Exclusif ! Boris Vervoordt, fils du célèbre antiquaire et amateur d’art anversois Axel Vervoordt, a ouvert à Weekend les portes de sa somptueuse demeure nichée dans le cour historique d’Anvers. Poussez la porte de ce sweet home cosmopolite qui joue à saute-siècles.

« Ce qui nous intéresse avant tout, c’est de rechercher l’esprit contemporain dans l’ancien.  » A l’instar de son père, Boris Vervoordt aménage avec brio des intérieurs… à commencer par le sien. Son sweet home ? Une maison du Vlaeykensgang, à Anvers, un  » îlot  » qu’Axel Vervoordt a entièrement restauré, depuis ses premières acquisitions, dans les années 1970. Pour Boris, qui y a passé les treize premières années de sa vie, réinvestir cette demeure et ce quartier constitue une décision chère à son c£ur.  » Je passe plus des trois quarts de mon temps en voyage, dans le monde entier, dit-il. C’est ici que je me sens chez moi et que j’aime me retrouver. Mon moment préféré est le dimanche après-midi, assis dans le canapé du salon, où j’écoute de la musique en buvant une tasse de thé. « 

Dans ces instants d’intimité, le feu ouvert crépite, mettant en évidence l’imposante cheminée aménagée par Axel Vervoordt.  » On se trouve ici dans le centre historique d’Anvers, sur le site d’un ancien château fort, note Boris. Une pierre en témoigne, la présente construction remonte à 1577. Mais, au xixe siècle, elle fut un temps une torréfaction de café, ce qui explique, non seulement, la présence de la cheminée, mais aussi, des plafonds aux poutres très basses, pour y ranger les sacs. Mon père a assemblé les étages par deux, en créant des mezzanines. Il a aussi organisé de nouveaux accès entre les niveaux, en aménageant un très bel escalier hélicoïdal en béton, qu’il a voulu comme un hommage à l’art cinétique. « 

Boris vit donc sur deux fois deux étages… balisés par une couleur dominante. Le plus spectaculaire des  » niveaux  » est habillé de rouge pour évoquer la chaleur, le feu. Il est orné d’une magnifique cheminée à feu ouvert. L’espace du bas, lui, est  » habité  » par une table de conseil d’administration, de la fin des années 1960 en placage d’ébène de macassar. Elle est entourée de chaises italiennes : Art déco et du xviie siècle.  » Ce rouge de Pompéi que nous avons réalisé en appliquant un pigment à base de pierre volcanique fait référence au mystère de la nuit, poursuit Boris. Je n’imaginerais pas y déjeuner. Par contre, j’y ai donné des dîners fantastiques aux bougies et au feu de bois, en asseyant jusque 36 convives autour de la table. « 

La cuisine est située de plain-pied avec cette salle à manger. On baigne ici dans une tout autre ambiance, qui traduit à merveille le style Vervoordt, version Boris. Les matériaux bruts sont mis en scène de manière très sobre.  » J’ai choisi l’ardoise, une pierre certes tendre, mais qui vit, souligne le maître de maison. Elle peut se griffer, il faut donc l’entretenir.  » Le plan de travail périphérique accueille un grand poêle Aga. A l’opposé d’un meuble de rangement, qui occupe le centre de la pièce et sert d’appoint, on trouve une ancienne table de cuisine de château. Elle est plus que centenaire mais ses lignes, son épaisseur, lui confèrent une allure contemporaine. Son côté brut est aussi révélé par le choix des sièges chinois du xviiie siècle. Sur le mur revêtu de chêne naturel, Boris a placé un photogramme de l’Américain Adam Fuss.

Cosmopolitisme et traversée des siècles se retrouvent à l’autre double étage en mezzanine dont la pièce principale est le salon. La couleur des murs, confectionnée ici aussi en utilisant des pigments minéraux, est claire.  » C’est une pièce qui reçoit beaucoup de lumière du sud, pointe Boris. Je la voulais donc claire pour y passer la journée. Le soir, en revanche, elle se teinte en jaune léger, sous l’effet de la lumière des bougies. « 

Quelques compositions méritent d’être détaillées, comme cette table ronde en ardoise du Gers. Elle est constituée de trois pièces qui s’assemblent. A ses côtés, Boris a placé deux tabourets, pièces originales signées Le Corbusier et datées de 1955. Au mur, toujours dans la gamme des gris, est accroché un magnifique tableau de Jef Verheyen, daté de 1962, l’année où le mouvement Zéro (auquel appartient par exemple le grand Lucio Fontana) a organisé une exposition dans la Hessenhuis d’Anvers. On trouve d’autres £uvres de Jef Verheyen de l’autre côté de la cheminée. Utilisant la technique du pinceau des artistes japonais, il a tracé des lignes, inspirées des paysages marins de Permeke.

Aux murs toujours, on remarque encore le travail de plusieurs photographes contemporains américains.  » Tout ce que vous voyez ici y est parce que cela me plaît, s’enthousiasme Boris. Je n’achète jamais un meuble, un objet, une £uvre d’art pour les placer quelque part. Une fois acquis ils trouvent toujours leur place, presque spontanément dans une composition.  » Une dernière confidence en guise de conclusion ?  » Je trouve que mon lieu de vie n’est pas vide. Mais il ménage des vides. De toute manière, je déteste le minimalisme froid. Nous ne sommes pas faits pour vivre dans un frigo. J’aime le minimal, mais en utilisant des matériaux chauds. « 

A lire, pour mieux connaître l’univers d’Axel et de Boris Vervoordt : Intérieurs intemporels, par Armelle Baron et Christian Saramon, éditions Flammarion, 253 pages.

Reportage : Jean-Pierre Gabriel

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