Depuis le début des années 1990, Jacky Franco tient les rênes de la direction artistique du département Homme du créateur bruxellois. De plus en plus affirmé et de plus en plus chic, l’homme Strelli affiche sa fantaisie raffinée au travers des lignes trendy mâtinées d’un classicisme intemporel.

Sa collection printemps-été 08. Jacky Franco adore l’ambiance du Swinging London des années 1960, une période ultracréative et donc palpitante à explorer. Le style vestimentaire des Rolling Stones (dont il est fan), affiché à l’époque, a constitué la principale source d’inspiration. Copier simplement les vêtements n’avait certes aucun intérêt. En revanche, certains détails ont servi de base de réflexion pour construire, en décalant la vision, une collection qui tient la route. La veste rayée de Brian Jones, la veste un peu chiffonnée de Charlie Watts, les pantalons taille basse et les pulls rayés de Mick Jagger ont donné l’impulsion à la recherche de matières, de coloris et de silhouettes s’inscrivant au mieux dans l’esprit du iiie millénaire.

La palette chromatique est sobre,  » les couleurs n’exploseront qu’en 1967 « , note en effet Jacky Franco. Les duos gris/blanc, gris/beige, beige/blanc, marron/blanc et marron/beige s’affirment à côté du noir, incontournable et indispensable. Une mosaïque masculine et chicissime qui autorise tous les mélanges et métissages. L’allure générale est très élégante. On quitte un peu le sportswear, tant au niveau des formes que des finitions, pour composer des silhouettes plus fines, plus près du corps.

Jacky Franco a utilisé beaucoup de cotons, en choisissant des matières assez raides et  » cassantes  » pour préserver le côté net et clean. Le lin, marque de fabrique d’Olivier Strelli, est moins présent. Il n’a pas vraiment sa place dans cette collection. Les pièces à manches optent pour les coloris unis. Parfois, elles s’animent d’une petite fantaisie sous forme de rayures, fines, plus larges mais pas trop marquées. Petit détail raffiné ? Des empiècements de tissu imprimé aux teintes vives se cachent sous les cols ou à l’intérieur des vestes. Selon l’inspiration du moment, le propriétaire a le loisir de les montrer au grand jour ou pas. On retrouve plus de liberté dans les chemises, ornées de microdessins ou de motifs  » cravate « .

L’accessoire devient indispensable. Les écharpes, en lin ou en coton d’Egypte, affichent souvent des fantaisies graphiques et peuvent se porter froissées. Parmi les hits de la collection, Jacky Franco cite le trench et le caban court, sans oublier la veste, accompagné d’un pantalon cigarette ou d’un jeans.

Ses sources d’inspiration.  » Il est clair que je n’ai jamais inventé un vêtement, sourit Jacky Franco. Une veste a deux manches, un pantalon a deux jambes… Alors, j’adapte en permanence. L’inspiration vient de toutes parts, de la musique, de la littérature et de l’art.  » Un exemple littéraire : dans Mr. Vertigo, Paul Auster décrit à un certain moment l’attitude d’un chômeur déambulant à New York. En lisant, l’imagination de Jacky Franco s’est mise en marche et il a conçu la manière dont le personnage était habillé. Une fois réalisée, la silhouette s’est avérée juste et intéressante.

Hélas, il y a aussi de fausses bonnes idées.  » Un jour, à Londres, je suis allé voir une exposition sur Marc Rothko. J’étais là, soufflé, devant la beauté et la force des toiles. Immédiatement, j’ai rêvé de faire un pull avec ce genre de dégradés. Nous avons effectué plusieurs essais, c’était horrible ! « 

Certaines nuances de couleurs, découvertes çà et là, constituent parfois le fil conducteur d’une collection. A l’avenir, on retrouvera peut-être ce brun rouge chaleureux aperçu dans une £uvre de Louise Bourgeois et… dans un reportage sur la Chine. Et c’est un article sur l’Irak paru dans Le Nouvel Obs où l’on voit des Irakiens habillés de chemises bleues, qui donne envie à Jacky Franco d’exploiter prochainement le thème indigo.

