L’empire du fashion clic

© DANIEL KALKER/DPA/SDP

L’e-commerce flirte aussi avec l’architecture contemporaine pour renforcer son aura fashion. La preuve avec le site multimarque matchesfashion.com, niché dans The Shard, la tour futuriste de Renzo Piano, à Londres.

Bienvenue dans le monde de matchesfashion.com : un showroom géant a été aménagé au 21e étage du gratte-ciel The Shard, avec restaurant éphémère, studio photo intégré et vue époustouflante à la clé. Ruth Chapman, fondatrice de la société avec son mari Tom, y reçoit à l’occasion de la présentation des collections printemps-été 2017. La plate-forme de vente en ligne vient d’envahir deux étages de cette tour emblématique, la plus haute d’Europe, avec ses 309 mètres, érigée en 2012 en face de la City.  » Mon mari et moi sommes passionnés d’architecture et grands admirateurs de Renzo Piano, concepteur de l’édifice, explique la prêtresse de ce site de mode. Mais c’était surtout l’occasion de rassembler tout le monde en un seul lieu. La communication au sein de la société n’a jamais été aussi fluide. Et puis  » The Shard « , cela veut dire  » l’éclat  » !  » C’est son partenaire, collectionneur d’art moderne et féru de ventes aux enchères, qui a meublé ces nouveaux bureaux immaculés. Car si les Chapman ont décidé de confier récemment la direction de leur bébé à Ulric Jerome – spécialiste de la vente sur Internet et ex-directeur exécutif de Pixmania -, ils restent présidents de l’entreprise. Bien loin de ses débuts modestes, il y a presque trente ans…

1987. La boutique Matches est à peine plus grande qu’une boîte à chaussures (environ 45 m2). A Wimbledon, très chic quartier résidentiel de l’ouest londonien, le couple accueille ses clientes avec une tasse de café, dans ce qui est la première enseigne multimarque britannique à proposer des maisons de luxe internationales comme Prada ou Bottega Veneta. Au fil des années, la boutique s’agrandit ; quatre nouveaux lieux ouvrent dans la capitale. La conversion au Web se fait en 2007 : Matches devient matchesfashion.com. A peine dix ans plus tard, la société est désormais un empire au succès ahurissant, rival de Net-a-porter. En ligne, plus de 450 marques pour 5 millions de visites par mois et des expéditions dans 176 pays.

DÉNICHEUR DE PÉPITES

Ruth Chapman a été responsable pendant des années de la stratégie d’achat. Son oeil, son exigence et son amour du secteur ont donné au projet son identité toute particulière :  » Nous mettons tout en oeuvre pour devancer les désirs des femmes. Contrairement à nos concurrents, nous n’essayons pas de promouvoir des tendances, mais de montrer comment s’approprier un vêtement, afin de se construire un style selon sa personnalité. Comment associer une chemise Balenciaga par exemple, pour la porter au bureau.  » La businesswoman a formé une équipe d’acheteurs capable de repérer les talents émergents. Le site se vante d’avoir été le premier à proposer la collection du label Vetements, plusieurs heures avant les autres. Pour cette belle saison, l’e-store mise sur les jolis sacs de l’Américain Mark Cross, les robes parfaitement coupées de l’Australien Carl Kapp ou les lignes épurées de Gabriela Hearst, que Ruth affectionne particulièrement. Parmi d’autres pépites, une collection capsule signée Roksanda, la première collection de Fabrizio Viti, directeur artistique des souliers Louis Vuitton, ou les jeans d’une jeune marque new-yorkaise dont on devrait très vite entendre parler, Khaite.

Ici plus qu’ailleurs, une griffe est un partenaire. Chaque mercredi sont proposés deux nouveaux numéros de The Style Report (femme et homme), dont les sommaires présentent séries de mode, interviews ou portraits de créateurs réalisés par des photographes internationaux et des stylistes en vogue, chaque citation de label étant payante. Une version papier est également distribuée à 100 000 exemplaires, quatre fois par an. La technologie utilisée sur le site permet d’acheter un article sans jamais interrompre son expérience de lecture. Dans les bureaux, des écrans indiquent en permanence aux employés les best-sellers du moment. La course à l’exception ne s’arrête jamais :  » Lorsque vous passez commande à Londres, vous êtes livré en 90 minutes, poursuit Ruth Chapman. Nous voulons que ce délai passe à une heure dans toutes les grandes villes. Nous cherchons sans cesse à améliorer la relation au public, et cela passe par la réactivité, le conseil, le service après-vente. C’est la condition de notre succès.  »

Cette stratégie numérique porte ses fruits : un client de l’e-shop dépense en moyenne 750 euros par panier ! Pour la présidente, l’un des projets les plus importants actuellement est, cependant, la création d’une  » vraie  » boutique consacrée à Raey, label de basiques créé en interne et au succès grandissant :  » Cette ouverture prévue à Notting Hill est pertinente, car elle nous permettra de raconter la griffe à nos clientes, d’en expliquer le sens et le message… que nous essayons de délivrer en ligne, mais que nous ne pouvons pas contrôler entièrement…  » Internet ne peut pas tout.

PAR KARINE PORRET

 » NOUS N’ESSAYONS PAS DE PROMOUVOIR DES TENDANCES, MAIS DE MONTRER COMMENT S’APPROPRIER UN VÊTEMENT.  »

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