Mers et océans ne cessent d’inspirer les marques. Pour la part de mystère, la beauté et la poésie qui s’en dégagent. Mais aussi, de plus en plus, pour la prise de conscience écologique qu’ils suscitent auprès des consommateurs.

Des broderies poisson, de la dentelle en forme de coquillage, des imprimés façon corail… Pour sa première collection chez Emilio Pucci, l’Italien Massimo Giorgetti a fait un grand plongeon dans l’une des thématiques estivales préférées des créateurs : l’univers aquatique. Un appel du large qui se retrouve par ailleurs chez Carven, avec des teintes bleues, des tentacules de méduse, des ceintures dont les oeillets rappellent les hublots d’un bateau, des tops barrés de l’inscription  » kid shark « … A voir également chez Sportmax, Alexander Wang ou Balmain, qui revisitent de façon contemporaine le filet de pêche, tandis que MaxMara convoque marinières et sacs polochon pour larguer les amarres. Et les labels plus commerciaux ne sont pas en reste, comme & Other Stories, Asos, Sandro ou Seafarer, qui proposent chacun leur propre interprétation de ce thème.

 » L’océan représente deux tiers de la planète ; il est normal qu’il inspire, considère Iris Perrin, assistante styliste au cabinet de tendances Carlin International. Cet espace maritime reste très mystérieux, car inexploré à 75 %. Et l’être humain a cette fascination, parfois teintée de peur, pour l’inconnu… Pour la mode, c’est un sujet très facile à exploiter. Cela concerne la nature – quelque chose de proche de nous -, tout en possédant cette part mystique, tel un nouvel eldorado qui ne demande qu’à être découvert.  » De quoi en faire une source inépuisable de références, qu’il s’agisse de couleurs, de formes ou de matières.

De fait, cet esprit Splash fait depuis longtemps de l’oeil à la sphère fashion. Nul besoin de parler en long et en large de Coco Chanel qui, dans les années 20, détourne déjà la marinière pour la porter de façon féminine. Cinq décennies plus tard, on découvre le caban d’Yves Saint Laurent, ici aussi présenté de façon très littérale. Puis arrive Jean Paul Gaultier, qui s’amuse avec le cliché du loup de mer, pour décorer ses flacons de parfum…  » Depuis les années 2000, on constate néanmoins un vent de renouveau, précise Iris Perrin. Les designers se plaisent à moderniser et à se réapproprier cette tendance aquatique, notamment grâce aux découpes au laser et aux tissus technologiques, qui ne cessent d’accroître les possibilités.  »

LAME DE FOND

Autre évolution : si cette envie de coquillages et crustacés renvoie forcément à la notion de plaisir – une virée à la plage, la perspective d’une évasion en eaux turquoises… -, elle s’accompagne dorénavant d’une prise de conscience écolo.  » Forcément, il y a des marques qui utilisent cet attrait autour des flots pour faire du greenwashing, reconnaît l’assistante styliste. Elles se font bien voir auprès de la population alors que finalement, leur ligne durable ne représente qu’une petite part de leur collection.  »

Mais à côté des entreprises qui surfent sur la tendance  » blue green  » de façon opportuniste, pointons-en d’autres pour qui les problèmes d’environnement sont une réelle préoccupation. Ainsi, le printemps-été 2016 de Vivienne Westwood est un hommage à Venise, qui risque d’être submergée par la lagune. Il faut dire que la créatrice britannique martèle ses convictions écolo depuis de longues années déjà ; elle s’est d’ailleurs exprimée, en décembre dernier, lors de la Cop21, et a rejoint l’équipe de la Sea Shepherd Conservation Society, qui lutte pour la biodiversité des océans.

En 2013, Kenzo faisait défiler des mannequins aux slogans  » No Fish No Nothing  » imprimés sur les tenues, afin de montrer son engagement auprès de la Blue Marine Foundation, qui oeuvre pour la protection des profondeurs. Du côté des griffes streetwear, notons les initiatives de G-Star et Adidas. La première présente chaque année sa ligne Raw for the Oceans, avec l’aide du chanteur Pharrell Williams, copropriétaire du label. Une capsule réalisée à partir de Bionic Yarn, une nouvelle fibre écologique conçue à base de bouteilles en plastique collectées dans les eaux. L’équipementier sportif, lui, s’est associé à la fondation Parley for the Oceans pour dévoiler une basket fabriquée à partir de déchets récoltés en mer et de filets de pêche recyclés.  » Même si elle n’existe qu’à l’état de prototype, cela montre l’intérêt pour ce genre de question « , analyse l’experte, qui pointe aussi le projet d’une université californienne : développer un Bikini censé filtrer les particules polluantes des flots. Tout sauf des gouttes d’eau dans l’océan…

PAR CATHERINE PLEECK

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