Petite, elle rêvait d’être une actrice. Mais son destin de  » nièce de.  » en a décidé autrement. Depuis six ans, Roberta Armani gère les relations de la maison italienne avec les célébrités du monde entier. Confidences exclusives à l’ombre des marches.

Le lobby tout en dorures de l’hôtel Martinez, à Cannes, regorge en cette saison de beautiful people, bardés d’accessoires de marque. Pourtant, lorsque Roberta Armani le traverse à son tour, vêtue d’une robe crème plissée et de ballerines à talons plats, on ne voit que son élégance discrète. De quoi donner aux poseuses bling-bling l’impression avérée d’avoir un peu trop forcé la dose de logos. A Cannes, où en matière de style, le pire côtoie le meilleur, on comprend mieux l’envie que peuvent avoir les stars d’éviter le dérapage, la faute de  » too much « , lorsqu’elles se soumettent, chaque soir, aux flashs impitoyables de quelque 300 photographes massés le long des marches les plus glamour du monde.

Est-ce parce qu’elle aurait voulu, elle aussi, être une actrice, qu’elle comprend si bien ce sentiment de fragilité, d’insécurité qui peut habiter les  » talents  » – comme les appellent les studios hollywoodiens – au moment de poser le pied sur le red carpet ?  » Peut-être, sourit Roberta Armani. J’aime les aider à choisir des vêtements qui seront pour eux comme une seconde peau, qui les protégeront sur le tapis rouge ou dans une scène de film dans laquelle ils ne se sentent pas très à l’aise. « 

La maison Armani, qui fut la première à installer, il y a plus de vingt ans déjà, un bureau à Los Angeles uniquement dévolu à l’entretien de liens privilégiés avec les célébrités américaines – notamment via le prêt de robes du soir pour la cérémonie des Oscars -, ne prend pas le red carpet business à la légère.  » Quand Cate Blanchett, Steven Spielberg et Harrison Ford montent les marches en Armani, ce n’est pas le fait du hasard, insiste Roberta Armani qui gère depuis six ans une équipe composée aujourd’hui de 50 personnes chargées uniquement des relations avec les stars, établies ou en devenir. Nous avons le privilège d’avoir des amis de longue date. Et de les habiller.  » Leçon de style.

Weekend Le Vif/L’Express : A Cannes, de plus en plus de griffes de luxe louent des suites au Martinez pendant le festival. On a pourtant peine à croire que les stars s’y précipitent pour choisir leur robe du soir ou leur smoking juste avant de monter les marchesà

Roberta Armani : Non, et ce n’est pas notre style d’envoyer des robes dans toutes les chambres où nous savons que logent des acteurs dans l’espoir de les voir le soir sur le tapis rouge. Nous n’avons jamais payé personne non plus. Je sais que certaines maisons envoient jusqu’à trois tenues différentes parce que l’agent leur fait comprendre que la star ne sait toujours pas ce qu’elle va porter quelques heures plus tard. Mon oncle refuse d’entrer dans ce jeu-là. Il a coutume de dire :  » Je préfère n’habiller personne si c’est comme cela. Si une actrice me choisit, elle me choisit, point barre.  » Vous savez, Cate Blanchett, par exemple, m’a téléphoné un mois avant le festival pour dire qu’elle souhaitait porter une robe Armani pour la première d’ Indiana Jones et le Royaume du Crâne de Cristal. Mon oncle lui a dessiné une robe exclusive. Elle l’a portée, et nous avons passé un bon moment ensemble pendant la soirée de gala. C’est un tout autre type de relation.

Certaines stars vous sont même fidèles depuis des annéesà

Bien sûr, souvent parce que nous avons été les tout premiers à les approcher, à nous occuper d’elles alors qu’elles étaient encore débutantes. Nous avons invité Leonardo DiCaprio à nos défilés alors qu’il avait à peine 17 ans, bien avant la vague de Titanic ! Lorsqu’il est devenu célèbre, il a continué à choisir Armani parce que dès le début nous avons cru en lui.

Repérer de nouveaux talents, cela fait-il partie de votre mission ?

Parfaitement. J’ai des bureaux un peu partout dans le monde, à Madrid, à Londres, à Paris. Mes collaborateurs m’envoient des noms de jeunes stars que nous pourrions habiller. Je regarde, je vérifie les infos à leur sujet, je vois s’ils  » sont Armani « , car vous savez, je pense que certaines personnes le sont et d’autres pasà

 » Etre Armani « , comment le définissez-vous ?

C’est une manière d’être qui a plus à voir avec l’élégance et la beauté de l’âme que la stricte apparence. La robe que l’on vous prête, il faut savoir la porter, l’habiter. J’aime les femmes qui ont de la stature, qui vont donner vie à nos vêtements, qui vont jouer avec eux, qui sont aussi capables d’une certaine ironie, de distance vis-à-vis d’elles-mêmes.

Lorsque vous regardez la montée des marches, quelle est votre réaction devant cet étalage de luxe souvent tapageur ?

C’est vrai, c’est souvent too much : je vois des femmes qui sont littéralement prisonnières de ce qu’elles portent ! Je comprends mieux la vision de mon oncle qui me dit toujours :  » Simplifie, simplifie, simplifie.  » Sur le tapis rouge, plus qu’ailleurs,  » less is more « . Même dans une robe Armani Privé de 100 000 euros, vous ne vous sentirez jamais  » sur-habillée « , déguisée. C’est un peu comme une seconde peau dans laquelle les femmes doivent se sentir à l’aise.

A Cannes, tous vos concurrents se bousculent. Comment ressentez-vous cette compétition ?

C’est vrai que Cannes semble gagner en importance. Je viens ici depuis trois ans, et chaque année je reste sur place un peu plus longtemps. Car il n’y a pas que la montée des marches, il y a aussi toutes ces soirées, comme celles de l’AmFAR ou du magazine Vanity Fair pour lesquelles nous habillons aussi les célébrités. Dans un sens, on peut parler de compétition. Ce qui n’empêche pas le respect. Le festival dure douze jours. Je suis convaincue qu’il y a de la place pour tout le monde. C’est avant tout l’aboutissement de toute une année de travail. Ici, on ne sent pas la pression : le matin, vous croisez les RP des autres marques, vous vous félicitez mutuellement. C’est aussi l’occasion de faire la fête ensemble.

Y a-t-il une star que vous rêvez d’habiller sur le tapis rouge ?

Je dirais Madonna. Elle est tellement éclectique, capable de toujours se réinventer, elle est toujours up to date. Nous avons déjà fait des shootings de mode avec elle pour des magazines, mais jamais de red carpet. Ce serait fun de la voir en Armani.

Quel conseil donneriez-vous à quelqu’un qui s’apprête à monter les marches pour la première fois ?

Surtout ne pas forcer sur le maquillage, ni sur la coiffure. Avant de quitter la chambre, se regarder dans le miroir. Si c’est possible, enlever trois choses. Le secret c’est de simplifier. Et surtout, une fois au pied des marches, oublier le stress et profiter du moment.

Propos recueillis par Isabelle Willot

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