la Communauté flamande. Mais, un an après ce virage technologique, Walter est plutôt satisfait : la digitalisation se reflète sur la programmation – une combinaison de films grand public et d’oeuvres plus pointues – et sur le nombre de spectateurs, passé de 71 000 en 2009 à 88 000 en 2012.

Sa succession ? Le patron du Studio Skoop ne s’en préoccupe pas encore.  » J’ai repris il y a trente ans un cinéma sur lequel tout le monde avait fait une croix. Il y aura bien un jour quelqu’un d’aussi déraisonnable et enthousiaste que moi pour continuer l’aventure.  »

Studio Skoop, 63, Sint Annaplein, à 9000 Gand. Tél. : 09 225 08 45.

www.studioskoop.be

PAR WIM DENOLF / PHOTOS : DIEGO FRANSSENS

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