Son parcours. Après une enfance passée au Congo, Jacky Franco devient Bruxellois en 1960. Le vêtement l’intéresse. Il en fait donc sa profession, du côté commercial. Olivier Strelli le débauche en 1979. Commence alors une belle success story, menée tambour battant à trois ; l’épouse d’Olivier Strelli ayant été fortement impliquée dans la société.  » Au début, je fonctionnais un peu comme un électron libre, en m’occupant de tout. Très vite, j’ai été attiré par l’homme. Olivier Strelli m’a forgé une structure et m’a donné carte blanche, même plus que blanche. Dans les années 1990 je suis devenu complètement autonome.  » Le département Homme représente aujourd’hui 40 % du chiffre d’affaires et est en progression constante. Jacky Franco est assisté par Hugo et par un petit staff féminin qui assure l’administration et le commercial.

La clientèle belge. Les clichés ont bon dos : l’homme belge serait difficile à habiller. Epicurien et bon vivant, il affiche une brioche confortable et des cuisses plutôt massives. Cela dit, les hommes au ventre plat et aux cuisses parfaites ne sont pas si rares.  » J’écoute ce que les clients disent, leur avis est important, explique Jacky Franco. Je sais bien qu’un pantalon cigarette ne convient pas à tous les hommes. Ma réponse ? On ne peut pas plaire à tout le monde. Dans la collection automne-hiver 08-09, le pantalon sera plus large, uniquement parce que j’en ai envie. Dans le prêt-à-porter classique il faut tenir compte de toutes les morphologies. Quand on est un peu plus créatif, comme chez Strelli, il est clair qu’on ne peut pas habiller tout le monde à la fois, ce n’est pas possible.  »

Ses passions. Les vacances sont citées spontanément, en premier lieu. Bourreau de travail au quotidien, Jacky Franco est capable, dès qu’il prend quelques jours de repos bien mérité, de réveiller son côté  » lézard « , de ne rien faire et d’adopter un rythme lent. Les destinations préférées ? Le Maroc, la Grèce, les îles, Ibiza hors saison, la côte est des Etats-Unis et le désert. En musique, il reste fidèle aux icônes de sa jeunesse : les Stones de la belle époque : entre 1965 et la fin des années 1970, Jimi Hendrix, Otis Redding et, surtout Willy DeVille, chanteur torturé et  » déchirant  » qui mixe avec talent le blues, le latino et le new-orleans. L’art le passionne aussi, comme spectateur, pas comme collectionneur. Les cubistes Fernand Léger et Pablo Picasso ainsi que Andy Warhol, icône du pop art, figurent parmi ses favoris. L’écrivain américain Paul Auster lui a donné le goût de la littérature contemporaine dont il apprécie les ambiances.

Pour se déplacer, Jacky Franco adopterait volontiers les voitures anglaises des années 1960. Pas faciles à conduire, elles sont pourtant une source de plaisir inégalé, également olfactif, avec leurs effluves inimitables de cuir et d’huile. La gastronomie ?  » Pas son truc « , il avoue ne pas être gourmet du tout. Un plat de saucisses avec du chou rouge et de la purée suffit à son bonheur. De temps en temps, il craque aussi pour une petite louchée de caviar.  » J’adore ! « 

Coup d’£il sur la collection automne- hiver 08-09. L’histoire estivale du Swinging London se poursuivra, dans une ambiance plus festive et plus colorée. Le taupe, le marron, l’orange, le gris, le turquoise, le cobalt se taillent la part du lion. Grâce à des fils enduits, les tissus acquièrent beaucoup de brillance et un aspect  » liquide « . La ligne cintrée des vestes et des manteaux est maintenue. En revanche les pantalons (souvent à pinces) auront davantage d’ampleur. Enfin, dans les vestes, les empiècements sous le col en tissu  » cravate  » sont remplacés par une feutrine de couleur contrastée.

Barbara Witkowska Photos : Renaud Callebaut

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